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9 février 1804 : mort de Saint-Lambert

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9 février 1804 : mort de Saint-Lambert
Publié / Mis à jour le samedi 6 mars 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 

Ce fut sous les yeux du bon roi Stanislas, à cette cour de Lunéville, habitée par le mérite et visitée par le génie, que de judicieux encouragements accueillirent les premiers essais d’un homme qui devait plus tard enrichir la littérature française d’un nouveau genre de poème, où les imitateurs se sont précipités en foule à sa suite, la plupart sans l’atteindre, et dans lequel on peut aujourd’hui douter encore, après avoir lu les plus beaux ouvrages de Delille, qu’il ait été réellement surpassé.

A l’époque où l’on voyait briller en Lorraine Voltaire et sa savante amie, Saint-Lambert était d’un âge à ne pas regarder les succès d’auteur comme les seuls auxquels il pût prétendre. Des espérances qui souriaient à son amour propre, plutôt que l’instinct du cœur, plutôt même que celui des sens, lui firent entreprendre une conquête, en apparence téméraire, à laquelle il ne réussit que trop bien : on sait que l’enfant dont là naissance donna la mort à madame du Châtelet était le fruit de ses étranges bontés pour le jeune officier aux gardes, qui, par ce triomphe, en quelque sorte doublement adultère, s’était applaudi de posséder à la fois la femme d’un grand seigneur et la maîtresse d’un grand homme.

Attiré bientôt à Paris comme sur un théâtre plus bruyant et plus flatteur, il se lia de préférence avec lés hommes diversement fameux qui composaient l’entourage du baron d’Holbach, et ne tarda pas à se mettre à peu près au niveau de leurs opinions. Saint-Lambert, né marquis, s’était avec raison affranchi du joug des préjugés auxquels semblait le condamner sa naissance, et avait toujours eu le bon esprit de réduire les parchemins à leur juste valeur ; mais il n’échappa guère aux préventions de sa caste qui pour tomber dans celles de son siècle ; témoin son admiration outrée pour les paysans, pour les sauvages, pour tous les hommes sans culture : admiration alors de mode, et dont pourtant ses amis Grimm et Diderot, tout en le soutenant pour l’honneur du métier, prirent te liberté grande de se moquer entre eux, comme on en a les preuves. La vogue attachée à certains systèmes, dont il reproduisit la théorie, soit dans plusieurs articles composes pour l’Encyclopédie, soit dans de petits contes, tels que celui de Sarah, qui peignaient souvent une nature morale fort imaginaire, ne suffit pas pour assurer la fortune de ces productions peu saillantes. Mais une heureuse idée qu’il eut, celle d’imiter et de perfectionner le poème de Thompson, donna carrière au développement de son talent véritable, et fut l’origine d’un bon ouvrage, auquel il doit la place dont jouira désormais son nom dans nos fastes littéraires.

Le genre purement descriptif, ignoré des anciens ou plutôt rejeté par eux, « ce genre, comme nous dit Chénier, inventé dans les collèges par les poètes latins modernes, embelli par les Anglajs, usé par les Allemands, » était resté jusqu’alors inconnu dans notre poésie, et non pas sans raison. De graves défauts en effet y sont presque inhérents : on y marche entre le danger du vague et celui de la minutie, entre la crainte de la familiarité et celle de l’emphase ; toujours menacé sur sa route d’aller se perdre dans les lieux-communs, et de n’inspirer au lecteur, pour prix de beaucoup de soins et d’efforts, qu’une froide estime mêlée d’ennui. Mais, sans parler des épisodes dont on peut semer tout aussi bien un poème descriptif qu’un poème didactique, ce genre, il faut en convenir, offre certains avantages particuliers. Dans quel autre, par exemple, eût-il été possible à Saint-Lambert de concevoir et de placer son admirable peinture d’un orage d’été, morceau si bien apprécié par tous les juges compétents, La Harpe à leur tête, et reconnu si digne de figurer parmi nos chefs-d’œuvre les plus classiques ? Regarderait-on comme indifférent qu’un pareil tableau n’eût jamais existé ?

Sans atteindre à la vigueur de jet, au luxe, à l’exubérance d’expressions et d’images par où brille le poème de Thompson, les Saisons françaises forment une œuvre mieux conçue, mieux finie, plus agréable à lire. Les pensées y ont plus de précision, les termes plus de justesse ; et la diction (qui ne manque point, quand il le faut, de richesse et de verve ) s’y fait remarquer avant tout par une élégance sage et continue, vrai caractère du style tempéré, qu’il faut se garder de confondre avec le médiocre. Beaucoup d’autres poèmes, sans doute, ont les beautés d’un ordre plus frappant ; mais celui-ci présente un phénomène bien rare : c’est qu’on le parcourrait en critique, sans y trouver peut-être quinze vers dont l’esprit, l’oreille et la grammaire ne fussent pas également satisfaits.

A la vérité, cette perfection de détail, fruit de trente années de corrections avouées par le goût, ne s’y montrait point tout entière dès l’origine ; mais le germe qui en existait, le doux entraînement du langage (facundia), joint à la belle distribution de l’ensemble (lucidut ordo), faisaient sentir, à ne pas s’y méprendre, une main habile et la touche sûre d’un maître. Toutefois, malgré le mérite que les connaisseurs y découvrirent dès son apparition, comme le sujet n’éveillait en rien la curiosité, l’ouvrage aurait fait assez peu de bruit si son auteur n’avait eu l’esprit de lui créer un excellent preneur, en intéressant Voltaire même à sa réussite. Il ne fallut pour cela qu’y insérer à la gloire du patriarche de Ferney un passage où la louange allait jusqu’à l’adulation, notamment dans ce trait devenu fameux, et qui, pour être exagéré, n’en atteignit que mieux son but :

Vainqueur des deux rivaux qui régnaient sur la scène.

C’était, par une sorte d’indemnité, attribuer les faveurs exclusives de Melpornène à l’homme célèbre qui n’avait pu conserver les faveurs exclusives d’Emilie. Équitable ou non, la réparation était trop bien choisie pour ne pas plaire à l’offensé, dont la gratitude en cette occasion devint fort utile à Saint-Lambert. Mais le public et la postérité n’ayant point, pour leur compte, d’excuses à faire aux dépens de la justice, ne se sont pas crus obligés de (Confirmer ce jugement paradoxal ; et l’on a pu, sur le Parnasse tragique, élever pour Voltaire un nouveau trône, sans renverser les trônes bien établis de ses deux illustres prédécesseurs.

A cette époque, l’auteur des Saisons, pour se livrer sans obstacle aux travaux de la pensée, avait quitté le service de Lorraine, et renoncé à la vie militaire, qui depuis longtemps devait lui être à charge, si l’on s’en rapporte à de petits vers sur la paix d’Aix-la-Chapelle, où il dit si plaisamment de lui :

Victime des rois et des sols,
Je m’ennuyais pour la patrie.

Cette patrie, d’ailleurs, dont le nom et l’existence devenaient une ombre, n’avait plus guère besoin de l’épée de ses enfants, protégée qu’elle était déjà par la France, à qui le droit d’héritage en était dévolu.

Un autre amour encore que celui des lettres n’avait pas peu contribué à fixer tout-à-fait Saint-Lambert hors de son pays natal. Madame d’Houdetot lui rendit chère la vallée de Montmorency, et c’est pour vivre auprès d’elle qu’il s’y fit bâtir une maison de Campagne. On connaît l’histoire de leur longue intimité, qui, dans les derniers temps, semblait avoir tiré de sa durée une sorte de légitimation. On sait comment Jean-Jacques eut le triple tort d’intervenir dans cette liaison successivement en qualité de confident, de rival et de panégyriste : trois rôles aussi peu convenables l’un que l’autre à la dignité de son manteau, et dont le second surtout, qui ne lui faisait guère d’honneur par l’intention, ne lui en fit pas davantage par le succès ; car il était dans la destinée de Saint-Lambert de débouter de leurs intrigues galantes les deux coryphées de la sagesse du XVIIIe siècle.

Reçu membre de l’Académie française, il parvint tranquillement à la vieillesse dans une douce indépendance. Après les orages révolutionnaires, dont il n’avait pour sa part éprouvé aucune atteinte, il mit la dernière main à son grand travail philosophique sur les Principes des moeurs chez toutes les nations, travail divisé en six parties, dont la quatrième est connue séparément sous le nom de Catéchisme universel. Cet ouvrage de longue haleine (malgré le temps qu’il a coûté et les éloges plus qu’indulgents que lui décerne dans le Tableau de la littérature un juge éclairé, mais prévenu) ne sera point auprès de la postérité le vrai titre de la réputation de Saint-Lambert. Pour remplir largement un pareil cadre, l’écrivain aurait eu besoin d’une instruction plus solide, d’une tête plus forte, et, s’il faut tout dire, d’une série d’idées mieux arrêtées et plus sévères sur la notion du devoir. Les règles de conduite qu’il trace sont agréables et faciles, comme l’était son caractère ; mais ce n’est pas uniquement par là que doivent se recommander des règles de conduite ; et l’on sent que la conception d’un code du for intérieur dépassait la portée et l’énergie du législateur nouveau. Comme ce valet qui, chargé d’appeler en hâte un médecin et de le faire venir au milieu de la nuit, frappait tout doucement à sa porte, de peur de le réveiller, ainsi l’auteur hésite souvent en face du résultat qu’il paraissait chercher ; il veut et ne veut pas prendre les moyens de guérir le vice ; il veut et ne veut pas fonder le règne de la vertu. On dirait qu’il craint de l’établir sur des bases trop fixes, d’en faire une autorité trop respectable et qui laisse aux infracteurs trop peu d’excuses.

Dans son examen très-superficiel des croyances et des cultes, s’il montre quelquefois pour les religions de l’antiquité une certaine admiration, assez mal réfléchie, le sentiment qu’il porte à celle de son temps et de son pays dépend trop du cercle de personnes et de choses au milieu desquelles il avait particulièrement vécu. En tout il a grossi de son nom la liste des philosophes qui paraissent supposer que l’auguste loi de la morale, la plus gênante de toutes les lois, peut se passer d’une sanction proportionnée à son importance. Mais pour donner sa voix dans la question, il eût fallu n’y être pas intéressé ; et chez Saint-Lambert (arbitre complaisant, et pour cause), le zèle énerve du moraliste se ressentait des fautes de l’homme.

 
 
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