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16 janvier 1678 : mort de Madeleine de Souvré, femme de lettres et salonnière

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16 janvier 1678 : mort de Madeleine
de Souvré, marquise de Sablé,
femme de lettres et salonnière
(« Biographie universelle, ancienne et moderne. Supplément »
(Tome 80) paru en 1847, « Madame de Sablé : études sur les femmes
illustres et la société du XVIIe siècle » (par Victor Cousin) paru en 1854,
« Bulletin de la Société royale d’agriculture, sciences et arts
du Mans » paru en 1843, « Madame de Longueville : études sur les femmes
illustres et la société du XVIIe siècle : la jeunesse de madame
de Longueville » (par Victor Cousin) édition de 1859
et « Maximes de Madame de Sablé (1678) » paru en 1870)
Publié / Mis à jour le mercredi 16 janvier 2019, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 9 mn
 
 
 
Après un mariage dans lequel son goût n’avait pas été consulté et qui la laisse dans une situation financière peu favorable, Madeleine de Souvré, marquise de Sablé, de caractère affable, s’établit à Paris et ouvre un salon littéraire accueillant les beaux esprits du temps et se lie d’amitié avec le duc de La Rochefoucauld qu’elle conseilla dans la confection de ses célèbres Maximes

Madeleine de Souvré naquit en 1599 au château de Courtanvaux (ou Courtenvaux), et était fille du maréchal de Souvré, marquis de Courtenvaux, qui suivit le duc d’Anjou en Pologne, se trouva à la bataille de Coutras, et rendit des services considérables à Henri IV qui le choisit pour être gouverneur de Louis XIII, charge importante qui lui valut le bâton de maréchal de France.

Madeleine eut deux sœurs : l’aînée, qui fut Madame de Lansac, fort remarqué à la cour de Marie de Médicis ; la cadette qui, s’étant faite religieuse, devint abbesse de Saint-Amand, à Rouen, et paraît avoir apporté cette abbaye dans la maison de Souvré, puisqu’après elle deux de ses nièces lui succédèrent à la tête de ce monastère. De ses quatre frères, le plus connu est Jacques de Souvré, chevalier de Malte, qui devint grand-prieur de France, fit bâtir le superbe hôtel du Temple pour être la demeure ordinaire des grands prieurs, et mourut en 1670. Disons aussi qu’une des nièces de Madeleine de Souvré, Anne de Souvré, marquise de Courtanvaux, épousa Louvois en 1662, et qu’une de ses petites-filles, la fille du marquis de Laval, fut mariée la même année à un autre favori de Louis XIV, le marquis de Rochefort, depuis maréchal de France.

Elle avait à peine plus d’une dizaine d’années quand, en 1610, elle fut nommée fille d’honneur de la reine Marie de Médicis. Une fille de gouverneur de roi, qui d’ailleurs avait beaucoup d’agréments personnels, ne pouvait manquer d’être fort recherchée. Un Journal de la cour et de Paris, depuis le 1er janvier 1614 jusqu’au 31 décembre 1619 (manuscrits de Conrart), nous apprend que c’est le 9 janvier 1614 que Madeleine de Souvré épousa Philippe-Emmanuel de Laval-Montmorency, et marquis de Sablé, petite ville du Maine. On ne sait pas autre chose de son mari, sinon qu’il mourut en 1640, et qu’elle en eut quatre enfants : une fille, Marie de Laval, religieuse à Saint-Amand de Rouen ; Henri, doyen de Tours, évêque de Saint-Pol-de-Léon, puis de La Rochelle ; Urbain de Laval, marquis de Bois-Dauphin, mort en 1661 ; et ce beau et brave Guy de Laval, d’abord appelé le chevalier de Bois-Dauphin, puis le marquis de Laval, qui périt tout jeune et déjà lieutenant-général au siège de Dunkerque en 1646.

Portrait de Madeleine de Souvré, marquise de Sablé. Dessin réalisé en 1621 par Daniel Dumonstier (1574-1646)

Portrait de Madeleine de Souvré, marquise de Sablé.
Dessin réalisé en 1621 par Daniel Dumonstier (1574-1646)

Si son union avec le marquis de Sablé ne fut pas heureuse, Madeleine de Souvré n’en conserva pas moins à son mari la fidélité qu’elle lui avait jurée. À une époque où la galanterie était tout à fait de mise, elle fut le plus parfait modèle de toutes les vertus domestiques. Jolie, et partout réputée pour l’être, comblée d’hommages d’autant plus dangereux qu’ils s’adressaient en même temps à son esprit et à sa beauté, elle sut résister aux séductions qui l’environnaient, et auxquelles il lui eût été d’autant plus facile de s’adonner que la société de son temps, si indulgente aux erreurs de ce genre, n’eût pas manqué d’en rejeter entièrement la faute sur les déportements de son mari.

Tous ses contemporains sont d’accord pour témoigner de sa vertu, si pourtant l’on en excepte Tallemant des Réaux, dont la langue de vipère aime à se promener sur toutes les réputations. Seulement Madame de Sablé avait cinquante ans à l’époque où il l’accuse d’une intrigue amoureuse avec René de Longueil, président au Parlement de Paris, et l’absurdité d’une telle supposition montre quel degré de confiance on doit accorder aux allégations de l’auteur des Historiettes.

La femme de lettres Françoise de Motteville (1615-1689) nous a laissé de la Madeleine de Souvré le portrait suivant : « La marquise de Sablé était une de celles dont la beauté faisait le plus de bruit quand la reine (la reine Anne) vint en France (en 1615) ; mais, si elle était aimable, elle désirait encore plus de le paraître. L’amour que cette dame avait pour elle-même la rendait un peu trop sensible à celui que les hommes lui témoignaient. Il y avait encore en France quelques restes de la politesse que Catherine de Médicis y avait rapportée d’Italie, et elle trouvait une si grande délicatesse dans les comédies nouvelles et tous les autres ouvrages en vers et en prose qui venaient de Madrid, qu’elle avait conçu une haute idée de la galanterie que les Espagnols avaient apprise des Maures.

« Elle était persuadée que les hommes pouvaient sans crime avoir des sentiments tendres pour les femmes, que le désir de leur plaire les portait aux plus grandes et aux plus belles actions, leur donnait de l’esprit et leur inspirait de la libéralité et toutes sortes de vertus, mais que d’un autre côté les femmes, qui étaient l’ornement du monde et étaient faites pour être servies et adorées, ne devaient souffrir que leurs respects. Cette dame ayant soutenu ces sentiments avec beaucoup d’esprit et une grande beauté, leur avait donné de l’autorité dans son temps, et le nombre et la considération de ceux qui ont continué à la voir ont fait subsister dans le nôtre ce que les Espagnols appellent fucezas. »

La marquise de Sablé avait été passionnément aimée du brave et infortuné duc de Montmorency, oncle de Madame de Longueville, décapité à Toulouse en 1632. Elle ne fut pas insensible à sa passion ; mais, Montmorency ayant levé les yeux sur la reine, Madame de Sablé rompit avec lui. « Je lui ai ouï dire à elle-même, quand je l’ai connue, dit encore Françoise de Motteville, que sa fierté fut telle à l’égard du duc de Montmorency, qu’aux premières démonstrations qu’il lui donna de son changement elle ne voulut plus le voir, ne pouvant recevoir agréablement des respects qu’alle avait à partager avec la plus grande princesse du monde. »

La marquise de Sablé resta fidèle toute sa vie aux moeurs de sa jeunesse, et quand l’hôtel de Rambouillet fut à peu près fermé, elle en continua la tradition dans son hôtel de la place Royale où elle s’était établie, à la mort de son époux, avec sa spirituelle amie la comtesse de Maure, et jusque dans sa retraite de Port-Royal, au faubourg Saint-Jacques. Elle entretient longtemps une école de bon ton, de morale et de littérature raffinée, d’où sont sorties les célèbres Maximes de La Rochefoucauld.

François de La Rochefoucauld. Gravure publiée en 1761 dans Histoire des philosophes modernes, par Alexandre Saverien (1720-1805)

François de La Rochefoucauld. Gravure publiée en 1761
dans Histoire des philosophes modernes, par Alexandre Saverien (1720-1805)

Madeleine de Sablé était en effet liée avec les personnes les plus spirituelles de son temps. Amie du duc de La Rochefoucauld, de l’abbé Esprit, de Voiture, de la marquise de Rambouillet, de la duchesse de Montausier, de mademoiselle Paulet , de la duchesse de Longueville, d’Arnauld d’Andilly et de bien d’autres, son salon ne désemplissait pas de toutes ces illustrations. Elle écrivait agréablement des lettres et elle ne négligeait pas d’en garder les copies que lui faisait ordinairement Mlle de Chalais, sa demoiselle de compagnie.

La pensée était proposée comme un diamant brut chez Madame de Sablé, dans une réunion très restreinte, et chacun la polissait, l’élucidait, la retouchait, puis la maxime se trouvait produite. Elle travailla également pour son propre compte, ou plutôt, affirment certains, on a mis son nom à un recueil de maximes qui pourraient bien avoir une origine semblable à celles du duc de La Rochefoucauld.

Sainte-Beuve, qui a fait des recherches sur la vie et les écrits de cette femme célèbre, la considère comme conseillère du duc de La Rochefoucauld, mais ne lui accorde pas d’autre participation à ses oeuvres ; voici le portrait qu’il en a fait : « Femme rare malgré des ridicules, esprit charmant, coquet, pourtant solide, à qui Arnault envoyait le discours manuscrit de la Logique, en lui disant : Ce ne sont que des personnes comme vous que nous voulons avoir pour juges. Et à qui presque en même temps M. de La Rochefoucauld écrivait : Vous savez que je ne crois que vous sur certains chapitres, et surtout sur les replis du cœur. »

Relativement à ses Maximes à elles, il ajoute : « Dans les quatre-vingt-une pensées que je lis sous le nom de Madame de Sablé, j’en pourrais à peine citer une qui ait du relief et du tour ; le fond en est de morale chrétienne ou de pure civilité et usage du monde, mais la forme surtout fait défaut, elle est longue traînante ; rien ne se termine ni se grave, la simple comparaison fait mieux comprendre à quel point La Rochefoucauld est un écrivain. »

Lors des persécutions qu’on fit subir à ses amis, les religieuses et les solitaires de Port-Royal, Madame de Sablé prit vivement leur défense ; Tallemant des Réaux ne l’épargne pas à ce sujet dans ses Mémoires, où l’on trouve la passage suivant : « Après avoir été fort galante, elle trouva qu’il était temps de faire la dévote ; mais quelle dévote, bon Dieu ! il n’y a point eu d’intrigue à la cour dont elle ne se soit mêlée, et elle n’avait garde de manquer à être janséniste, quand ce ne serait que parce que cette secte a grand besoin de cabale pour se maintenir, et c’est à quoi la marquise se délecte sur toutes choses depuis qu’elle est au monde. »

Il est certain que cette femme avait une activité d’esprit extraordinaire , car en même temps qu’elle se dévouait pour les sectaires de Port-Royal, elle n’en était pas moins très présente aux soins du monde et aux affaires du bel esprit ; elle écrivait dans le Journal des Savants, le premier journal littéraire qui ait paru en 1665 ; elle y faisait insérer des articles en faveur des ouvrages de ses amis, et en travaillait le succès. Voici un projet d’article sur les Maximes de La Rochefoucauld, de la façon de cette dame spirituelle, qui parut dans ce journal le 9 mars 1665, et que Sainte-Beuve a extrait des papiers de Madame de Sablé :

Réflexions ou sentences et maximes morales, par François de La Rochefoucauld. Frontispice de l'édition originale de 1665

Réflexions ou sentences et maximes morales, par François de La Rochefoucauld.
Frontispice de l’édition originale de 1665

« C’est un traité du mouvement du cœur de l’homme, qu’on peut dire avoir été comme inconnu avant cette heure au cœur même qui les produit. Un seigneur aussi grand en esprit qu’en naissance en est l’auteur, mais ni son esprit ni sa grandeur n’ont pu empêcher qu’on n’en ait fait des jugements bien différents.

« Les uns croient que c’est outrager les hommes que d’en faire une si terrible peinture, et que l’auteur n’en a pu prendre l’original qu’en lui-même. Ils disent qu’il est dangereux de mettre de telles pensées au jour, et qu’ayant si bien montré qu’on ne fait les bonnes actions que par de mauvais principes, la plupart du monde croira qu’il est inutile de chercher la vertu, puisqu’il est comme impossible d’en avoir, si ce n’est en idée ; que c’est enfin renverser la morale, de faire voir que toutes les vertus qu’elle nous enseigne n’ont que de mauvaises fins.

« Les autres, au contraire, trouvent ce traité fort utile, parce qu’il découvre aux hommes les fausses idées qu’ils ont d’eux-mêmes et leur fait voir que sans la religion ils sont incapables de faire aucun bien ; qu’il est toujours bon de se connaître tel qu’on est, quand même il n’y aurait que cet avantage de n’être point trompé dans la connaissance qu’on peut avoir de soi-même.

« Quoiqu’il en soit, il y a tant d’esprit dans cet ouvrage et une si grande pénétration pour connaître le véritable état de l’homme à ne regarder que sa nature, que toutes les personnes de bon sens y trouveront une infinité de choses qu’elles auraient peut-être ignorées toute leur vie, si cet auteur ne les avait tirées du chaos du cœur de l’homme pour les mettre dans un jour où quasi tout le monde peut les voir et les comprendre sans peine. »

Cet article, en effet, fut inséré dans le Journal des Savants, mais non pas en entier ; car avant de l’envoyer à l’impression, Madame de Sablé avait eu l’attention de le communiquer à M. de La Rochefoucauld, qui, comme elle s’y attendait, supprima l’endroit qu’elle appelait sensible, c’est-à-dire, le second paragraphe, qui commence par ces mots : « Les uns croient que c’est outrager les hommes, etc. » Il laissa subsister tout le reste et n’ôta juste que ce qui lui en déplaisait. On voit que dès ce temps-là les auteurs ne se faisaient aucun scrupule de revoir eux-mêmes les éloges qu’on leur destinait dans les journaux. Au reste, la confiance qu’un homme tel que le duc de La Rochefoucauld témoignait à la marquise de Sablé, le prix qu’il attachait à son suffrage, sont la preuve du mérite et de l’esprit de cette femme si digne d’être remarquée.

Madame de Sablé, malgré toute l’affabilité de son caractère, était une nature froide, plutôt faite pour l’amitié que pour l’amour. L’amitié était pour elle la suprême expression de la tendresse. Pratiquer l’amitié fut la grande occupation de sa vie, la définir fut le but principal des quelques lignes dans lesquelles elle a fixé ses pensées. Elle en parlait souvent dans le cercle littéraire que son esprit distingué avait réuni autour d’elle ; elle en discuta beaucoup avec le célèbre auteur des Maximes, et sur ce point, comme sur tant d’autres, elle fut en désaccord avec lui.

Pour le duc de La Rochefoucauld, qui ne connaît pas de tempérament à la perversité humaine, il n’existe pas de véritable amitié. Aussi écoutons-le : « Ce que les hommes ont nommé amitié n’est qu’une société, qu’un ménagement réciproque d’intérêts, et qu’un échange de bons offices ; ce n’est enfin qu’un commerce où l’amour propre se propose toujours quelque chose à gagner. »

Madame de Sablé ne se fait pas non plus d’illusion sur l’amitié ; elle convient que la plupart du temps il y a lieu d’en suspecter la sincérité. « La société, dit-elle, et même l’amitié de la plupart des hommes, n’est qu’un commerce qui ne dure qu’autant que le besoin. Quoique la plupart des amitiés qui se trouvent dans le monde ne méritent point le nom d’amitié, on peut pourtant en user selon les besoins, comme d’un commerce qui n’a pas de fonds certain, et sur lequel on est ordinairement trompé. »

Mais pour cela Madame de Sablé n’abandonne pas la cause de l’amitié. Elle sait bien que la véritable amitié existe, puisqu’elle la sent et qu’elle la pratique ; aussi voici quelle définition lui en dictent et son cœur et son bon sens : « L’amitié est une espèce de vertu qui ne peut être fondée que sur l’estime des personnes que l’on aime, c’est à dire sur les qualités de l’âme, comme sur la fidélité, la générosité et la discrétion, et sur les bonnes qualités de l’esprit. Les amitiés qui ne sont point établies sur la vertu, et qui ne regardent que l’intérêt ou le plaisir, ne méritent point le nom d’amitié. »

Portrait présumé de la marquise de Sablé, par Louis Elle (1612-1689)

Portrait présumé de la marquise de Sablé, par Louis Elle (1612-1689)

Si la marquise de Sablé a mérité par son esprit et les agréments de sa conversation de vivre dans la mémoire des hommes, il faut convenir aussi que ses singularités devaient la sauver de l’oubli. Elle avait peur à peu près de tout, mais principalement du mauvais air, des maladies qui peuvent se gagner, mettant de ce nombre jusqu’aux rhumes ; elle craignait le tonnerre, le vent, l’orage, et surtout la mort.

Ce terrible mot ne devait jamais être prononcé devant elle. Elle avait si peur de mourir, que, pour ne pas paraître vielle et rapprochée de la mort, elle cachait son âge à l’astrologue qu’elle appelait pour tirer son horoscope, et n’ajoutait que très difficilement six mois à l’âge visiblement menteur que d’abord elle avait énoncé. Dans un temps où l’on craignait la peste, ayant appelé des médecins pour les consulter, il fallut qu’ils changeassent de vêtements et qu’ils se tinssent à l’extrémité d’une galerie, sans approcher d’elle ; les paroles étaient portées et rapportées par mademoiselle de Chalais, fille d’esprit à laquelle Voiture n’a pas dédaigné d’écrire quelquefois.

Une des plus plaisantes aventures de madame de Sablé, a été le voyage de Ruel, quand, pour se venger de n’être pas invitée, elle tenta d’aller surprendre Julie d’Angennes qui, après sept ans de recherche, venait enfin d’épouser le duc de Montausier. Un orage vint à se déclarer, et madame de Sablé ne vit d’autre moyen de se préserver du tonnerre que d’aller se cacher, elle, sa voiture et ses gens, dans les carrières de Chaillot, affirme Tallemant des Réaux.

Dans une notice biographique qu’il lui consacra, le philosophe Victor Cousin (1792-1867) écrit : « En même temps qu’on faisait chez Madame de Sablé du bel esprit, de la dévotion et de la politique, on y faisait aussi des confitures et de merveilleux ragoûts ; on y composait des élixirs pour les vapeurs et des recettes contre toutes les maladies. Madame de Sablé suffisait à tout, s’occupait de tout, de nouvelles littéraires et d’affaires sérieuses, sans beaucoup sortir de chez elle, et sur la fin presque sans quitter sa chaise et son lit.

« Il lui prenait quelquefois des accès de dévotion ou des vapeurs, et pendant ce temps elle fermait sa porte à tout le monde, même à ses meilleurs amis ; mais ces moments étaient rares et duraient peu, et c’était en général une maîtresse de maison accomplie. Elle possédait tout ce qu’il faut pour cela : un assez grand nom, le goût de l’influence, un cœur au repos, un esprit actif et aimable, peu ou point d’originalité, ce qui est la condition essentielle de ce genre de succès. »

Et d’ajouter que « l’esprit de Madame de Sablé consistait surtout en une parfaite politesse. Elle ne s’élevait guère au-dessus de cette heureuse médiocrité, soutenue par le bon ton et le bon goût, qui sied si bien à une femme qui aspire à tenir un salon. Rien en elle d’éminent et de fort rare, comme aussi rien de vulgaire ; aucune de ces qualités qui éblouissent et souvent offusquent, et toutes celles qui attirent et qui retiennent. Elle avait de la raison, une grande expérience, un tact exquis, une humeur agréable. Quand je me la représente telle que je la conçois d’après ses écrits, ses lettres, sa vie, ses amitiés, à moitié dans la solitude, à moitié dans le monde, sans fortune et très en crédit, une ancienne jolie femme à demi retirée dans un couvent et devenue une puissance littéraire, je crois voir, de nos jours, Madame Récamier à l’Abbaye-aux-Bois. »

La marquise de Sablé perdit en 1663 son amie la plus intime, la comtesse de Maure. Alors elle se retira à Port-Royal de la rue Saint-Jacques, où elle fit bâtir un corps de logis. Elle y mourut, le 16 janvier 1678, à 78 ans, et fut enterrée dans le cimetière de la paroisse Saint-Jacques.

 
 
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