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Du lointain cacao au chocolat adulé

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Coutumes, Traditions
Origine, histoire des coutumes, traditions populaires et régionales, fêtes locales, jeux d’antan, moeurs, art de vivre de nos ancêtres
Du lointain cacao au chocolat adulé
(D’après « Rolet : revue indépendante », paru en 1940)
Publié / Mis à jour le lundi 20 décembre 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Si le conquistador espagnol Hernán Cortés (1485-1547) est le premier qui importa en Europe en 1528 le cacao après sa conquête du Mexique, Christophe Colomb en avait déjà reçu des Aztèques en 1502. Longtemps tenu secret par l’Espagne, le chocolat ne fera son apparition en France qu’au siècle suivant, et devra convaincre le corps médical.

La fève de cacao se distingue au sein du règne végétal par le fait que sa cosse rugueuse, de couleur jaune ou rouge-brun, côtelée ainsi qu’un melon, ne vient pas à l’extrémité des branches mais pousse sur toute la longueur du tronc et à la naissance des grosses branches. Lorsqu’elles sont fraîchement cueillies, ces cosses sont remplies d’une gelée rose, acidulée, au goût délicieux, renfermant un trésor de vingt-cinq fèves environ, un peu plus grosses que des amandes et qui constituent, à proprement parler, le cacao. L’arbre lui-même, qui atteint approximativement la taille de nos cerisiers, se singularise par sa racine pivotante et son feuillage d’un vert vif, contrastant agréablement avec le rose tendre des feuilles naissantes.

La découverte du cacao
Dans un vieil ouvrage espagnol intitulé Histoire générale des nouages et conquêtes des Castillans dans les îles et terre ferme des Indes occidentales, l’auteur Antonio de Herrera écrit : « En 1502, Christophe Colomb se dirigeait vers la côte du Honduras, quand, par le travers des Guanahos, un groupe d’îlots, il aperçut une barque montée par une dizaine d’Indiens. L’adelante (celui qui occupait le premier vaisseau), Barthélemy Colomb, se rendit maître de cette barque qui était chargée de marchandises diverses : couvertures, tapis de coton, hamacs, haches de pierre, etc., et d’un amas de fruits que les sauvages appelaient caca huault et dont ils faisaient grand cas. Aussi bien, dit Herrera, s’en servaient-ils pour composer un breuvage qui leur tenait lieu de nourriture et de boisson. »

Représentation d'Hernán Cortés recevant une boisson au chocolat

Représentation d’Hernán Cortés recevant une boisson au chocolat

Une légende mexicaine raconte que Quatzalcault, le jardinier prophète, rapporta de l’éden où vécurent les premiers « fils du soleil », des semences de cacaoyer, l’arbre par excellence, objet de vénération pour les peuples auxquels il fournissait un aliment divin. Linné, dans sa classification des plantes, semble avoir été au courant de cette légende, quand il donna au cacaoyer le nom de « Theobroma », aliment des dieux.

Chez les Mayas et les Aztèques, la plantation des cacaoyers était toujours accompagnée de cérémonies religieuses, L’arbre et son fruit figuraient comme motifs d’ornementation sur de nombreux temples de l’ancien Mexique et l’on peut encore en voir de curieuses reproductions sur les peintures murales du « Temple de l’agriculture » Tootihuacan.

La façon dont les Aztèques et de nombreux peuples de l’Amérique précolombienne consommaient le cacao, différait complètement de la nôtre. Après avoir fait griller les fèves pour les débarrasser plus aisément de la pellicule qui les recouvre, les Indiens broyaient ces fèves entre deux pierres ou dans des mortiers en bois. Le cacao se trouvait ainsi réduit en une pâte à laquelle les indigènes incorporaient de la farine de maïs (Mexique) ou de la farine de manioc (Colombie, Venezuela, Guyane). Le tout était coloré en rouge avec du « roucou » et assaisonné de force piment. Ce mélange constituait une des bases de l’alimentation populaire.

Les Mayas sont les premiers à cultiver le cacao

Les Mayas sont les premiers à cultiver le cacao

Rien d’étonnant, lorsque l’on connaît ces détails, que les fèves de cacao aient servi, chez ces peuples, de monnaie d’échange. L’unité monétaire était le « countle », valant quatre cents fèves. Les multiples portaient les noms bizarres de « xiquipil », représentant deux cents « countles », soit huit mille amandes et le « carga » équivalant à vingt-quatre mille amandes. La ville de Tabaso payait au roi Aztèque Montezuma un tribut annuel de deux mille « xiquipils ».

De l’usage du cacao
Les Espagnols, après la conquête du Nouveau Monde, gardèrent longtemps secrète la découverte du cacao. L’exportation en fut interdite sous les peines les plus sévères. C’est seulement vers le milieu du XVIe siècle que les conquistadors l’introduisent en Espagne. A cette époque, le cacao que les Espagnols râpaient et faisaient émulsionner dans de l’eau ou du lait bouillants, en y ajoutant du sucre, de la vanille, de la cannelle, voire de l’ambre et du musc, connut, sous le nom de « chocolatl » ou « chocolate », une certaine vogue. Toutefois, il resta l’apanage des grands, en raison de son prix élevé.

Introduit en 1606 à Florence, par Francesco Carletti, le chocolat fit son apparition en France sous le règne de Louis XIII. Mais il fut d’abord considéré comme une « drogue ». Le premier qui en prit (1631) fut, au dire de Bonaventure d’Argonne, le frère aîné du cardinal de Richelieu, Alphonse du Plessis, archevêque de Lyon. Le prélat souffrait, paraît-il, de « vapeurs de la rate » et son médecin Moreau lui prescrivit du chocolat.

La chocolatière. Peinture de Jean-Étienne Liotard (1702-1789)

La chocolatière. Peinture de Jean-Étienne Liotard (1702-1789)

Il fallut une douzaine d’années au chocolat pour passer du domaine médical à celui de l’alimentation. En 1642, le cardinal Mazarin fit venir d’Italie d’habiles cuisiniers pour le préparer. Dix-sept ans plus tard, sanctionnant en quelque sorte son usage, des lettres patentes de mai 1659 concédaient au sieur David Chaliou le privilège « de la fabrication et de la vente du chocolat en pains, tablettes, pastilles, liqueurs, etc. dans toute l’étendue du royaume ».

La « Faculté discute »
Le chocolat, comme le café, eut dans le monde médical ses adeptes et ses détracteurs. Hecquet l’assimilait aux « meilleurs consommés » et Audry en faisait un « remède souverain contre la phtisie et toutes sortes de maux ». D’autres médecins, au contraire, traitaient le chocolat de « poison froid » et l’accusaient de provoquer « l’obstruction des viscères ».

Finalement, le chocolat remporta, en 1661, une éclatante victoire publique. Au cours de la soutenance d’une thèse par Michel Dupont, ces Messieurs de la rue de la Bûcherie approuvèrent les conclusions de l’impétrant, à savoir que « le chocolat est propre à séparer les esprits dissipés et convenable à conserver la santé et à prolonger la vie des vieillards ».

Mais l’obstacle principal à la diffusion de cette boisson était, en réalité, son prix élevé. Le Journal de Dangeau nous apprend à ce sujet, qu’en novembre 1693, Louis XIV fit supprimer, par mesure d’économie, le chocolat qui était servi au cours des réceptions. De fait, aussitôt que la France put recevoir du cacao de ses colonies d’Amérique, le prix du chocolat baissa et sa consommation « monta en flèche ». Les grands comme les humbles purent en prendre et l’on sait que le Régent Philippe d’Orléans déjeunait régulièrement avec du chocolat.

Fèves de cacao séchées

Fèves de cacao séchées

« A vrai dire — raconte un chroniqueur de l’époque — il n’avait pas de « petit lever », afin de ne pas exposer aux regards avides des courtisans, le spectacle de quelque fille de l’Opéra échevelée. Sortant de la chambre, le Régent allait prendre son chocolat dans une grande pièce où l’on allait le saluer. » Cela s’appelait : « Etre admis au chocolat ».

Après de telles références, il semble difficile d’ajouter à la célébrité du breuvage et des friandises de toutes sortes que l’on prépare avec le cacao. Il est toutefois possible de dire, sans excès, que le chocolat est au corps ce que le café est à l’esprit. Par ses albumines spéciales, ses matières grasses, le beurre de cacao et le sucre qu’on lui ajoute, le chocolat fait figure d’aliment complet. Le cacao, on le voit, a vraiment des titres à la place qu’il occupe dans notre alimentation.

Naguère, il avait pour origine les plantations antillaises, guyanaises et de la Réunion. Mais ces « doyennes » de notre ancien empire colonial délaissèrent peu à peu la culture du cacaoyer pour celle de la canne à sucre, le cacao que notre pays consomma par la suite nous arrivant de Madagascar, du Cameroun, du Togo et surtout de la Côte d’Ivoire où la culture cacaoyère connut un essor considérable.

 
 
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