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23 juin 1802 : ascension du Chimborazo par Humboldt et Bonpland, « hommes les plus hauts du monde »

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23 juin 1802 : ascension du Chimborazo
par Humboldt et Bonpland,
« hommes les plus hauts du monde »
(D’après « Précis de l’historie de la botanique pour servir de
complément à l’étude du règne végétal », paru en 1869)
Publié / Mis à jour le mercredi 23 juin 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Dans le cadre d’une expédition scientifique entamée en 1799 et qui durera 5 ans, l’illustre naturaliste, explorateur et géographe allemand Alexandre de Humboldt — né en 1769 —, accompagné de son ami le botaniste français Aimé Bonpland — né en 1773 —, tentent la première ascension du Chimborazo, volcan d’Équateur culminant à plus de 6000 mètres

Le 5 juin 1799, Humboldt et Aimé Bonpland s’embarquèrent, dans le port de la Corogne, sur la frégate Pizarro, qui sut traverser le blocus anglais, gagner Ténériffe et arriver heureusement, le 16 juillet de la même année, à Cumana, dans la partie occidentale de l’ancienne capitainerie générale de Caracas-et-Nouvelle-Grenade, aujourd’hui Venezuela. Humboldt et Bonpland employèrent dix-huit mois à explorer les provinces de cet État. Dès le 14 décembre 1799, au fort de son exploration, il écrivait à l’astronome Lalande :

« Je viens de finir un voyage extrêmement intéressant dans l’intérieur du Paria, dans la Cordillère de Cocolar, Tumeri, Guiri ; j’ai eu deux ou trois mules chargées d’instruments, de plantes sèches, etc. Nous avons pénétré dans les Missions des Capucins, qui n’avaient été visitées par aucun naturaliste ; nous avons découvert un grand nombre de végétaux, principalement de nouveaux genres de palmiers, et nous sommes sur le point de partir pour l’Orénoque, pour nous enfoncer de là peut-être jusqu’à San-Carlos du Rio-Negro, au delà de l’équateur.

Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland l'Orénoque en 1799. Gravure réalisée d'après la peinture d' Eduard Ender (1870)

Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland l’Orénoque en 1799. Gravure réalisée
d’après la peinture d’ Eduard Ender (1870)

« Un voyage entrepris aux dépens d’un particulier qui n’est pas très riche, et exécuté par deux personnes zélées, mais très jeunes, ne doit pas promettre les mêmes fruits que les voyages d’une société de savants du premier ordre, qui serait envoyée aux dépens d’un gouvernement ; mais vous savez que mon but principal est la physique du monde, la composition du globe, l’analyse de l’air, la physiologie des animaux et des plantes, enfin les rapports généraux qui lient les êtres organisés à la nature inanimée ; ces études me forcent d’embrasser beaucoup d’objets à la fois.

« Bonpland, élève du Musée national, très versé dans la botanique, l’anatomie comparée, et autres branches de l’histoire naturelle, me seconde par ses lumières avec un zèle infatigable. Nous avons déjà séché plus de 1 600 plantes et décrit plus de 500, ramassé des coquilles et des insectes ; j’ai fait une cinquantaine de dessins. Je crois qu’en considérant les chaleurs brûlantes de cette zone, vous penserez que nous avons beaucoup travaillé en quatre mois de temps. Les jours ont été consacrés à la physique et à l’histoire naturelle, les nuits à l’astronomie. »

Excité par le désir de pénétrer dans les profondeurs de régions si nouvelles pour lui, Humboldt oublia tous les dangers, ou plutôt il trouva un charme extrême à les braver pour conquérir la gloire scientifique qu’il ambitionnait bien plus que la gloire politique, dont il avait trouvé et trouverait encore tous les chemins ouverts devant lui. Il n’était pas d’ailleurs un de ces savants de cabinet qui travaillent à l’aise aux détails des grandes découvertes faites par d’autres. Il était le génie qui brave tous les périls pour atteindre son objet et qui en jette à pleines mains les résultats aux savants du second ordre pour qu’ils les élaborent, si bon leur semble, après lui.

Il s’embarqua avec Bonpland, sur un canot indien, et, dans ce frêle esquif, à travers les forêts vierges, les rapides ou raudals, suivant l’expression espagnole, exposé aux morsures des moustiques, aux attaques des bêtes féroces, aux miasmes putrides des marécages, il remonta jusqu’à trois cent quatre-vingt-cinq lieues l’Orénoque et ses affluents, constata la communication de ce fleuve, par le Rio-Negro et le Cassiquiare, avec la rivière des Amazones, et ne prit de repos qu’au bout de soixante-quinze jours, à Angostura (devenue Ciudad-Bolivar), ville située près d’un resserrement du lit de l’Orénoque.

Il eut le bras droit paralysé à force de coucher sur des litières de feuilles humides au bord des fleuves. C’est de là, comme il le faisait encore remarquer dans une de ses lettres datée de 1833, que lui vint sa difficulté d’obtenir une écriture régulière et bien lisible. Cette écriture originale était comme la cicatrice qui constatait ses campagnes scientifiques. Il revint à Cumana avec l’intention de s’y rembarquer pour tâcher d’aller joindre l’expédition des capitaines Nicolas Baudin et Hamelin. Mais les Anglais bloquaient le port et l’arrêtèrent ainsi pendant deux mois, qui du reste furent employés utilement pour la science. Enfin, Humboldt et Bonpland réussirent à gagner l’île de Cuba, et séjournèrent plusieurs mois à la Havane.

Les études et les observations de divers genres qu’ils y firent devaient être consignées plus tard par Humboldt dans un ouvrage spécial, Essai sur l’île de Cuba (1826). Cette île dut aux deux voyageurs la connaissance des meilleurs procédés pour fabriquer le sucre, et reçut d’eux l’enseignement de divers arts et métiers que les habitants ignoraient encore. Voilà les vrais savants, ceux qui sont utiles à l’humanité.

À gauche, Aimé Bonpland. À droite, Alexandre de Humboldt d'après une photographie de Gustav Schauer (1826-1902)

À gauche, Aimé Bonpland. À droite, Alexandre de Humboldt d’après
une photographie de Gustav Schauer (1826-1902)

Sur le bruit trompeur que l’expédition du capitaine Raudin avait passé le cap Horn et s’approchait des côtes du Chili et du Pérou, les deux voyageurs quittèrent Cuba et entreprirent d’atteindre Carthagène, avec l’intention de passer dans la mer du Sud par l’isthme de Panama ; mais les vents contraires et la saison trop avancée ne leur permirent pas d’accomplir ce projet ; d’ailleurs l’expédition française, au lieu de doubler le cap Horn, avait doublé le cap de Bonne-Espérance, et il n’y avait plus aucune chance de la rencontrer.

Humboldt et Bonpland quittèrent Carthagène pour remonter le fleuve Magdalena dans la Nouvelle-Grenade ; ils en déterminèrent soigneusement le cours jusqu’à Santa-Fé de Bogota, où ils se livrèrent à de curieuses investigations géologiques, zoologiques et botaniques, récoltant partout des échantillons précieux pour ces différentes branches de la science. De Bogota, les deux intrépides voyageurs entreprirent de gagner Quito, où ils parvinrent le 6 janvier 1802, après avoir traversé la Cordillère de Quindiu, visité les volcans de cette chaîne et parcouru les pays les plus variés.

Pendant cinq à six mois, ils explorèrent les environs de Quito de la manière la plus fructueuse. Le 23 juin, en compagnie de don Carlos de Montufar, Humboldt accomplit sa célèbre ascension du Chimborazo — sommet le plus haut des Andes équatoriennes — jusqu’à la hauteur de 6 072 mètres au-dessus du niveau de la mer.

C’était la plus grande élévation qu’il eût encore été donné à l’homme d’atteindre, et s’il ne parvint pas au sommet de cette montagne fameuse de la chaîne des Andes, dont l’altitude est de 6 384 mètres, c’est qu’il rencontra d’invincibles obstacles dans la raréfaction de l’atmosphère, dans l’intensité du froid et surtout dans une profonde crevasse qui se trouva tout à coup devant lui comme un gouffre béant ; néanmoins les souffrances qu’il eut à endurer ne l’empêchèrent pas de faire ses observations scientifiques et de tout déterminer de la manière la plus rigoureusement exacte, particulièrement l’état de la végétation aux différentes altitudes.

Humboldt passa ensuite au Pérou avec Bonpland, et prit quelque repos à Lima. De cette dernière ville, il adressa, le 25 novembre 1802, une lettre à Delambre pour remercier l’Institut de France d’une missive qui avait passé deux ans à venir le trouver dans la Cordillère des Andes, missive par laquelle cet illustre corps donnait à ses travaux les plus grandes marques d’intérêt.

« Longtemps avant de recevoir la lettre que vous m’avez écrite en qualité de secrétaire de l’Institut, disait Humboldt, j’ai adressé successivement trois lettres à la classe de physique et de mathématiques ; deux de Santa-Fé de Bogota, accompagnées d’un travail sur le genre Cinchona, c’est-à-dire des échantillons d’écorces de sept espèces, des dessins coloriés qui représentaient ces végétaux avec l’anatomie de la fleur si différente parla longueur des étamines, et les squelettes séchés avec soin.

« Le docteur Mutis, qui m’a fait mille amitiés, et pour l’amour duquel j’ai remonté la rivière de la Madeleine en quarante jours, m’a fait cadeau de plus de cent dessins magnifiques en grand in-folio, figurant de nouveaux genres et de nouvelles espèces de sa Flore de Bogota manuscrite. J’ai pensé que cette collection, aussi intéressante pour la botanique que remarquable par la beauté du coloris, ne pourrait être en de meilleures mains que celles des Jussieu, Lamarck et Desfontaines, et je l’ai offerte à l’Institut national comme une faible marque de mon attachement. Cette collection et le Chincona sont partis pour Carthagène des Indes, vers le mois de juin de cette année, et c’est M. Mutis lui-même qui s’est chargé de les faire passer à Paris. Une troisième lettre pour l’Institut est partie de Quito avec une collection géologique des productions du Pichincha, du Cotopaxi et du Chimborazo.

« Qu’il est affligeant de rester dans l’incertitude sur l’arrivée de ces objets, comme sur celle des collections de graines rares que, depuis trois ans, nous avons adressées au Jardin. des plantes de Paris !... Nos collections de plantes et les dessins que j’ai faits sur l’anatomie des genres, conformément aux idées que le citoyen Jussieu m’avait communiquées dans des conversations à la Société d’histoire naturelle, ont augmenté beaucoup par les richesses que nous avons trouvées dans la province de Quito, à Loxa, à l’Amazone et dans la Cordillère du Pérou. Nous avons retrouvé beaucoup de plantes vues par Joseph Jussieu, telles que les Llogue affinis, Quillajae, et d’autres. Nous avons une nouvelle espèce de Julienne qui est charmante, des Collatix, plusieurs Passiflores et Loranthus en arbre de soixante pieds de haut ; surtout nous sommes très riches en palmes et en graminées, sur lesquelles le citoyen Bonpland a fait un travail très étendu.

Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland dans la vallée de Tapia, au pied du volcan Chimborazo (Équateur). Peinture de Friedrich Georg Weitsch (1810)

Alexandre de Humboldt et Aimé Bonpland dans la vallée de Tapia, au pied
du volcan Chimborazo (Équateur). Peinture de Friedrich Georg Weitsch (1810)

« Nous avons aujourd’hui 3 784 descriptions très complètes en latin, et près d’un tiers de plantes dans les herbiers que, faute de temps, nous n’avons pu décrire. Il n’y a pas de végétal dont nous ne puissions indiquer la roche qu’il habite, et la hauteur, en toises, à laquelle il s’élève ; de sorte que la géographie des plantes trouvera dans nos manuscrits des matériaux très exacts. Pour mieux faire, le citoyen Bonpland et moi, nous avons souvent décrit la même plante séparément. Mais deux tiers et plus des descriptions appartiennent à l’assiduité seule du citoyen Bonpland, dont on ne pourrait trop admirer le zèle et le dévouement pour le progrès des sciences. Les Jussieu, les Desfontaines, les Lamarck ont formé en lui un disciple qui ira bien loin.

« Nous avons comparé nos herbiers à ceux de M. Mutis ; nous avons consulté beaucoup de livres dans l’immense bibliothèque de ce grand homme ; nous sommes persuadés que nous avons beaucoup de nouveaux genres et de nouvelles espèces ; mais il faudra bien du temps et du travail pour décider ce qui est réellement neuf. Nous rapportons aussi une substance siliceuse analogue au Tabaschin des Indes Orientales, que M. Mutis a analysée. Elle existe dans les nœuds d’une graminée gigantesque qu’on confond avec le bambou, mais dont la fleur diffère du Bambusa de Schreber. Je ne sais si le citoyen Fourcroy a reçu le lait de la vache végétale (comme les Indiens nomment l’arbre) ; c’est un lait qui, traité avec l’acide nitrique, m’a donné un caoutchouc à odeur balsamique, mais qui, loin d’être caustique et nuisible comme tous les laits végétaux, est nourrissant et agréable à boire ; nous l’avons découvert sur le chemin de l’Orénoque, dans une plantation où les nègres en boivent beaucoup. J’ai aussi envoyé au citoyen Fourcroy, par la voie de la Guadeloupe, comme à sir Joseph Banks, par la Trinité, notre dapiché ou le caoutchouc blanc oxygéné que transsude par ses racines un arbre dans les forêts de Pimichin, dans le coin du monde le plus reculé, vers les sources du Rio-Negro. »

Vers la fin de décembre 1802, Humboldt et Bonpland se rendirent à Guayaquil, où ils s’embarquèrent pour la côte du Mexique que baigne la mer du Sud ; ils gagnèrent Acapulco le 23 mars 1803 ; au mois d’avril suivant, ils étaient à Mexico. Les études de toutes sortes que firent Humboldt et son compagnon de voyage dans les régions équinoxiales seront impérissables tant qu’il restera des hommes pour admirer les grands investigateurs, les apôtres de la science. Recherche et étude approfondie des plantes, géographie botanique, géographie proprement dite, météorologie, géologie, zoologie, connaissance des anciennes populations de l’Amérique, de leurs mœurs, de leurs usages, de leur langue, de leurs monuments, de leur histoire, tout a profité de leurs travaux, grâce surtout à l’esprit vulgarisateur et généralisateur de l’illustre savant allemand.

On peut dire que les œuvres qui résultèrent des voyages de Humboldt et de Bonpland furent pour le monde des sciences et des lettres comme une seconde découverte du nouveau continent. Humboldt, dont les vues étaient incontestablement plus larges que celles de son compagnon de voyage, ne négligeait pas de faire servir, dans l’occasion, ses études au progrès du commerce, de l’industrie, de l’économie politique. De ses observations et de ses informations sur le peu de largeur de l’isthme de Panama et sur la possibilité de le percer, devait sortir le grand projet d’établir, au moyen d’un canal, une communication entre l’Atlantique et la mer du Sud. L’Essai politique sur le royaume de la Nouvelle-Espagne, publié pour la première fois en 1808, montre à quelle hauteur de vues l’auteur pouvait s’élever et quelles vastes perspectives son coup d’œil embrassait.

Humboldt crut devoir retourner à la Havane, en mars 1804, pour compléter les matériaux nécessaires à son Essai sur l’île de Cuba. Il n’y resta cette fois que peu de temps, et ne tarda pas à s’embarquer pour les États-Unis, où il fut accueilli avec distinction par le président Thomas Jefferson, qui lui-même cultivait les lettres et les sciences. Ce fut là qu’il apprit son élection de membre correspondant de l’Institut de France, qui devait le nommer plus tard membre associé.

Humboldt s’embarqua, le 9 juin 1804, avec Bonpland, sur un navire marchand à destination de Bordeaux ; il arriva dans cette ville le 3 août, apportant au monde savant d’incomparables collections dans tous les genres, des cartes, des dessins dont il était l’auteur, des trésors incalculables d’observations et de faits nouveaux. Bonpland, de son côté, revenait avec un herbier de plus de 6 000 plantes, pour la plupart inconnues, dont il fit hommage au Muséum d’histoire naturelle de Paris. La satisfaction, disons même l’enthousiasme, qu’excita la venue des deux savants voyageurs fut d’autant plus grande, que peu auparavant le bruit de leur mort avait couru.

 
 
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