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13 juin 1765 : mort du poète et chansonnier Charles-François Panard

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13 juin 1765 : mort du poète et
chansonnier Charles-François Panard
(D’après « Poètes beaucerons antérieurs
au XIXe siècle » (Tome 1) paru en 1894
et « Biographie universelle, ancienne et moderne » (Tome 32) paru en 1822)
Publié / Mis à jour le lundi 13 juin 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Personne ne tournait mieux un couplet que Panard ; personne n’avait, avant lui, su tirer parti plus heureusement de la mesure, de la rime, du rapport des sons, de tout le mécanisme du vaudeville, au point qu’il fut surnommé le « La Fontaine du Vaudeville » par ses contemporains

Charles-François Panard naquit à Courville-sur-Eure, près de Chartres, le 2 novembre 1689. Tous ses biographes ont commis de graves erreurs à son sujet : ils le font naître à Nogent-le-Roi, vers 1694, tandis qu’il naquit bien à Courville. Voici en effet son acte de baptême : « Le quatriesme jour de novembre mil six cens quatre vingt neuf, Françoys-Charles, fils d’honorable homme Françoys Panard et de damoiselle Henriette Guyard son espouze, né du jour des Trépassez, a esté baptizé par moy, prieur de Courville, et a eu pour parein Charles-André Brochard, fils d’honorable maistre Charles Brochard et de damoiselle Marie guyard, de la paroisse de Nogent-le-Roi, et pour marreine damoiselle Catherine Panard, femme d’honorable homme Léonard Guyard, de cette paroisse, qui ont signé. »

Le nom de notre poète a été généralement défiguré. On l’écrit communément avec un n, tandis qu’il résulte de tous les écrits et de toutes les signatures autographes qu’il nous a laissés qu’il l’orthographiait avec deux n, Pannard. Il existe plusieurs actes signés de son grand-père et de son basaïeul, procureurs au bailliage du marquisat de Maillebois et Blévy, et tous deux écrivaient également leur nnom avec deux n.

Ces rectifications faites, disons quelques mots de la vie privée de notre héros. Après avoir passé ses premières années à Courville, il fut envoyé par ses parents à Nogent-le-Roi, où il occupait une modeste place dans un bureau, lorsque le comédien Legrand, étant venu passer quelques jours dans cette ville, reconnut sa supériorité dans un genre de poésie où lui-même s’exerçait avec succès. Il le persuada sans peine de laisser là son bureau pour venir à Paris se livrer tout entier à la poésie. De ce jour, Panard abandonna complètement la Beauce, dont cependant il a parfois parlé dans ses vers.

Charles-François Panard. Gravure de Pierre Chenu (1730-1795)

Charles-François Panard. Gravure de Pierre Chenu (1730-1795)

Le jeune poète trouva à Paris l’accueil le plus favorable : présenté par son patron Legrand dans des maisons de la riche bourgeoisie, il devint, par sa gaieté et ses bons mots, le convive le plus recherché de tous les joyeux festins. Malheureusement, son amour pour la bouteille le porta à se renfermer toujours dans une société de second ordre, où son talent ne put trouver l’essor qui lui convenait ; aussi, bien que ses couplets soient certainement de beaucoup préférables à ceux des chansonniers de son temps, il ne fut jamais qu’un poète de second ordre, et ses oeuvres aujourd’hui sont presque totalement oubliées.

C’était d’ailleurs un aimable homme que notre Panard. bon vivant, mais non moins bon ami, il avait dans ses moeurs toute la simplicité du bonhomme de Château-Thierry. Il fut d’ailleurs appelé par Marmontel le La Fontaine du Vaudeville, La Harpe, qui trouve la qualification un peu trop honorable, convenant que les couplets de Panard sont d’une tournure beaucoup plus heureuse que ceux de tous les autres chansonniers de son temps.

Sa ressemblance avec La Fontaine était encore plus grande, sous le rapport du caractère et des mœurs, que sous celui du talent. C’était la même simplicité, la même incurie, la même imprévoyance. Charles-François Panard ne prit en effet jamais aucun soin de sa fortune : un ami et une amie lui faisaient de concert une pension de 300 livres, et ce tribut de l’amitié lui était plus précieux que ne lui auraient été des pensions obtenues aux dépens de l’État.

Marmontel, qui l’avait beaucoup connu, parle de lui en ces termes : « Le soin de se nourrir, de se loger, de se vêtir, ne le regardait point : c’était l’affaire de ses amis ; et il en avait d’assez bons pour mériter cette confiance... Jamais l’extérieur n’annonça moins de délicatesse ; il en avait pourtant dans la pensée et dans l’expression. Plus d’une fois à table, et, comme on dit, entre deux vins, j’avais vu sortir de cette masse lourde et de cette épaisse enveloppe, des couplets impromptu pleins de facilité, de finesse et de grâce. »

Dans le temps où l’académicien qui s’exprime ainsi, était chargé de la rédaction du Mercure, il avait souvent recours à lui pour quelques jolis vers. « Fouillez, lui disait Panard, fouillez dans la boite à perruque. » Les chiffons de papier griffonnés de vers qui étaient entassés pêle-mêle dans cette boîte, étaient, selon la légende, presque tous tachés de vin. « Prenez, prenez, ajoutait-il, c’est là le cachet du génie. » Il ne parlait du vin qu’avec tendresse, et souvent, en regardant son verre, les larmes lui venaient aux yeux de plaisir et d’émotion. La circonstance qui l’affligea le plus dans la mort de son ami Gallet, c’est qu’on l’avait enterré sous une gouttière, lui qui, depuis l’âge de raison, n’avait pas bu un verre d’eau.

Collé confirme tout ce que dit Marmontel du caractère de Panard, et il enchérit sur l’éloge de son talent. Pour lui, ce n’est pas seulement le La Fontaine, c’est le Dieu du Vaudeville, le plus grand chansonnier que la France ait eu et que peut-être elle aura. Il regrette seulement que, trop renfermé dans une société bourgeoise et presque abjecte, il n’ait point assez étendu le cercle de ses idées, et se soit borné dans ses couplets à des plaisanteries sur les commis, les notaires, les procureurs et les médecins.

Panard s’est peint lui-même dans ces vers :

Mon corps dont la structure a cinq pieds de hauteur,
Porte sous l’estomac une masse rotonde
Qui de mes pas tardifs excuse la lenteur ;
Feu vif dans l’entretien, craintif, distrait, rêveur ;
Aimant sans m’asservir : jamais brune ni blonde,
Peut-être pour mon bien, n’ont captivé mon cœur.
Chansonnier sans chanter, passable coupleteur,
Jamais dans mes chansons on n’a rien vu d’immonde.
(...)
D’une indolence sans seconde,
Paresseux s’il en fut, et toujours endormi,
Du revenu qu’il faut je n’eus pas le demi,
Plus content toutefois que ceux où l’or abonde.

On a toujours répété que Panard n’avait point fait d’études ; cela est possible, mais il répara plus tard, s’il a jamais existé, ce manque d’instruction de ses premières années. Ses notes sont pleines de citations historiques, telles que celle-ci : « On lit dans l’histoire de Chilpéric II qu’un valet un jour donna des coups à son maître pour le sauver d’un péril imminent : ce trait-là peut être employé à la Comédie italienne, surtout par Arlequin. » Un grand nombre de ses pièces de poésie sont entremêlées de latin et de français, telle que sa fameuse chanson bachique en latin et en français sur l’air : La jeune Isabelle.

C’est le vin de Bourgogne qui avait surtout les sympathies de Panard ; on trouve aussi le champagne et le vin de Provence célébrés quelquefois dans ses vers, mais nulle part il n’y est mention du vin de Bordeaux.

C’est dans la chanson qu’excella Panard : il essaya, mais sans grand succès, de s’adonner à des sujets plus sérieux. Il réussit cependant à faire représenter aux Français une comédie intitulée Les Acteurs déplacés, qu’il avait composée de société avec Laffichard ; il fit également jouer six pièces aux Italiens et pas moins de soixante-dix-neuf opéras-comiques au théâtre de la Foire, la plupart avec la collaboration de Fuselier, Pontau, Piron, Gallet, Favart, Fagan et Parmentier ; mais aucune de ces pièces n’est restée au Répertoire. Ce qui leur manque surtout, c’est l’invention et l’effet dramatique.

On n’est pas étonné au reste de ce défaut lorsqu’on parcourt les notes de Panard et qu’on voit comment il travaillait. Lui-même a décrit sa façon en quelques vers :

Je ne sais point, ami, me donner la torture
Pour trouver quelque trait qui n’ait point été dit.
Sur ce qui s’offre à l’aventure,
J’exerce d’abord mon esprit :
Aussi n’ai-je pas grande peine,
Tout ce qu’en m’éveillant sait produire ma veine
Je le trouve au ciel de mon lit.

Un chansonnier au milieu du XVIIIe siècle. Gravure du temps

Un chansonnier au milieu du XVIIIe siècle. Gravure du temps

D’après l’inspection des manuscrits de notre poète, il paraît en effet que c’était le matin qu’il jetait au hasard sur le papier tout ce qui lui passait par la tête. Il faisait des tirades de quatre, six, huit, dix vers, et, plus tard, les introduisait dans une action quelconque, formant ainsi une sorte de rhapsodie qui devait nécessairement manquer d’unité. Une idée lui semblait-elle bonne dans un livre qu’il lisait, aussitôt il en prenait note afin de la retrouver plus tard : ses bons mots même étaient préparés à l’avance. Citons, à cet égard, quelques-unes de ces notes recueillies çà et là :

Faire un vaudeville dont le refrain soit : j’ai un un homme, ô quel homme ! j’ai lu ce matin des vers, ô quels vers !

Faire un vaudeville dont le commencement soit toujours ainsi : pourquoi telle et telle chose n’est-elle pas de telle et telle façon ?

On charge Arlequin de plusieurs commissions qu’on lui dit de marquer par ses doigts, ce qui l’embrouille.

Dire d’une femme babillarde qu’elle est le seconde tome de la Mer des histoires ; L’antipape du chagrin pour l’antipode ; Je lui servirai de rustre au lieu de lustre ; Il alla se prostituer à ses pieds pour se prosterner.

Projet d’acte : Un homme laisse par son testament une somme considérable à celui qui ferait la plus grande folie ; faire à cette occasion plusieurs scènes de folie.

Faire une pièce en trois ou cinq actes intitulée : La fille, femme, veuve. Ce sera la même personne qui, dans l’espace de vingt-quatre heures, sera fille, femme, veuve.

Cataplasme pour catafalque.

Faire la scène de deux auteurs qui se lisent chacun leurs ouvrages ; l’un commence un vers de sa façon et l’autre un de la sienne successivement, de sorte qu’ils parlent tous deux continuellement, et que ni l’un ni l’autre n’écoute ce que lui dit son confrère.

Faire une pièce intitulée le Scrupuleux par vanité ; on y mettre l’article des rentes viagères.

Il n’est pas jusqu’aux noms de ses personnages que Panard préparait à l’avance. Quelquefois, il se composait même un petit dictionnaire de rimes. En outre, il se plaisait à faire des tours de force. Nous avons de lui une pièce de 50 vers où toutes les rimes sont en o, une autre de 31 vers où elles sont en ipe et en ché. On lui connaît également des boutades dont les vers de diverses longueurs figurent une bouteille et un verre. Voici encore dans ce genres quelques couplets d’une pièce qu’il intitula Les Losanges :

TES
ATTRAITS,
POUR JAMAIS,
BELLE ÉMIRE,
M’ONT SU RÉDUIRE
SOUS TON DOUX EMPIRE.
CONTENT QUAND JE TE VOIS,
MON ARDEUR POUR TOI
EST EXTRÊME :
DE MÊME
AIME
MOI.

TOUS
JALOUX
SONT DES FOUS
QUE JE BLÂME.
FI D’UNE FLAMME
QUI NOUS RONGE L’ÂME !
FAIS, MON CHER, COMME MOI ;
POUR BRAVER LA LOI
D’UNE AMANTE
CHANGEANTE,
CHANTE,
BOIS.

TÔT,
CATAUT,
IL ME FAUT
DU TONNERRE ;
VITE, MA CHÈRE,
REMPLIS-EN MON VERRE :
FAIS-MOI DU BOIS TORTU
GOÛTER LA VERTU ;
CE COMMERCE
ME BERCE.
VERSE
DRU.

Le nombre de ses pièces s’élève à plus de quatre-vingts. Ses œuvres forment quatre volumes parus en 1763 qui contiennent : la comédie donnée aux Français, en société avec Laffichard, et intitulée Les Acteurs déplacés ; cinq pièces jouées aux Italiens ; treize opéras-comiques, représentés au théâtre de la Foire, et qui ne sont qu’une faible partie de ce que l’auteur avait fait en ce genre ; enfin des divertissements, des chansons et de petites pièces de vers sous différents titres, dont les sujets sont galants, bachiques ou moraux.

Le surnom de Bien-Aimé fut donné à Louis XV par Panard, et non point par Vadé, comme l’a dit Voltaire. Il paraît que la thèse bachique de Panard avait été soutenue admirablement, et qu’il prit ses grades avec un grand éclat pour être reçu in docto corpore des amateurs du jus de sarment ; car il passe pour le prince de la chanson. Sa mort même justifia sa réputation ; car il périt d’apoplexie, et l’apoplexie est pour un brave buveur ce qu’est un boulet de canon pour le noble guerrier : tout cela s’appelle mourir au champ d’honneur.

 
 
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