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Enseignement, éducation : dangers de l'apprentissage par coeur. L'école, formation des élèves, analyse et esprit critique

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Méthodes d’enseignement : dangers d’un
apprentissage par coeur contraire
à la formation de l’esprit critique
(Extrait de « Ma revue hebdomadaire illustrée », n° du 26 avril 1908)
Publié / Mis à jour le mercredi 14 mars 2018, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Au début du XXe siècle, un chroniqueur de Ma Revue hebdomadaire illustrée dénonce la politique d’enseignement de l’ « école des perroquets », qui érige l’art de réciter en méthode de formation des jeunes esprits, à l’origine d’une servitude intellectuelle et de l’incapacité d’émettre un avis éclairé qu’il observe chez la plupart de nos concitoyens

Nous connaissions l’Ecole des femmes, l’Ecole des maris ; on vient de découvrir l’école des perroquets, écrit Henri d’Alméras. Elle existe au Grand-Montrouge – partie de la ville de Montrouge après que cette dernière eût été amputée en 1860 du Petit-Montrouge suite à l’extension de Paris –, et elle a pour but de compléter l’éducation de ces étranges volatiles qui ont toujours l’air d’avoir avalé un phonographe et de n’avoir pu le digérer.

L'école des perroquets, par Grandville

L’école des perroquets, par Grandville

Elle leur apprend à parler, elle leur donne suivant qu’on le désire, l’accent du Nord ou celui du Midi. Elle leur forme un répertoire, moins étendu, je me plais à le reconnaître, que celui du Théâtre-Français.

(...)

On ne se doute pas du temps que réclame, de la patience qu’exige l’éducation de Jacquot. L’école, signalée ces jours-ci au public, a tout un personnel. On y fait de véritables classes. Il y a des élèves déjà dressés qui enseignent les autres. Ce sont des perroquets répétiteurs. Ils ont droit à un supplément de nourriture. En somme, rien ne manque à cet établissement modèle qui a plus de pensionnaires qu’il n’en peut abriter. Après avoir élargi ses programmes, il va être obligé d’élargir ses locaux.

Cette école des perroquets, j’ose à peine en faire l’aveu, me rappelle nos lycées et nos collèges. Je ne puis m’empêcher de croire qu’on y applique des procédés analogues et qu’on y arrive à peu de chose près aux mêmes résultats. Et puisque m’est offerte l’occasion de le dire ici,-dans cette revue qui s’adresse à un public cultivé et intelligent, je ne vois pas pourquoi j’hésiterais à en profiter.

Professeurs et instituteurs me sont connus. Je les ai vus de près. Leur savoir égale leur dévouement, et on ne pourrait en faire un plus bel éloge. Malheureusement, ils sont, dans bien des cas. des forces perdues. On ne les utilise pas assez. On emprisonne leur mérite et leur zèle, et toutes leurs facultés d’initiative, et toutes leurs tendances vers le progrès dans les plus déplorables méthodes, depuis longtemps condamnées et toujours vivantes. Ces méthodes, les gens mal renseignés les reprochent à ces maîtres excellents et, en réalité, ils les subissent. Ils leurs doivent tant de stériles efforts, tant d’échecs immérités !

Education de perroquets, peut-on donner un autre nom à celle que reçoivent chez nous les enfants ? Rappelez vos souvenirs d’écolier, et je souhaite pour vous qu’ils ne remontent pas trop haut. À l’école, au collège, au lycée, dans les mois d’hiver où les classes s’emplissaient de nuit, dans les mois d’été où les promenades, loin, bien loin de la prison pédagogique, auraient eu tant de charme, presque tout notre temps ne se passait-il pas à apprendre par cœur, à réciter ?

Réciter, réciter tous les matins, tous les soirs, et du français, et du latin, et du grec, ce fut le tourment et le cauchemar de ma vie de collégien. Et bien d’autres que moi, assurément, s’en souviennent avec la même impression d’ennui et de rancune. Vingt vers, trente vers qu’il fallait débiter tout d’une haleine – peu importait qu’on les comprît ou non – sans faire plus de quatre ou cinq fautes, et le professeur, à chaque faute, tendait vers vous un doigt menaçant. Heureux les bègues, ils étaient, par faveur spéciale, préservés de celle angoisse et de ce supplice !

Le perroquet écolier

Le perroquet écolier

C’est ainsi que des maîtres, condamnés eux aussi à observer les règlements, nous ont dégoûtés de celle belle littérature classique à laquelle certains d’entre nous, trop rares, sont tardivement revenus. Et cependant ni Corneille, ni Racine, ni Molière, ni La Fontaine ne sont responsables du triste usage qu’on faisait de leurs vers à nos dépens. Virgile n’a pas composé l’Enéide pour qu’on pût accabler de pensums ou de retenues de petits Français du dix-neuvième siècle.

Pour nous préparer à ce baccalauréat qui fut dès l’origine, et qui est encore beaucoup trop, un grand concours de récitation, on nous a tout appris par cœur, la grammaire, la littérature, l’histoire, les sciences. On a fait une si large part à la mémoire qu’il n’est presque rien resté pour la réflexion et le raisonnement.

Les résultats de ces méthodes d’enseignement, les résultats mauvais et dangereux, apparaissent avec tant d’évidence que les esprits même les plus optimistes osent à peine les contester. Des Français réellement instruits et qui aient des opinions à eux, en connaissez-vous beaucoup ? Comme au collège, on récite, on répète. On a peur d’émettre un avis, d’exprimer un jugement, qui ne soient pas ceux de tout le monde. Même les gens qui affectent de se singulariser se contentent le plus souvent, de mêler à leur servilité intellectuelle une forte dose de prétention. Ils appartiennent à un groupe et ils suivent un mot d’ordre. Demandez-leur d’expliquer leurs théories et de justifier leurs admirations, et vous les gênerez considérablement,. Ils récitent et répètent, eux aussi, avec autant d’incompréhension mais avec moins de simplicité.

Oui, vraiment, des écoles de perroquets nous en avons trop en France, et j’appelle de tous mes vœux l’époque encore lointaine où l’on s’efforcera d’habituer les enfants à dire ce qu’ils pensent, à penser ce qu’ils disent, à donner sur chaque chose leur opinion, bonne ou mauvaise, à ne pas s’en tenir à des admirations de commande et à se servir de leur Intelligence autant que de leur mémoire.

Le jour, qui n’est pas prochain, où l’on sera entré dans cette voie, on augmentera, je crois, dans de fortes proportions, le nombre des hommes remarquables et des citoyens utiles.

 
 
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