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Influence du chapeau sur la politesse. Haut-de-forme, tricorne et chapeau de paille

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Anecdotes insolites
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Influence du chapeau sur la politesse
(D’après « Monsieur : revue des élégances, des bonnes manières,
et de tout ce qui intéresse Monsieur », paru en 1923)
Publié / Mis à jour le dimanche 15 mars 2020, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
En 1923, l’écrivain Paul Sentenac plaide, dans la revue Monsieur, en faveur d’un retour du haut-de-forme, couvre-chef se prêtant selon lui à la manifestation des signes élémentaires d’une politesse venant à manquer depuis que le tricorne, en vogue au XVIIIe siècle et fidèle allié des révérences et du baise-main, a cédé la place aux feutres mous ou encore aux bérets...

Au début du XXe siècle, explique Paul Sentenac, Marcel Boulenger, romancier auteur de plusieurs pastiches et "faux littéraires", mais également médaillé de bronze aux Jeux olympiques d’été de 1900 dans l’épreuve individuelle de fleuret et frère de l’historien Jacques Boulenger, allie le dandysme à la politesse dans une vivante chronique où il malmenait assez rudement ceux qui ne répondent pas aux lettre qu’on leur envoie ; il faisait dire à un personnage, lequel se dispensait d’ôter son couvre-chef pour rendre son salut à un passant : « Mieux vaut ne plus seulement porter un doigt à son chapeau depuis que l’on a renoncé au tricorne ; car le geste de soulever un feutre ou un melon est décidément trop laid. »

Le délicat écrivain plaçait ces paroles dans la bouche de son personnage pour se donner la satisfaction de lui adresser un nouveau reproche, poursuit Sentenac. Cet impoli, ce parvenu aggravait son cas, en joignant une mauvaise raison à ses manières de rustre. Car, semble-t-il, plus nous aurons de difficulté ou de peine à réaliser un mouvement poli, plus nous aurons de mérite à ne pas nous dérober, et pus notre politesse sera grande. Offrir sa place à une dame dans le métro devient presque un dévouement si l’on vient de visiter un grand salon de peinture.

Louis XV âgé de 7 ans, par Justinat (1717)

Louis XV âgé de 7 ans et coiffé d’un tricorne, par Justinat (1717)

Pourtant la politesse ne doit pas être austère et grave. Le jansénisme ne lui sied pas. Mais il nous plaît au contraire que les manières polies s’entourent d’élégance et de grâce. M. de Voltaire enroulant des stances autour de la politesse affirmait : « De la bonté du cœur elle est la douce image ». Mais il avait tout d’abord déclaré :

La politesse est à l’esprit
Ce que la grâce est au visage.

Pour vrai, au XVIIIe siècle, le tricorne rendait le salut élégant et aisé, la main saisissait facilement la corne antérieure du chapeau, et les doigts se disposaient avec agrément autour d’elle. On saluait en ce siècle-là parce qu’il était plaisant d’accomplir un geste gracieux. A Fontenoy, les Français et les Anglais, avant d’échanger des coups d’épée, se donnent avec courtoisie des coups de chapeaux à trois cornes. L’aisance que l’on montre en ôtant son tricorne n’est qu’apparente. La perruque ! Il y a la perruque à queue empoudrée avec soin. Fi ! le maladroit qui la déplacerait ! Et quant à celui qui l’enlèverait en même temps que le chapeau, le ridicule bonhomme !

Les peintures et les gravures des années que Louis XV et Louis XVI régnaient représentent souvent des gens de qualité gardant leurs tricornes sous le bras. Et c’est autant pour éviter de meurtrir leurs perruques que pour offrir l’aménité de leurs têtes perruquées. Ah ! que ces gentilshommes du XVIIIe siècle avaient d’opportunes roueries ! Ils déjouaient la calvitie et la vieillesse. Ils se voulaient grisons dès l’âge de chérubin pour ne pas le devenir à celui de Géronte, et leurs cheveux blancs avaient des boucles d’adolescents. Portant sous le bras ce tricorne qui s’y place d’ailleurs assez facilement, nos aïeux ne se privent pourtant pas de galantiser leurs compagnes en paniers. Ils multipliaient les révérences et les baise-mains.

On n’a pas attendu l’époque de Mitteau pour se découvrir. Rappelons-nous cette histoire du paysan qui reconnaît le roi Henri IV, à ce que Sa Majesté seule conserve le chapeau sur son chef au milieu de la plus nombreuse compagnie. Pourtant, ôter un bonnet de velours ne devait pas être si commode. Et songe-t-on aux précautions avec quoi un jeune page enlève sa toque pour n’en point abîmer la haute plume et pour ne point nuire à l’harmonieuse retombée de sa chevelure blonde ? Quant au galant cavalier de Louis XIII ou de Louis XIV, lorsqu’il prend avec un air de panache le bord de son large feutre non moins empanaché et qu’il le balance devant une dame, c’est une véritable figure de ballet qu’il exécute, décomposée en plusieurs mouvements.

Les Grecs ainsi que les Romains restent généralement nu-tête. On ne lit pas dans leurs banquets qu’ils avaient coutume d’ôter leurs couronnes de roses pour souhaiter la bienvenue aux femmes. Pétrone aurait su demeurer l’arbitre des élégances en découronnant sa tête de la guirlande de roses dont les pétales risquaient de tomber en hommage sur de délicats pieds nus, tout parfumés de verveine.

Nous n’entourons pas nos fronts de fleurs à la manière des anciens, mais nous nous accoutumons à aller sur les plages, durant les mois d’été, sans chapeau, les cheveux au vent, explique Paul Sentenac. Que la conquête de cette liberté entraîne celle de pouvoir poser plus facilement nos lèvres sur les mains fines des joueuses de tennis. Le petit béret basque bleu n’est plus uniquement de nos jours la coiffure des montagnards. Il a été adopté par de jeunes hommes élégants, en villégiature à la montagne ou à la mer.

Voilà une coiffure dont la singulière simplicité épouse bien la forme de la tête, prête de la jeunesse au visage. Mais il y a l’envers du béret comme celui de la médaille. Si vous voulez faire politesse à quelqu’un en lui enlevant votre béret, il vous faut vous résoudre à lui présenter le désordre d’une chevelure tout emmêlée. La casquette que nous nous permettons de mettre en voyage nous laisse aussi tout dépeignés lorsque nous la retirons.

Le feutre mou se montre assez esthétique ou assez laid suivant la forme de ses ailes et de sa coiffe. Mais on ne peut le saisir sans le bosseler, sans le déformer. Le melon se prend plus aisément. Toutefois, si vous avez l’habitude de l’enfoncer jusqu’aux oreilles et que force soit de réunir vos deux mains sur ses bords pour l’arracher à votre crâne, vous hésiterez à saluer aussi bien avec le melon qu’avec le feutre mou. Et vous serez disposé à vous contenter d’élever un doigt vers votre chapeau. Or, voici un geste de la dernière impolitesse dans sa négligence, sa suffisance, par le ton indifférent ou protecteur qu’il accuse à l’égard de celui que vous rencontrez.

Le canotier de paille se prête assez aux protestations de civilité. On le porte à peine durant trois mois. Le haut-de-forme semble favoriser l’envergure du coup de chapeau. Le romantisme qui l’arbore n’aimait pas les démonstrations étriquées. Alfred de Musset, mince dans sa redingote bleue ajustée, finement ganté, ne manquait certes pas de dandysme dans le moment qu’il enlevait son tube devant une dame largement enjuponnée.

Le haut-de-forme, assez négligé depuis plus d’un lustre, conclut Paul Sentenac qui écrit au début des années 1920, reparaît dans les théâtres et au pesage. Qu’il devienne tout à fait à la mode s’il doit ramener, dans notre manière de saluer, plus de politesse et de courtoisie.

 
 
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