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Lieux d'histoire. Origine du nom de Louisiane. Régions découvertes par Cavelier de La Salle. L'abbé Bernou. L'étymologie historique

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Lieux d’Histoire
Origine, histoire de nos villes, villages, bourgs, régions, châteaux, chapelles, moulins, abbayes, églises. Richesses historiques de France
Louisiane : enquête sur l’origine d’un nom
mentionné pour la première fois en 1681
(D’après « Le Journal des Américanistes », paru en 1929)
Publié / Mis à jour le mercredi 7 février 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 10 mn
 
 
 
Quand apparut le nom de Louisiane, dont l’orthographe originelle était au demeurant différente ? Qui eut l’idée de suggérer ce nom et quelles circonstances intimèrent de baptiser ainsi des régions découvertes par Cavelier de La Salle ? Quelques amateurs d’étymologies historiques ont cru découvrir dans la formation du nom de Louisiane une savante association des prénoms de Louis XIV et d’Anne d’Autriche. Malheureusement pour cette explication, vraiment trop ingénieuse, la Reine Mère s’éteignit en 1666, dans la retraite, et personne, quinze ans plus tard, ne pouvait plus songer à rappeler son souvenir en Amérique...

Le nom de Louis se prête d’ailleurs assez mal à la formation de nombreux dérivés, et iane constitue simplement une désinence particulièrement sonore. Bougainville, quand il voulut baptiser un archipel voisin de la Nouvelle-Guinée en l’honneur de Louis XVI, dut se contenter de Louisiade, nom certainement moins euphonique.

L’orthographe de Louisiane resta longtemps fort incertaine. Cavelier de La Salle écrivait Louysiane ; le Père Hennepin imprima Loüisiane et inscrivit même sur la carte d’un de ses ouvrages : Louisiaene ; Henry de Tonty et d’autres auteurs employèrent Louisianne ; enfin, quand les Conseils du Roi finirent, en 1712, par admettre définitivement ce nom, presque toutes les lettres patentes et arrêts portèrent Louizianne pendant dix ans. On trouve même, aux Archives du Ministère des Affaires Etrangères et dans celles des Colonies, divers Mémoires, pourtant très correctement rédigés, où les noms étranges de L’Alouisianne, ou de L’Allouisiane, se détachent en belles majuscules. Le géographe Homann, de Nuremberg, grava sur plusieurs de ses cartes de l’Amérique le nom savant de Ludoviciana, et le Pape Innocent XI accorda divers privilèges aux Récollets chargés d’établir une mission « in insula vulgo dicta Luisiana in America. »

Découverte de la Louisiane par Cavelier de La Salle

Découverte de la Louisiane par Cavelier de La Salle

Ce terme d’île, appliqué à la Louisiane, a toujours paru une énigme ; son explication semble pourtant assez simple. Le décret de la Congrégation de la Propagande du 8 janvier 1685, et le Rescrit pontifical du 12 mai suivant, s’étant évidemment bornés à reproduire les termes mêmes de la Requête en faveur des Récollets français présentée par le cardinal d’Estrées. Or, l’éminent prélat avait précisément, pour secrétaire à Rome, l’abbé Bernou, un des plus fidèles amis de La Salle. Si cet excellent géographe, qui appelait la Louisiane « son diocèse », transforma en île la contrée du Mississipi, ce fut, tout simplement, pour des raisons diplomatiques.

Profitant de ce que La Salle venait de partir pour les Antilles, Bernou réussit, par l’emploi du terme d’île, à dérouter complètement la Congrégation de la Propagande, qui, sans pareil subterfuge, n’aurait certainement jamais accordé à des religieux français la permission de s’établir dans une contrée relevant, au moins théoriquement, du roi d’Espagne. En 1701, Philippe V eut bien soin, quand il protesta contre l’établissement des Français à l’embouchure du Mississipi, de rappeler la célèbre Bulle du Pape Alexandre VI. L’opposition de l’évêque de Québec contre la délivrance de pouvoirs spéciaux aux Récollets accompagnant La Salle, dut certainement confirmer la Cour pontificale dans l’idée que la Louisiane dépendait bien du Canada, et le pape Innocent XI les accorda, sur la remarque du cardinal d’Estrées « que la .distance des lieues était de neuf cents ou mille lieues, depuis Québec ».

Le nom de Louisiane, fort à la mode en 1683, disparut ensuite presque complètement pendant vingt-cinq ans. Le désastre de la dernière expédition de La Salle, suivi des hâbleries du Père Hennepin, durent inciter les ministres à ne pas mêler le nom du roi à des tentatives, non seulement hasardeuses, mais qui devaient encore susciter fatalement la jalousie de l’Angleterre et provoquer des réclamations de la part de l’Espagne. Si la Description de la Louisiane put paraître, en 1683, avec ce titre, c’est que la contrée, décrite sous ce nom, se réduisait encore à une région septentrionale, située entièrement à l’occident du Canada.

On chercherait en vain le nom de Louisiane dans les Instructions remises à La Salle en 1684, et toutes celles données à d’Iberville, de 1698 à 1702, parlent uniquement de « l’Establissemenl » ou de la « Colonie du Mississipi. » Malgré cette indifférence diplomatique, Louis XIV n’oublia pourtant jamais complètement sa filleule, et on trouve même le nom de Louysiane employé une fois dans les instructions remises aux plénipotentiaires chargés de négocier la paix de Ryswick.

Les géographes se trouvèrent, assez longtemps, fort embarrassés pour donner un nom à la colonie fondée par d’Iberville. La Louisiane resta encore quelques années sur les cartes une province essentiellement canadienne, et la Floride continua même à voisiner avec le Nouveau-Mexique ; Nicolas de Fer, en 1702, Guillaume de L’Isle, en 1703 marquent encore le nouvel établissement français situé en plein territoire espagnol ! D’autres cartographes, tel Mathieu Scutter, préférèrent, dans le doute, inscrire les deux noms de Louisiane et de Floride placés exactement l’un sous l’autre.

De Fer publia, à la fin de 1702, une nouvelle carte, et, sur celle-ci, le « Canada ou Nouvelle-France » atteint la Mer de Floride, mais la Louisiane ne dépasse pas encore la rive droite de l’Ohio. En 1712, la Louisiane du Père Hennepin n’existait plus, et Antoine Crozat reçut la concession « du pays connu à présent sous le nom de Louisiane ». Les lettres patentes du 14 septembre sont un des très rares documents de cette époque où le nom de la nouvelle colonie se trouve écrit correctement, mais, sans doute à cause de cette reconnaissance un peu tardive, le Mississipi resta longtemps bien plus connu en France que la Louisiane. Le grand fleuve attira sur lui la malédiction des actionnaires de la banque de Law, et Dumont de Montigny intitula encore son étrange poème didactique, terminé seulement en 1712, Les Etablissements du Mississipi. Louisiane, incontestablement, aurait été plus poétique !

Louisiane semble, en effet, un fort joli nom ; et notre ancienne colonie l’, peut-être, échappé belle s’il fut, à un moment, véritablement question d’appeler Manitoumie la région du Mississipi. Une très ancienne carte, conservée à la Bibliothèque Nationale, porte pour titre : Carte de la Nouvelle découverte que les Pères Jésuites ont faite en l’année 1679, et continuée par le Père Jacques Marquette de la mesme compagnie, accompagné de quelques François en l’année 1673, qu’on pourra nommer en françois la Manitoumie, à cause de la statue qui s’est trouvée dans une très belle vallée et que les Sauvages vont reconnoître pour leur divinité qu’ils appelait Manitou, ce qui signifie Esprit ou Génie.

Marquette fut, il est vrai, extrêmement frappé, peu après avoir dépassé le Missouri, par l’aspect de « deux monstres en peinture » dont il nous a laissé une description terrifiante ; pourtant le très pieux missionnaire qui voulait donner au Mississipi le nom de Rivière de la Conception, n’a jamais dû songer à désigner les contrées qu’il découvrit du mot trop païen de Manitoumie. Chaque sauvage d’ailleurs possédant selon Marquette un manitou particulier, il aurait au moins fallu dire : Le pays des Manitous.

Robert Cavelier de La Salle

Robert Cavelier de La Salle

Jolliet inscrivit successivement, sur deux de ses premières cartes, les noms de Colbertie ou Amérique occidentale et de Frontenasie ; seulement ces termes désignaient uniquement la région de la rive gauche du Mississipi, comprise entre le Wisconsin et la Rivière des Illinois, contrée qui resta toujours beaucoup plus canadienne que louisianaise. Jolliet attribua en même temps le nom de Divine, surnom de la Comtesse de Frontenac, à la Rivière des Illinois ; mais le Gouverneur, en mari peu galant, trouvant sans doute inutile de perpétuer le souvenir de sa femme en Amérique, changea le nom en L’Oulrelaise. Mme de Frontenac et Mlle de L’Outrelaise, amies inséparables, donnaient alors le ton à Paris, et leur entourage les traitait de « Déesses ». « Elles exigeaient, dit Saint-Simon, l’encens comme Déesses, et ce fut, toute leur vie, à qui leur en prodiguerait. » Le duc ajoute ailleurs : « Frontenac préféra vivre et mourir à Québec, plutôt que de mourir de faim ici, en mortel, auprès d’une Divine. »

Une belle œuvre, dénuée de titre, semblant toujours incomplète, Cavelier de La Salle se garda bien de commettre l’oubli de Marquette, et suivit, au contraire, l’exemple des auteurs qui arrêtent le titre de leur ouvrage avant d’en avoir écrit la moindre ligne. Dès que le programme de ses explorations se trouva tant soit peu fixé dans son esprit, le futur découvreur s’empressa de baptiser du nom de Louisiane les contrées avoisinant les Grands Lacs et toutes celles où le conduiraient un jour le courant du Mississipi ou les flots de la mystérieuse Chukagua.

La Salle alla même encore plus loin ; et du simple titre de ses découvertes, encore extrêmement conjecturales, prétendit tirer un bon titre de propriété sur des milliers et des milliers de lieues carrées. D’après lui, son domaine particulier s’étendait déjà, en 1681, sur toute la région avoisinant le lac Michigan, et il s’éleva avec violence contre une demande de concession faite par Jolliet, qui avait pourtant découvert, six ans avant lui, la Rivière des Illinois. L’indignation de La Salle, possédant lui-même un poste clandestin de traite à la baie des Puants, éclata également d’une façon fort bruyante à la nouvelle que Greysolon du Lhut, « un déserteur », imitait son exemple dans le pays des Sioux.

Du Lhut avait commis aux yeux de La Salle un véritable acte de brigandage en se permettant de découvrir toute une partie de la contrée des Sioux un an avant l’arrivée du Père Hennepin, et en plantant les armes du roi, dès le 2 juillet 1679, au village des Isatis. La Salle ignorait alors que du Lhut se livrait à la traite, non seulement pour son compte, mais encore pour celui de Frontenac.

Le Père Hennepin, malgré les diverses insinuations qu’il lança, ne prit, très certainement, aucune part au baptême de la Louisiane, et La Salle, à qui revient l’honneur de sa découverte, peut être considéré comme le parrain de la vallée du Mississipi. Nous ajouterons cependant, à titre de conjecture, que l’abbé Bernou, « agent » et conseiller géographique de l’intrépide explorateur, pourrait bien avoir suggéré le choix du nom ; c’est en effet dans une lettre écrite le 22 août 1681 en réponse aux conseils et aux questions de Bernou, que La Salle employa pour la première fois dans sa correspondance le nom de Louysiane ; et le savant ecclésiastique semblait déjà connaître ce nom, en France, à la même époque.

L’abbé Bernou, en utilisant la correspondance de La Salle, rédigea, après l’avoir développée, corrigée et entièrement refondue, une Relation des Descouvertes et des voyages du sieur de La Salle, seigneur et gouverneur du fort Frontenac, au delà des grands lacs de la Nouvelle-France, faite par l’ordre de Monseigneur Colbert. 1679-1680-1681. On peut facilement dater l’achèvement de ce très long Mémoire du printemps de l’année 1682, puisqu’il se termine ainsi :« La Salle arriva au commencement d’août à Teyoyagon ; il employa quinze jours à faire transporter tout son équipage sur les bords du lac Taronto, sur lequel il s’embarqua à la fin du même mois d’août de l’année dernière, 1681. » Un post-scriptum ajoute : « On apprendra, à la fin de cette année 1682, le succès de sa découverte qu’il avait résolu d’achever, au plus tard, le printemps dernier, ou de périr en y travaillant. »

Bernou se servit, pour terminer son œuvre, de la lettre datée du 22 août 1681 où La Salle disait : « A l’esgard de la Louysiane — et non Louisiane comme l’a transcrit M. Margry — la bonté du pays et l’abondance qui s’y trouve des choses nécessaires à la vie pourront servir de fonds à un establissement bien plus solide que tous ceux qu’on peut faire en Canada. »

Seulement, ce n’est pas ce passage qu’utilisa Bernou quand il baptisa du nom de Louisiane la région des grands Lacs, mais une simple indication contenue dans une Note géographique, datée du 9 novembre 1680. L’abbé Bernou excellait à présenter avantageusement les découvertes de La Salle, et, au début de sa Relation, qui dut lui demander plusieurs mois de travail, retoucha de cette façon la prose de l’explorateur :

La Salle. « II y a aussi quelques campagnes sèches et de très bonnes terres, remplies d’un nombre incroyable d’ours, cerfs, chevreuils et poules d’Inde »

Bernou. « On trouve beaucoup d’autres sortes d’animaux dans ces vastes plaines de la Louiziane ; les cerfs, les chevreuils, les castors, les loutres de y sont communs »

La Salle ne parle pas une seule fois de la Louisiane, ni dans cette Note, ni dans les très longs documents qu’il expédia en France également au mois de novembre 1680 ; Bernou baptise au contraire ces vagues campagnes du nom séduisant de Louiziane, élimine les terres arides, et remplace, prudemment, les ours, bêtes trop féroces, par des castors et des loutres, animaux beaucoup plus appréciés.

Même si l’abbé Bernou ne fut pas le parrain de la Louisiane, il faut, en tout cas, le considérer comme le véritable promoteur de sa découverte. Quand il rédigea son Mémoire sur le projet du Sieur de La Salle pour la descouverte de la partie occidentale de l’Amérique septentrionale, il avait eu soin de préciser : « entre la Nouvelle-France, la Floride et le Mexique. » Ainsi, Bernou, dès le commencement de 1678, assigna à la future Louisiane les frontières mêmes que La Salle devait lui attribuer seulement quatre ans plus tard, et l’abbé pouvait à bon droit écrire, le 11 avril 1684, à une époque où La Salle était en France : « C’est moy qui lui ay donné la pensée du grand dessein auquel il ne songeait pas. » Les conceptions géographiques du futur explorateur étaient, d’ailleurs, avant sa rencontre avec Bernou, extrêmement vagues, et, à son premier retour en France, il se leurrait encore de l’espoir d’atteindre la Chine en suivant le cours de l’Ohio !

La Salle obtint, le 12 mai 1678, « la permission de travailler à la descouverte de la partie occidentale de la Nouvelle-France », et s’embarqua deux mois plus tard pour le Canada ; seulement il commença par se livrer à la traite, et ses projets de découvertes restèrent encore fort imprécis pendant deux ans.

Découverte de la Louisiane par Cavelier de La Salle

Découverte de la Louisiane par Cavelier de La Salle

D’après Margry, l’apparition du nom de Louisiane remonterait à 1679, et il reproduit une donation de La Salle concédant « à François Daupin (...) escuyer, sieur de La Forest et à ses hoirs, successeurs et ayant cause, l’isle appelée Belle-Isle et par les Iroquois nommée Yanouniouen, située à l’embouchure du lac Frontenac [Lac Ontario], entre les deux isles de Kaouenesgoan. » La Salle stipule, entre autres clauses, que La Forest devra « tenir ou faire tenir feu et lieu sur ladite, terre et faire travailler au défrichement d’icelle, dans un an du jour de notre retour du voyage que nous allons faire pour la descouverte de la Louisiane ».

Cet acte, enregistré seulement à Montréal le 11 avril 1682, porte effectivement : « Fait au Fort Frontenac, le 10 juin 1679 » ; néanmoins, cette donation semble avoir été antidatée de deux ans. La Salle, d’abord, ne s’est jamais servi dans sa correspondance du terme de Louisiane avant le mois d’août 1681. Comment expliquer alors, que ce nom, auquel il tenait pourtant beaucoup, ne soit plus réapparu sous sa plume pendant deux ans ? Une autre raison consiste dans la difficulté de comprendre pour quels motifs inexplicables La Forest aurait attendu près de trois ans pour faire valider ses droits de propriété par un notaire royal.

Enfin, La Salle, avant son départ pour les Illinois, écrivit le 22 août 1681 : « C’est pour me débarrasser du soin du fort Frontenac que je suis résolu de le donner à ferme au sieur de La Forest, à qui j’en ai laissé la direction pour cette année. » En 1679, et même l’année suivante, quand La Salle revint à Frontenac, ses projets n’étaient pas encore suffisamment fixés pour qu’il ait pu songer à prendre des dispositions définitives en vue d’une longue absence. Au contraire, ce fut précisément pendant ses séjours à Frontenac et à Montréal, durant les mois de juin et août 1681, que La Salle entreprit de mettre un peu d’ordre dans ses affaires fort embrouillées.

Le 11 août 1681, il légua, pour reconnaître « les grandes obligations (...) et les services signalés » que lui avait rendus son cousin François Plet, « en cas de mort, la seigneurie, propriété de fond et superficie du fort de Frontenac et terres en dépendantes... ». La Salle connaissait la rigueur de ses créanciers, qui ne se gênaient pas pour faire saisir ses marchandises, et prit, pour éviter toute contestation ultérieure sur la propriété de Belle-Isle, l’utile précaution d’antidater sa donation. Le « fidèle » La Forest semble d’ailleurs n’avoir été qu’un simple prête-nom, dont se servit La Salle, pour conserver, quoi qu’il advienne pendant son voyage de découverte, un poste d’observation à proximité de Frontenac. Cet acte présente cependant un grand intérêt pour la Louisiane, car La Salle, s’étant évidemment borné à modifier l’année, la donation fut rédigée le 11 juin 1681, deux bons mois avant la lettre adressée à Bernou. Cette pièce, même postdatée de deux ans, constitue donc le plus ancien document connu où figure le nom de la Louisiane.

Le 9 avril 1682, La Salle prit possession de tout « le pays de la Louysiane. » Par une coïncidence assez singulière, l’acte de concession de Belle-Isle fut « collationné à l’original » le 11 avril 1682 ; ainsi, à plus de cinq cents lieues de distance, le nom de Louysiane se trouvait, simultanément, enregistré d’une manière officielle par Jacques de La Métairie, « Notaire du fort Frontenac, estably et commis pour exercer ladite fonction pendant le voyage de la Louysiane en l’Amérique Septentrionale de M. de La Salle », et par son confrère Rageot, « Notaire royal en la prévosté de Québec ».

Donner de sa propre initiative le nom du roi à une nouvelle contrée ne manquait pas d’une certaine audace, surtout quand on ignorait encore complètement si des Espagnols de la Floride ou du Nouveau-Mexique ne s’y trouvaient pas déjà installés, et une grande circonspection s’imposait incontestablement. Dans sa très longue Relation, Bernou n’employa qu’une seule fois le nom de Louisiane — en quelque sorte à titre de ballon d’essai — et se montra tout aussi circonspect dans son Mémoire pour le marquis de Seignelay sur les découvertes du Sieur de La Salle au sud et à l’ouest des grands lacs, où il introduisit simplement deux fois le terme de Louisiane.

Deux passages d’une lettre de La Salle, datée d’octobre 1682, semblent indiquer qu’il pensait également donner, à cette époque, le nom de Louisiane à l’Ohio : « La Louysiane, dit-il, n’étant pas deux journées du lac Erié qui joint le lac Frontenac, qui est un grand fleuve naviguable avec lequel le fleuve Colbert se mesle (...) Le fleuve Colbert et la Louisiane estant naviguables en barques et sans aucuns rapides, ni saut depuis les lieux voisins des Sauvages qui fournissent les pelleteries au Canada... »

Rappelons enfin pour terminer l’histoire du nom de Louisiane, qu’on rencontre assez souvent, à la fin du XVIIIe siècle, l’expression des Deux Louisianes, et Perrin du Lac intitula son ouvrage, paru en 1805, Voyage dans les Deux-Louisianes. L’une était la Basse, l’autre la Haute, bien plus connue, pendant longtemps, sous le nom d’Etablissement, ou de Gouvernement des Illinois. Il ne faut pourtant pas confondre, malgré la similitude de noms, le Pays des Illinois, situé sur la rivière du même nom et où La Salle construisit les forts Crèvecœur et Saint-Louis, avec les Établissements des Illinois fondés vingt-cinq ans plus tard, sur la rive gauche du Mississipi, un peu en amont de l’embouchure de la rivière de Kaskaskias. Entre le village de ce, nom et celui de Cahokias, Boisbriant construisit, en 1720, le fort de Chartres qui devint, par la suite, le centre d’assez nombreuses concessions.

Aucune délimitation précise ne semble jamais avoir existé entre la Haute et la Basse-Louisiane. La seconde dépendait étroitement de la Nouvelle-Orléans, et nul colon, pendant la domination française, ne se risqua, par crainte des Chikachas, à s’établir entre l’Arkansas et l’embouchure de l’Ohio. Le Page du Pratz proposa même de diviser notre ancienne colonie en trois parties : La Louisiane Méridionale, la Haute et la Contrée des Illinois. « La Haute, dit-il, serait celle où on trouve des pierres, dont les premières se rencontrent entre les Rivières des Natchez et des Yazouts, qui forment un Ecore de grais (grès) très fin, et la bornerons à Manchac où finissent les terres Hautes. La Basse-Louisiane s’étendrait de là, jusqu’à la mer. »

En 1763, la Louisiane perdit son nom français : la partie devenue anglaise prit le nom de Louisiana et les Espagnols donnèrent, trois ans plus tard, à la rive droite du Mississipi celui de Luisiana.

 
 
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