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Glanage (Le) : pratique ancestrale encadrée sous Henri II et toujours en vigueur

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Glanage (Le) : pratique ancestrale
encadrée sous Henri II
et toujours en vigueur
(D’après « Les Proverbes, dictons et maximes du droit rural
traditionnel, considérés comme moyen de vérifier
les usages locaux » paru en 1858, « Le coutumier de Gap
avec quelques notions de droit rural usuel » paru en 1907,
« Code-formulaire des arrêtés de police municipale » paru en 1867,
« Grand dictionnaire universel du XIXe siècle :
français, historique, géographique, mythologique,
bibliographique, etc. » (Tome 8) paru en 1872,
« Enquête agricole du ministère de l’Agriculture, du Commerce
et des Travaux publics » (2e série) paru en 1867
et « Considérations sur le glanage » (par Étienne Calvel) paru en 1804)
Publié / Mis à jour le mardi 21 avril 2020, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Pratiqué chez tous les peuples et à toutes les époques, la loi de Moïse prescrivant ainsi aux Hébreux de laisser le pauvre, la veuve, l’orphelin et l’étranger glaner dans les champs, le glanage existe notamment en France et sous différentes formes depuis le Moyen Age

Le glanage — qui a trait à ce qui reste à même le sol comme les pommes de terre ou les céréales — et le grappillage — relatif à ce qui reste sur les arbres ou les ceps de vigne après la cueillette — ont une même origine et s’appuient sur une même tradition religieuse qui remonte jusqu’aux lois de Moïse, où le doit du pauvre de glaner les derniers épis des moissons et de recueillir les derniers fruits des arbres et des vignes, est érigé en précepte divin. C’est Dieu lui-même qui a dit par la bouche de son interprète :

« Lorsque vous ferez la moisson dans vos champs, vous ne couperez point jusqu’au pied de qui sera crû sur la terre et vous ne ramasseriez point les épis qui seront restés (Lévitique, ch. 19, verset 9). Quand vous aurez cueilli les fruits de vos oliviers, vous ne reviendrez pas pour reprendre ceux que vous aurez laissés sur les arbres ; quand vous aurez vendangé votre vigne, vous n’irez point cueillir les raisins qui y seront restés, mais vous laisserez toutes ces choses au pauvre, à l’étranger, à la veuve et à l’orphelin, afin que Dieu vous bénisse dans toutes les oeuvres de vos mains (Deutéronome, ch. 24, versets 19, 20, 21 ; Lévitique, ch. 19, verset 10) ».

Les Glaneurs. Peinture de Jules Breton (1854)

Les Glaneurs. Peinture de Jules Breton (1854)

La première trace qui existe du glanage dans nos lois se rencontre dans l’article 10 de l’ordonnance toujours en vigueur du roi Henri II en date du 2 novembre 1554 : Voulons et nous plaît que, par chaque année, un peu devant que l’on fasse lesdites moissons, nosdits lieutenants criminels (...) fassent, chacun en son destroit, publier et faire commandement à toutes personnes oisives, soit homme, soit femme, qui puissent et soient valides pour scier, qu’elles aient à s’employer durant le temps d’août, et de mestiver, et cueillir et scier les blez et grains, à salaires raisonnables, en leur faisant défense de ne plus glaner ; ce qu’avons néanmoins permis et permettons aux gens vieux et débilitez de membres, aux petits enfants ou autres personnes qui n’ont pouvoir ni force de scier », après que le laboureur aura enlevé les gerbes.

On retrouve ces mêmes dispositions dans les règlements du Parlement de Paris des 7 juin 1729, 16 février 1781 et 11 juillet 1782. L’article 21, titre 2 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 maintint ce droit, consacré au XIXe siècle par l’article 471 du Code pénal. Il dispose que les glaneurs, les râteleurs et les grappilleurs n’entreront dans les champs, prés et vignes, récoltés et ouverts, qu’après l’enlèvement entier des fruits ; et que le glanage, le râtelage et le grappillage sont interdits dans tout enclos rural.

L’article 22 de la même loi défend aux pâtres et aux bergers de mener les troupeaux d’aucune espèce dans les champs moissonnés, avant l’expiration des deux jours qui suivent la récolte. L’article 471 du Code pénal, paragraphe 10 ajoute, à ces dispositions non abrogées, la défense de glaner, râteler ou grappiller « avant le moment du lever, ou après celui du coucher du soleil. »

Ces dispositions, conformes d’ailleurs au texte et à l’esprit des coutumes, s’expliquent par un sentiment de dignité publique qui se révolte à l’idée de laisser des hommes et des animaux se précipiter pêle-mêle dans un champ pour y chercher leur nourriture. La raison et l’humanité commandent d’accorder la priorité aux glaneurs qui ne ramassent que les épis, avant de permettre le pâturage aux bestiaux qui dévorent tout à la fois les épis et les herbes.

Au XVIe siècle, lorsque fut publiée l’ordonnance du roi Henri II et au moment où la propriété était moins divisée, l’exercice du droit de glanage n’entraînait pas beaucoup d’abus et ne soulevait que de rares plaintes. Mais dès le début du XIXe siècle, il n’était pas d’usage rural qui fût l’occasion de réclamations plus vives et plus générales ; presque tous les déposants demandaient la suppression ou la restriction du glanage tel qu’il se pratiquait.

Le glanage était, suivant eux, une occasion de rapine. Pour se rendre sur le champ où ils allaient glaner, les glaneurs ou glaneuses passaient à côté de récoltes qui étaient en javelles ou même liées en bottes, et, le plus souvent, commençaient à s’attaquer à ces produits qu’ils auraient dû respecter avant de se mettre à ramasser les épis dont ils auraient dû se contenter. Les enfants qui accompagnaient les parents étaient excités à commettre ces vols, ou provoqués par un scandaleux exemple.

Ce n’était pas tout : les indigents n’étaient pas les seuls à aller glaner ; beaucoup d’autres, préférant le glanage au travail à la journée, se joignaient à eux, et l’on cita même des femmes d’adjoints et de conseillers municipaux qui profitaient indûment de la tolérance accordée à l’exercice de cet usage.

Enfin, le glanage, qui se bornait originellement au blé, s’étendait à toute espèce de récoltes, à l’avoine et à l’orge par exemple. Il y avait là un abus injustifiable, et si la loi obligeait à souffrir le glanage, il convenait du moins d’en restreindre l’application aux besoins de la nourriture du pauvre. On se plaignait également du râtelage : pourquoi enlever à un cultivateur l’herbe qui poussait dans son champ et dont il pourrait se servir pour la nourriture de son bétail ? On réclamait de même contre le grappillage à raison des abus qu’il entraînait.

En 1804, l’abbé Étienne Calvel (1749-1830), rédigeait un plaidoyer en faveur du maintien du glanage, estimant que ce dernier était « l’aumône la mieux placée, la plus réfléchie, la moins onéreuse que le riche puisse faire à l’infortune et à la misère », et élaborait un projet de loi sur le glanage, ainsi libellé :

« Art. I. Le glanage est une aumône que l’intérêt public et particulier a, de tout temps, consacré pour la subsistance du véritable pauvre qui réclame le droit de l’exercer.

« II. Sera regardé comme véritable pauvre, tout individu qui n’a pas de bien pour se sustenter, lui et sa famille, et qui est hors d’état de travailler à la récolte.

« III. Sont aussi regardés comme tels, toute femme âgée de plus de cinquante ans, et tout homme qui a atteint sa soixantième année, tout infirme ou convalescent qui est hors d’état de travailler à la moisson d’une manière active, tout enfant, fille ou garçon âgé de moins de douze ans ; toute mère nourrice qui a, indépendamment de son nourrisson, un enfant en bas-âge, s’ils n’ont pas de bien pour se nourrir.

« IV. Nul ne pourra entrer dans les champs pour glaner, qu’il n’en ait obtenu, pour lui et ses enfants, du maire de sa commune, une permission par écrit, qui spécifiera le motif de cette permission.

« V. Les maires seront responsables des abus qui pourraient résulter de leur condescendance à donner des permissions aux personnes qui ne sont pas comprises dans les art. II et III.

« VI. Nul ne pourra entrer dans les champs, pour glaner, avant le coucher du soleil, et y rester lorsqu’il est couché.

« VII. Dans un moment où l’on est menacé d’orage, ou lorsqu’il y a un péril imminent pour la récolte, tout propriétaire est autorisé à requérir le maire, pour obliger les glaneurs et glaneuses d’aider à ramasser les javelles, pour faire les gerbes, et seconder les moissonneurs dans tout ce qu’ils commanderont d’utile pour le bien de la récolte.

« VIII. Tout glaneur et glaneuse qui sera convaincu d’être entré dans les champs avant l’enlèvement de la dernière gerbe, sera privé par le maire du droit de glaner, pendant un ou plusieurs jours, suivant l’exigence du cas.

« IX. Tout glaneur ou glaneuse qui sera convaincu d’avoir pris dans les javelles, dans les gerbes, soit dans les champs, soit sur les charrettes, sera, par cela seul, privé du droit de glaner, et envoyé devant le tribunal de police correctionnelle, pour être puni comme voleur, et condamné à la restitution de la chose volée et aux dommages.

« X. Les pères et mères seront responsables, à cet égard, pour leurs enfants.

« XI. Tout glaneur ou glaneuse qui sera convaincu de s’être approprié les glanes d’un autre glaneur, sera privé du droit de glaner pendant la moisson, et forcé à la restitution.

« XII. Le droit de glaner ne peut s’exercer que dans les champs ouverts, et non dans les enclos, à moins d’une permission verbale du propriétaire.

« XIII. Si, à raison de la division des propriétés, plusieurs champs voisins de celui où la récolte a été enlevée, sont couverts de grains, le maire pourra ordonner que le glanage ne commence, dans cette partie, qu’après l’enlèvement des fruits.

« XIV. Il est défendu aux glaneurs de traverser les champs encore couverts de fruits, sous prétexte d’abréger leur chemin, pour aller dans un champ découvert.

« XV. Les femmes et enfants des moissonneurs ne pourront glaner dans les champs où ces derniers ont scié ou fauché le blé.

« XVI. Il est défendu, sous quelque prétexte que ce soit, de glaner au râteau dans les champs, autres que ceux qui ont produit de l’avoine ou des fourrages. Les épis seront ramassés à la main.

« XVII. Nul berger, pâtre, vacher, quel qu’il soit, ne pourra mener ses troupeaux dans les champs que 24 ou 48 heures après que le glanage aura été ouvert, à peine de ...

« XVIII. Les gardes-champêtres sont chargés, sous leur responsabilité, et à peine de dommages et destitution, de l’exécution de la présente loi, de dresser procès-verbal de son infraction, de prévenir toute rixe entre les glaneurs, et d’en rendre compte au maire, qui pourra interdire le glanage, pendant un ou plusieurs jours, aux auteurs ou fauteurs de ces rixes.

« XIX. Les infractions au présent règlement seront, sur le rapport des maires, de leurs adjoints ou gardes-champêtres, poursuivies devant le tribunal de police correctionnelle de chaque canton, et punies conformément à l’art. 5 du titre II de la loi du 24 août 1790, et aux art. 21 et 22 du titre 2 de la loi sur la police rurale. »

Des glaneuses. Peinture de Jean-François Millet (1857)

Des glaneuses. Peinture de Jean-François Millet (1857)

Le Code pénal du XIXe siècle punissait d’une amende de 1 franc à 5 francs ceux qui glanaient dans des champs non entièrement moissonnés ou avant le lever ou le coucher du soleil. Un emprisonnement de trois jours au plus pouvait même être prononcé, selon les circonstances, ces pénalités ayant remplacé la confiscation, qui était précédemment ordonnée.

En 1867, le Code-formulaire des arrêtés de police municipale fournissait un modèle d’arrêté municipal relatif au glanage libellé en ces termes :

« Le maire de la commune de...

« Considérant que le glanage, le râtelage et le grappillage donnent lieu à des abus qui, de toutes parts, ont excité des plaintes légitimes Que les usages ont été établis dans l’intérêt des indigents vieux ou infirmes ou en bas âge ; — Que, dès lors, les personnes qui ont des ressources les mettant au-dessus des besoins ou qui sont en état de travailler ne doivent pas être autorisées à en retirer le profit ; — Qu’il est donc convenable de ramener le glanage, le râtelage et le grappillage au but charitable pour lequel ils ont été institués, tout en protégeant et en sauvegardant tous les droits ; Vu l’art. 10 de l’édit du mois de novembre 1554, l’art. 21 du titre 11 de loi du 28 septembre 1791 ; la jurisprudence constante de la Cour de cassation ; les art. 471, n. 10, 473 et 474 du Code pénal,

« ARRETE :

« Art. 1er. Le glanage, râtelage et grappillage ne sont permis, dans un quartier ou ténement, qu’après l’enlèvement complet de la récolte sur ce ténement, et que dans les pièces de terre non closes.

« 2. Le glanage ne pourra se faire qu’à la main ; il est défendu aux glaneurs de traverser les pièces couvertes d’andains, de javelles ou de gerbes, ou dont les fruits sont encore sur pied.

« 3. Nul ne pourra glaner, râteler et grappiller avant le lever et après le coucher du soleil et sans être porteur d’un certificat délivré à la mairie.

« 4. Les troupeaux et bestiaux de toute espèce ne pourront être menés dans les champs moissonnés et ouverts que deux jours après la récolte entière enlevée.

« 5. Il est interdit d’entrer dans les prés pour y râteler les résidus des foins avant que la récolte ne soit entièrement enlevée.

« 6. Les grappilleurs ne pourront se présenter dans les vignes avant le (indiquer le jour). Le grappillage est interdit dans tout enclos rural, conformément à l’art. 21 du titre II du Code rural.

« 7. Les produits de glanage, râtelage et grappillage, recueillis en contravention aux dispositions du présent arrêté, seront saisis et tenus en dépôt pour la confiscation en être prononcée par le tribunal, s’il y a lieu.

« 8. M. le commissaire de police et les gardes champêtres sont chargés de l’exécution du présent arrêté.

« Fait en mairie, à... le... Le Maire »

Maintenu par un arrêt du 14 février 1867 de la Cour de cassation, le glanage, avant l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal le 1er mars 1994, faisait l’objet d’une disposition à l’article R 26 prévoyant de punir d’une amende de 20 à 150 francs « ceux qui, sans autre circonstance, auront glané, râtelé ou grappillé dans les champs non encore entièrement dépouillés et vidés de leurs récoltes, ou avant le moment du lever ou après celui du coucher du soleil ». Ce qui impliquait le maintien de l’autorisation dans les autres cas.

Si le nouveau Code pénal, en vigueur depuis 1994, ne mentionne plus le glanage, un arrêt du 17 septembre 1997 de la Chambre criminelle de la Cour de cassation (Bulletin n° 301 des arrêts de la chambre criminelle) précise que l’article R 635-1 prévoyant une amende de 5e classe englobe l’ancien article R 26 relatif à cet usage. Ainsi, le glanage est toujours autorisé, sous les mêmes conditions que celles fixées par l’ordonnance de 1554.

 
 
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