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29 novembre 1226 : sacre de Louis IX en la cathédrale de Reims

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Éphéméride, événements
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29 novembre 1226 : sacre de Louis IX
en la cathédrale de Reims
(D’après « Histoire de saint Louis, roi de France » (Tome 1), paru en 1839
et « Histoire générale de France depuis les temps les
plus reculés jusqu’à nos jours » par Abel Hugo (Tome 3), paru en 1839)
Publié / Mis à jour le mercredi 29 novembre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Le roi Louis VIII, père de Louis IX, ayant rendu son dernier soupir le 8 novembre précédent, sa veuve, la courageuse et habile Blanche de Castille, prit possession de la régence et dut aussitôt affronter une ligue constituée des principaux vassaux du royaume se formant contre elle, ce qui la détermina à faire sacrer son fils le futur saint Louis le premier dimanche « des Avents »

Il convient de faire connaître le caractère et les ressources des quatre grands vassaux, possesseurs des principaux fiefs du royaume, qui s’opposèrent au gouvernement de la reine mère dès le décès de son époux Louis VIII.

Au premier rang figure Pierre, surnommé Mauclerc, comte de Bretagne. Ce prince, arrière-petit-fils de Louis le Gros, avait épousé Alix, héritière de Bretagne ; son surnom lui avait été donné, soit parce que, ayant été destiné à l’état ecclésiastique, il avait préféré le parti des armes, soit parce qu’il avait aboli dans ses états quelques privilèges du clergé. « Esprit remuant, difficile, inconstant, écrit Joinville, et n’ayant pu se corriger qu’après avoir éprouvé de grands revers, il ne supportait pas l’idée de voir une princesse espagnole à la tête des affaires, et préférait, s’il ne parvenait pas à se rendre indépendant, reconnaître le roi d’Angleterre pour suzerain. »

Blanche de Castille exerce la régence

Blanche de Castille exerce la régence. Chromolithographie du XXe siècle

Hugues de Lusignan, comte de la Marche, était moins puissant que le comte de Bretagne ; mais le caractère de sa femme, Isabelle d’Angoulême, en faisait pour la régente un ennemi dangereux. Isabelle, promise dès son enfance à Hugues de Lusignan, qu’elle aimait, élevée dans la famille de ce prince, avait été, au moment de l’épouser, enlevée par Jean sans Terre, roi d’Angleterre. Après avoir vécu dix-sept ans avec cet époux forcé, et après lui avoir donné plusieurs enfants, devenue libre par sa mort, elle revint en France et se remaria avec celui dont elle avait reçu les premiers soins. « Mais son caractère était entièrement changé. Jean sans Terre lui avait communiqué ses horribles et honteuses passions : on la croyait capable de tous les crimes. Humiliée, après avoir été longtemps assise sur un trône, de n’être que la femme d’un comte, elle avait voué une haine implacable au jeune Louis et à sa mère, et comptait sur les secours de son fils Henri III, roi d’Angleterre. »

Raymond VII, dépouillé d’une grande partie de ses domaines, était encore maître de Toulouse. La persécution avait multiplié ses partisans. La mort imprévue de Louis VIII en augmenta le nombre.

Tous avaient fondé leurs espérances sur une minorité qui devait être longue. « Thibaut IV, comte de Champagne, eût été encore plus dangereux que les trois princes dont on vient de parler, si l’inconstance de son caractère, une passion insensée, et l’horrible soupçon qui pesait sur lui, n’eussent mis beaucoup de désordre dans ses résolutions et dans ses entreprises. Ses domaines s’étendaient jusqu’aux environs de Paris. Maître de Meaux et de la Brie, il disposait en quelque sorte des subsistances de la capitale. La beauté et plus encore les vertus de Blanche de Castille, femme du roi Louis, avaient, disait-on, inspiré à Thibaut un amour que les obstacles semblaient augmenter, et dont l’ascendant, à la moindre lueur d’espérance, détruisait tous les projets ambitieux que le dépit lui avait fait concevoir. »

La bataille de Bouvines, gagnée douze ans auparavant par Philippe Auguste, semblait avoir détruit la puissance des grands vassaux. Deux des princes révoltés étaient tombés entre les mains du roi et se trouvaient encore étroitement gardés, l’un à Péronne, l’autre dans la tour du Louvre. Ferrand, comte de Flandre, époux de Jeanne, fille de Baudouin, empereur de Constantinople, était médiocrement regretté par sa femme. Le brave, mais vieux Renaud, comte de Boulogne, n’inspirait pas plus de regrets à sa famille. Philippe, son gendre, fils d’Agnès de Méranie, et oncle de Louis IX, gouvernait le fief de son beau-père et ne faisait aucun vœu pour sa délivrance. En délivrant Ferrand, redemandé par ses sujets, et en gardant captif Renaud, devenu indifférent aux siens, la régente profita des dispositions de Jeanne et de Philippe pour les empêcher de se déclarer contre elle.

Les relations extérieures de la France fixèrent l’attention de Blanche. Elle était rassurée du côté de l’Espagne. Les rois d’Aragon, de Navarre et de Castille, occupés de leurs querelles particulières et de leurs guerres avec les Maures, n’étaient pas disposés à donner des secours au comte de Toulouse. L’Allemagne et l’Italie étaient dans le plus grand désordre par les différends de l’empereur Frédéric II et du pape Grégoire IX. L’Angleterre, livrée peu de temps auparavant à la guerre civile et étrangère, révoltée contre le roi Jean, qui n’avait su réparer ses fautes que par des crimes, venait à peine de se réunir autour du trône de Henri III, qui était lié avec le comte de la Marche, dont la femme, sa mère, devait nécessairement prendre part aux troubles de la France ; ce prince possédait quelques portions de la Guyenne, de la Saintonge et du Poitou.

Un des premiers soins de la reine Blanche fut de faire couronner son fils. L’intervalle fixé entre les funérailles du roi Louis VIII et le couronnement de son successeur s’étant écoulé, Reims, la basilique des sacres, déploya ses splendeurs, ses magnificences ; le drapeau de la cité flotta sur ses portes crénelées, et le 28 novembre 1226, les magistrats en riches costumes, y attendirent au milieu d’une immensité de spectateurs le jeune rejeton qui, parti de bonne heure de Soissons, arrivait dans un char entouré de nobles hommes.

A sa vue, rapporte l’historien Louis-François Villeneuve-Bargemont (1784-1850), des acclamations universelles firent retentir les airs. Elles redoublèrent quand l’orphelin royal, s’élançant légèrement sur le blanc destrier qu’on lui avait préparé, traversa la ville pour gagner le palais archiépiscopal. Mais bientôt un religieux silence domina la multitude ramassée sur son passage, entassée sur les toits, pressée aux fenêtres. Les trompettes, les tambours se turent ; les cloches demeurèrent immobiles ; l’antique cri de « Noël ! » même, ne s’échappa d’aucune bouche. Le souvenir du père empêchait de se réjouir de la venue du fils en deuil ; on avait compris que des démonstrations d’allégresse lui arracheraient des larmes, et, par un merveilleux instinct, cette immense population de bourgeois, de paysans, d’hommes d’armes demeura muette.

Toutefois, les regards ne pouvaient se rassasier de la vue du jouvencel d’une figure déjà si noble, si ouverte, si affable ; on était surtout frappé de sa ressemblance avec son aïeule, Isabelle de Hainaut, morte à la fleur de l’âge. Un sourire de bonté ne quittait pas ses lèvres ; son teint était blanc et uni ; sa longue chevelure blonde, lisse et partagée sur le front, tombait en larges boucles sur ses épaules : et les vieux barons qui avaient présente à la mémoire la descendante des grands rois carolingiens, pleuraient d’aise et d’espérance. Tous les cœurs vraiment français, tous les vœux s’élançaient à l’envi vers ce trône naissant, environné d’écueils, mais qui paraissait appelé à continuer une nouvelle ère de gloire pour la France.

Le lendemain, 29 novembre, premier dimanche « des Avents », vers l’heure de prime, Louis IX fut revêtu d’une chemise de toile très fine et d’une camisole de satin ouverte aux neuf endroits où devait se faire l’onction, puis d’une longue robe d’étoffe d’argent ; enfin il fut placé sur un lit magnifique préparé dans la salle d’honneur de l’archevêché. Aussitôt, plusieurs évêques, accompagnés du clergé qui récitait les oraisons accoutumées, l’aidèrent à descendre et lui servirent de cortège pendant le trajet qu’il fit à pied, du manoir métropolitain jusqu’à la cathédrale.

L’un des chefs-d’œuvre de l’art religieux au Moyen Age, l’auguste basilique qui vit se presser, disparaître tant de générations, se renouveler tant de solennités, ne rayonna jamais, disait-on, comme à ce jour, de plus de majesté extérieure, de plus de pompe sous ses vastes nefs. Ornés de statues dorées, surmontés d’ogives colossales, d’une rose éblouissante de vitraux étincelants, et couronnés de deux tours élancées, ses trois portiques s’ouvrant à la fois au cortège et à la foule, laissaient entrevoir, au sein de l’immense chœur resplendissant des marbres les plus rares, le trône pavoisé qui attendait le nouvel élu du Seigneur. Recouvert d’un drap écarlate, surmonté d’un dais de velours frangé d’or, le siège royal était entouré des bancs des pairs, princes, bannerets, grands officiers, dont les places se trouvaient désignées par leurs écus blasonnés.

Le cortège étant arrivé devant le parvis, apparurent, « montés sur beaux palefrois », les trois cents chevaliers qui revenaient de l’abbaye royale de Saint-Remi, avec la sainte ampoule de Clovis, renfermée dans un reliquaire d’or, incrusté de pierreries. A la vue du prince, ils mirent pied à terre, se rangèrent à la suite des moines en surplis et de l’abbé, qui portait le précieux vase sous une courtine de soie. L’évêque de Soissons — le premier de la province après l’archevêque, dont le siège était vacant — reçut la relique, jura de la rendre, sous la caution des trois cents gentilshommes, et la déposa processionnellement sur l’autel.

Alors, les hérauts d’armes s’écrièrent par trois fois : « Que ceux des vassaux de la couronne et barons convoqués, faisant défaut, sans légitime excuse, soient condamnés à l’amende, par jugement de leurs pairs ! » A ce signal, le cortège s’ébranle, ayant à sa tête Louis et Blanche de Castille, simplement vêtue de deuil, et suivie de ses autres enfants. Toutes les cloches sonnent à grandes volées ; les cierges, les lampes d’or jettent leur lumière sur les mitres éclatantes, les chapes, les dalmatiques, les manteaux écarlates, les couronnes, les cercles émaillés de perles, des prélats, des pairs, ducs, comtes et barons. L’œil est également ébloui des pierreries qui enrichissent les atours des châtelaines, des dames d’honneur, les armures des sergents d’armes, des écuyers, même des varlets.

Louis s’étant placé sur le trône, ayant près de lui sa mère, ses frères, son oncle, et l’empereur d’Orient, roi titulaire de Jérusalem, Jean II de Brienne, on vit se ranger non loin d’eux, sur des sièges sculptés, couverts d’étoffes soyeuses, Robert III, comte de Dreux ; les comtes de Bar et de Blois ; Gauthier d’Avesnes ; le sire de Coucy et ses deux frères ; le connétable de Montmorency ; Jean Clément, sire du Mez, maréchal de France ; le grand chambrier, Adam de Villebéon ; le grand panetier Hugues d’Anthuis, Robert de Courtenay, sire de Champigneules, grand bouteiller (seconde charge de la couronne) ; Henri de Cousances, sénéchal de Gascogne, depuis maréchal de France, etc.

Le chancelier Guérin siégeait parmi les pairs qui, en l’absence des ducs et des comtes, laïques ou ecclésiastiques, étaient représentés par de hauts barons ou prélats. Le cardinal-légat et le patriarche de Jérusalem occupaient aussi des bancs d’honneur. Cependant de nombreuses places vides attestaient l’opposition des titulaires appelés à les remplir. On n’y voyait pas, comme en 1179 pour le sacre de Philippe Auguste, les gonfanons de Neustrie et d’Aquitaine, accolés aux léopards des Plantagenêt. La croix rouge et or de Toulouse non plus que la fée héraldique des Lusignan n’y frappaient point les regards. De tous les grands vassaux, Hugues IV, duc de Bourgogne, âgé de deux ans de plus que Louis IX, se trouvait seul à Reims, où ne l’avait même pas accompagné la régente sa mère, Alix, de la lignée « des preux de Vergy ».

Les puissants fiefs de Champagne, de Flandre, de Bretagne, ne furent représentés que par les trois épouses de ces suzerains. Alix de Thouars ne s’était rendue au sacre que contre la volonté de Pierre Mauclerc, et la présence des deux autres comtesses occasionna un incident imprévu. Jeanne de Hainaut, entourée de chevaliers flamands, éleva la prétention de porter à la cérémonie « la vieille joyeuse ou épée de saint Pierre » donnée par Léon III à Charlemagne. Elle se fondait sur le droit immémorial des comtes de Flandre, en l’absence du grand sénéchal. Mais à son tour, Agnès de Beaujeu réclama cet honneur, en vertu du titre héréditaire de son époux dont elle occupait la place.

Sacre de saint Louis. Peinture de Charles van Loo (1705-1765)

Sacre de saint Louis. Peinture de Charles van Loo (1705-1765)

Blanche de Castille, de l’avis des barons, trancha la difficulté, et l’épée du sacre fut confiée au comte de Boulogne. Jusqu’alors elle reposait sur l’autel en son fourreau fleurdelysé, à côté de la couronne, des éperons, des bottines de soie azurée, du manteau royal, du sceptre et de la verge d’or surmontée de la main de justice d’ivoire, des chausses de soie violette, semée de fleurs de lys, et de la cotte d’armes de Philippe Auguste. Ces précieux ornements devaient être portés par des pairs et des grands officiers. L’abbé de Saint-Denis ne les perdait pas de vue, car le trésor du Moustier royal ne s’en dessaisissait que pour un jour.

Enfin, le glaive de Charlemagne passa des mains du comte de Boulogne, dans celles de l’auguste enfant qui, revêtu des insignes de la royauté, et suivi de tous les barons, porta à l’offrande le pain, le baril d’argent plein de vin, et les treize besants d’or d’usage, il reçut alors à genoux l’onction sainte, et le prélat officiant, Jacques de Bazoches, assisté de Henri de Dreux, trésorier de Beauvais, lui posa sur la tête la couronne de son aïeul resplendissante de rubis, de saphirs, d’émeraudes et de perles. Le large diadème qui surmontait un front si pur, si candide, était soutenu par les premiers des pairs, laïques et clercs. La religion, comme l’honneur, semblait vouloir le lui rendre plus léger ; et les vieux croisés, héros de Ptolémaïs, de Tibériade, de Bouvines, se pressaient autour de l’orphelin confié à leur garde, le portaient même en leurs bras comme pour le défendre sur ce trône déjà menacé de périls, enveloppé d’orages.

Moment solennel, radieux et touchant, où le deuil s’oublia, où l’allégresse fit explosion, où tous les cœurs s’unirent, où toutes les bouches formèrent le même vœu, où l’encens et les hymnes s’élevèrent vers le ciel, d’où l’espérance elle-même sembla descendre sur l’enfant de la monarchie, et sceller la triple union de la religion, du peuple et de la royauté, écrit Louis-François Villeneuve-Bargemont.

Les voûtes de la basilique retentirent de nouvelles acclamations, quand le jeune roi, tenant son sceptre et la main de justice, donna le baiser de paix à chaque pair. Lui et sa mère reçurent alors le serment de féauté de tous les suzerains possédant fiefs, et qui, relevant directement de la couronne, formaient ce qu’on nommait alors le parlement féodal ou le baronnage de France.

Le lendemain, Louis IX se rendit en pèlerinage à Corbigny et à Saint-Marcel, visita à Saint-Remi les malades affligés des écrouelles, signala son voyage par des bienfaits, des marques de piété, et rentra dans sa capitale, où tout divertissement profane, toute démonstration de fête avaient été interdits. Ainsi, grâce à la fermeté courageuse d’une femme, Blanche de Castille, on avait, en l’espace de trois semaines, appris la mort d’un roi, célébré ses funérailles, et sacré un autre monarque.

 
 
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