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1er janvier 1677 : première représentation de Phèdre

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1er janvier 1677 : première
représentation de Phèdre
Publié / Mis à jour le mardi 1er janvier 2013, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 

Phèdre, la dernière des tragédies profanes de Racine, est dans les fastes du théâtre une époque à jamais mémorable, non seulement par le prodigieux mérite de l’ouvrage, mais par la conspiration qui se forma pour l’étouffer dans sa naissance. Ce ne fut point une cabale d’auteurs ameutés contre le poète qui les écrasait du poids de sa gloire : la trame fut ourdie par des gens de qualité, par des gens du grand monde, supérieurs par leur état et par leur naissance à la gloriole poétique et à la rivalité littéraire.

Des femmes, qui par leur éducation et la délicatesse de leur esprit, étaient si bien faites pour sentir et pour apprécier les talents du peintre du cœur, se mirent à la tête de la conjuration. La duchesse de Bouillon, madame Deshoulières, le duc de Nevers, et plusieurs autres personnes de distinction, tous membres d’une société de bel esprit, réunie à l’hôtel de Bouillon, se liguèrent pour faire tomber la Phèdre de Racine, qu’on annonçait d’avance comme un nouveau phénomène qui devait effacer, par son éclat, tout ce qui avait paru jusqu’à ce jour au théâtre. Racine, ce poète d’un goût si naturel et si vrai, ne plaisait point aux réunions de précieuses, aux coteries où l’on admirait l’abbé Cotin.

La réputation de Racine blessait des personnes qui prétendaient avoir le même rang au Parnasse que dans le monde, et donner le ton dans la société. Madame Deshoulières était animée contre l’auteur d’Andromaque, de Britannicus, d’Iphigénie, etc., par un motif particulier : elle était auteur, et composait déjà sa malheureuse tragédie de Genseric, qui fut sifflée trois ans après. Parmi les poètes qui composaient sa petite cour, Pradon fut choisi comme un champion qu’on pouvait opposer à Racine. La ligue lui commanda une tragédie de Phèdre, dont on devait se servir pour faire tomber celle de Racine. A quel point l’amour-propre et la haine n’aveuglent-ils pas les personnes même qui ont le plus d’esprit ! Que pouvait attendre l’hôtel de Bouillon d’un auteur tel que Pradon, contre un poète tel que Racine ? Pradon composa sa Phèdre avec son génie ordinaire ; il la lut sans doute aux conjurés, et la platitude de cette misérable rapsodie ne déconcerta point leurs projets.

La Phèdre de Racine fut représentée à l’hôtel de Bourgogne le 1er janvier 1677. Le parterre applaudit beaucoup, mais les loges étaient vides : l’hôtel de Bouillon les avait toutes louées pour les quatre premières représentations. Madame Deshoulières eut le plaisir de voir le succès de ce stratagème. Elle n’avait garde de manquer la première représentation de cet ouvrage, qu’elle avait condamné à périr en naissant. Elle revint chez elle souper avec Pradon et quelques autres de ses complices. On déchira la pièce pendant le repas ; et madame Deshoulières composa au dessert un sonnet, où il y a beaucoup plus de méchanceté que de sel et d’esprit.

On eut soin de répandre dans Paris cette satire que sa grossièreté nous empêche de citer. L’abbé de Tallemant l’aîné en apporta une copie à madame Deshoulières. Elle affecta de recevoir cet écrit comme une nouveauté qui lui était inconnue. Le sonnet, tout médiocre qu’il était, fit grand bruit. Les amis de Racine l’attribuèrent au duc de Nevers, et y firent une réponse non moins grossière et non moins indécente, sur les mêmes rimes. Les auteurs de ce sonnet, le meilleur des trois qui furent composés dans cette querelle, étaient le chevalier de Nantouillet, le comte de Fiesque, le marquis de Manicamp, le marquis d’Effiay et M. de Guilleragues. Mais le duc de Nevers l’attribua à Racine et à Boileau, et répondit par un troisième sonnet, dont nous pouvons citer les trois derniers vers :

Vous en serez punis, satiriques ingrats,
Non pas en trahison d’un sou de mort-aux-rats,
Mais de coups de bâton donnés en plein théâtre.

Les menaces du duc de Nevers n’eurent d’autre suite que d’alarmer les deux poètes, gens très susceptibles de peur : ils furent bientôt rassurés par un puissant protecteur, qui prit hautement leur défense. Le grand Condé déclara qu’il vengerait, comme faites à lui-même, les insultes qu’on aurait la témérité de faire à deux hommes d’esprit qu’il aimait, et qu’il prenait sous sa sauvegarde. Il le fit dire assez durement au duc de Nevers lui-même ; et son fils, par son ordre, écrivit aux deux poètes : « Si vous n’avez pas fait le sonnet, venez à l’hôtel de Condé ; M. le Prince saura bien vous défendre. Si vous l’avez fait, venez-y encore : car M. le Prince trouve le sonnet très bon et très plaisant »

Anecdote honorable pour le prince de Condé, pour les lettres, et pour le siècle où l’on voit un grand prince avoir assez de grandeur d’âme et de générosité pour prendre le parti d’un homme de lettres contre un seigneur riche et puissant. Le roi lui-même avait donné l’exemple de cette noble justice, en soutenant Boileau contre le déchaînement général des auteurs, et en forçant l’Académie à recevoir dans son sein le satirique, qui n’avait pas épargné la plupart de ses membres.

Les trois sonnets nous ont fait perdre de vue les deux Phèdres. Celle de Pradon fut représentée deux jours après celle de Racine (3 janvier). L’hôtel de Bouillon avait également retenu toutes les loges pour les premières représentations, et eut soin de les bien remplir. La pitoyable tragédie eut un grand succès, et obtint en effet un triomphe apparent sur celle de Racine, pendant cinq ou six jours. Ce fut là qu’aboutit tout l’effort de la cabale, et la dépense d’une somme de quinze mille francs qu’elle avait faite pour appuyer son opération. La Phèdre de Racine ne tomba donc point, comme on se l’imagine communément ; mais elle eut, pendant les six premières représentations, moins de spectateurs et d’applaudissements qu’elle n’en méritait.

 
 
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