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Auguste Lançon, peintre animalier, gravures, eaux-fortes, animaux, guerre de 1870

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Personnages : biographies
Vie, oeuvre, biographies de personnages ayant marqué l’Histoire de France (écrivains, hommes politiques, inventeurs, scientifiques...)
Lançon (Auguste)
(D’après « Gazette des beaux-arts » paru en 1887)
Publié / Mis à jour le mardi 12 janvier 2010, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
En 1885 mourait sans tapage un artiste français d’une réelle valeur. Les Salons annuels de Paris l’avaient accueilli comme un hôte de peu d’importance ; il ne jouissait d’aucun crédit auprès des marchands de tableaux, et cependant son nom était bien connu du public. Il était le plus digne représentant en France d’un genre alors presque tombé dans l’oubli, la peinture d’animaux.

Auguste Lançon naquit le 16 décembre 1836 à Saint-Claude, dans le Jura : son père était menuisier et c’est dans l’établi paternel qu’il apprit de lui-même les premières règles du dessin. On le fit entrer au collège de la ville et il y resta jusqu’à sa dix-septième année. Les ressources de sa famille ne pouvaient le mener plus loin. C’est à cet âge, à peine frotté de littérature mais déjà maître de son crayon, qu’il entama résolument la lutte pour l’existence.

Apprenti dans une imprimerie lithographique de Lons-le-Saunier, le jeune Lançon n’y fit qu’un court séjour ; l’École des Beaux-Arts de Lyon n’était pas loin, il y fut bientôt admis. Une Vue de Saint-Claude, dessinée en lithographie, attendrit le conseil général du Jura qui vota quelques subsides au jeune artiste ; des lithographies de commerce équilibrèrent tant bien que mal son modeste budget et lui permirent de continuer ses études à l’École pendant quatre années consécutives.

Route de Mouzon le 31 mai 1870, par Auguste Lançon

Route de Mouzon le 31 mai 1870, par Auguste Lançon

Il passa en 1858 de l’École des Beaux-Arts de Lyon à celle de Paris ; l’atelier de Picot lui fut ouvert, mais il profita le moins possible des leçons qu’on y donnait ; il préférait installer son chevalet au Louvre devant les toiles des maîtres. Quant à ses compositions personnelles, son esthétique un peu hésitante, au début, ne tarda pas à se fixer. Lyon l’avait vu peindre des sujets de genre italiens et des tableaux empruntés aux romans de Chateaubriand ; à Paris, dès 1861, il entame la série des études militaires et des peintures d’animaux qu’il a continuées jusqu’à sa mort et où il a donné probablement la mesure de son talent.

Atteint de la maladie du noir, il ne parvint jamais à s’en guérir ; lui-même se connaissait cette infirmité et il se consuma en de vains efforts pour en atténuer les effets : le « cirage », comme il disait, semblait se produire spontanément sur sa palette, et venait assombrir toutes ses combinaisons de coloriste. On connaît cependant de lui de belles ébauches où les tons ne chantent pas la mélancolie ; ardent admirateur d’Eugène Delacroix, il parvint à suivre son modèle de prédilection jusqu’à l’esquisse, jamais au delà. Ce fut le gros chagrin de sa vie. Sa conscience d’artiste le perdit toujours par ses exigences ; elle n’admettait ni les compromis ni les à-peu-près ; mais en voulant franchir bravement, honnêtement, le pas énorme qui sépare l’esquisse du tableau, l’artiste était pris de vertige et voyait trouble.

L’œuvre dessinée et gravée d’Auguste Lançon est disséminée un peu partout ; pour se rendre compte de l’énorme production de cet artiste, il faut consulter la collection de l’Illustration, de l’Art, du Monde Illustré, de la Chasse illustrée, du Journal pour tous et une quantité d’albums édités par Hachette, Hetzel et Cadart. C’est là, et non dans ses peintures, qu’il a imprimé la marque indéniable d’un talent robuste et personnel. Il a une écriture à lui, un peu sèche mais bien virile ; ses compositions sont équilibrées sans qu’il force la main à la nature ; on sent que tout ce qu’il peint, il l’a vu et étudié de près, en artiste certainement, mais avant tout en témoin sincère.

On a beaucoup peint et beaucoup dessiné à propos de la guerre de 1870, et des misères sans nombre dont la France fut accablée. De tous les peintres et de tous les dessinateurs de cette époque néfaste, Lançon fut le seul à laisser parler les événements sans mêler à leur cruelle éloquence des prétentions personnelles au style ou une affectation de sensiblerie qui en affadissent l’effet. Il faut revoir dans l’Illustration, dans le Monde Illustré les rapides croquis où sont retracés sur le vif les divers épisodes de ces tragiques événements : le combat, les morts et les blessés, l’incendie, la misère des survivants, les angoisses des populations assiégées.

L’accent étrange et profondément vrai de ces esquisses frappa Théophile Gautier, qui écrivit un article au sein duquel il consigna ses impressions : « Il ne s’agit pas ici de batailles officielles avec un état-major piaffant autour du vainqueur et quelques morts de bon goût faisant académie au premier plan, le tout se détachant sur un fond de fumée bleuâtre, pour éviter au peintre la peine de représenter les régiments. Ce sont de rapides croquis, dessinés d’après le vif sur un carnet de voyage, par un brave artiste, à la suite d’une ambulance. Pas un objet qui n’ait été vu, pas un trait qui ne soit sincère. Aucun arrangement, nulle composition.

C’est la vérité dans son horreur imprévue, dans sa sinistre bizarrerie. De telles choses ne s’inventent pas. L’imagination la plus noire n’irait pas jusque-là, L’artiste à qui l’on doit ces dessins, M. Lançon, est un naïf. Il fait bonhomme, comme on dit dans les ateliers, c’est-à-dire qu’il ne recherche ni le style, ni la tournure, ni le chic à la mode. Il rend ce qu’il voit, rien que ce qu’il voit, et, comme un témoin, il raconte les faits en termes brefs et précis. On peut se fier à lui. Il y a dans ces esquisses sommaires une qualité remarquable : le sujet y est toujours attaqué par la ligne caractéristique. Les détails peuvent manquer ou n’être indiqués que par un trait hâtif, mais l’important y est et l’impression en résulte profonde et certaine ».

Rhinocéros, par Auguste Lançon

Rhinocéros, par Auguste Lançon

Plus tard, quand le cauchemar de la guerre et de la Commune se fut enfin dissipé, Lançon entreprit de résumer ses souvenirs en des pages plus achevées. Il grava successivement une suite de 17 eaux-fortes accompagnant un texte d’Eugène Véron : La Troisième Invasion (1873), et, les années suivantes, d’autres planches ayant trait au même sujet, entre autres un album contenant 17 nouvelles compositions réunies sous ce titre : Guerre de 1870 et Siège de Paris. Exposées au Salon de 1873, les eaux-fortes de l’Invasion furent honorées d’une 2e médaille : c’est la seule récompense officielle que Lançon ait obtenue de ses travaux. A la suite de ses tableaux de la guerre, citons des dessins de tout genre gravés sur bois ou à l’eau-forte : scènes de la rue prises dans les bas-fonds de la société à Paris et à Londres ; scènes monacales, entre autres une curieuse étude de la vie des Trappistes gravée sur cuivre (série de 10 planches, 1883).

Si minime que soit la valeur artistique de certains de ces ouvrages, aucun d’eux n’est indifférent ; la marque d’un esprit alerte, curieux, toujours original, s’y fait partout sentir. Lançon ne savait pas dessiner pour ne rien dire ; jamais il ne donna un coup de crayon pour le plaisir, toujours à l’affût d’idées plastiques, il notait d’une écriture rapide les incidents de forme, de mouvement, où réside la caractéristique des êtres et des choses et que seuls les artistes vraiment doués savent dégager du chaos des détails complémentaires. Dans ces travaux à main levée, où l’artiste se borne à fixer le souvenir de ce qu’il a vu ou plutôt de ce qui l’a frappé quand il regardait, sa personnalité s’affirme toujours.

Mais un peintre de réelle valeur ne peut passer sa vie à prendre des notes ; Lançon a dû s’inquiéter, comme les autres, de faire œuvre des matériaux accumulés ; il devait à sa renommée de tenter de sérieux efforts ; d’ailleurs les éditeurs, et le public dont ceux-ci reflètent les goûts, s’accommodent difficilement de travaux hâtifs ; pour les séduire il faut peiner sur l’ouvrage et n’y laisser aucun sous-entendu. En devenant plus explicites, les dessins de Lançon restent quelquefois à la hauteur de ses croquis, mais jamais ils n’y gagnent une éloquence nouvelle ; son talent n’est pas de ceux que mûrissent le travail et la réflexion. En voulant châtier son langage, il dépouille malgré lui sa pensée d’artiste d’une partie des qualités viriles dont l’expression première était revêtue. L’ébauche, si brutale qu’elle soit, nous prend par l’énergie de l’écriture, par ses accents heurtés et anguleux, qui mettent l’image en saillie.

Lion, par Auguste Lançon

Lion, par Auguste Lançon

Lançon est et restera un dessinateur d’animaux : au point de vue de la force et de l’originalité du talent, il s’est dépensé tout entier dans cette spécialité. Le meilleur de son œuvre de peintre réside dans les quelques toiles où il a étudié les grands fauves. Les modèles y vivent un peu à l’étroit, dans des horizons bornés, mais ils conservent une remarquable fierté d’allures. Les formes, exprimées avec autant d’énergie que de réel savoir nous montrent toujours l’animal dans une habitude corporelle qui lui est propre.

Ce serait parfait si Lançon avait eu à son service un véritable tempérament de peintre : malheureusement il n’en fut rien ; en voulant trop préciser le caractère de ses modèles, il était fatalement conduit à sacrifier le charme de la peinture. Des hardies conceptions de coloriste si bien exposées dans ses esquisses, on retrouve à peine une trace dans l’œuvre réalisée ; la beauté et l’harmonie des tons ont disparu ; il ne reste plus qu’une imposante silhouette d’animal qui s’enlève en vigueur sur le fond et semble sculptée plutôt que peinte.

Cette impression est assez marquée pour que l’on se soit demandé bien souvent en présence des peintures et des dessins de Lançon si l’artiste ne ferait pas mieux de s’adonner complètement à la sculpture. On invoquait à ce propos le nom de Barye et l’on ne manquait pas d’observer que le grand sculpteur avait, lui aussi, été possédé du démon de la peinture, et n’en retira, non plus, aucun profit pour sa renommée. Barye a mis sans effort dans les rares peintures qu’on connaît de lui tout ce que Lançon a réussi à exprimer dans les siennes, mais il n’avait aucune ambition de peintre ; la sculpture suffisait à sa gloire. Cette gloire est tellement éclatante que bien des artistes en ont été éblouis ; Lançon fut du nombre. Il faut voir certainement dans l’exemple de l’illustre maître la raison déterminante des quelques incursions passagères tentées par notre dessinateur sur le domaine de la sculpture. Au dire de ses amis, ce qu’il aurait fait de mieux en sculpture ne porte pas son nom : on lui doit une maquette très complète, dit-on, pour le Lion de Belfort exécuté par Bartholdi.

Mais Lançon doit sa renommée à ses eaux-fortes et à ses dessins d’illustrations ; c’est là qu’il a mis les rares qualités d’observateur et d’artiste que chacun lui reconnaît. Cependant, si cette partie de son œuvre nous paraît d’autant plus précieuse aujourd’hui que sa mort prématurée l’a brusquement interrompue, nous ne devons pas lui sacrifier complètement les autres ouvrages dont nous avons fait une succincte analyse : il y a du talent partout, et, mieux que cela, un vif accent d’originalité. On fait volontiers crédit à ceux qui meurent jeunes : Lançon, mort à 48 ans, a eu le temps de produire, mais il était encore à l’âge où l’on apprend quelque chose ; peut-être lui eût-il été donné de réaliser un jour son rêve de peintre. En tout cas, ce qu’il a fait suffit à sauver son nom de l’oubli.

 
 
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