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Lieux d'histoire : Belle-Ile-en-Mer (Morbihan)

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Lieux d’Histoire
Origine, histoire de nos villes, villages, bourgs, régions, châteaux, chapelles, moulins, abbayes, églises. Richesses historiques de France
Belle-Ile-en-Mer (Morbihan)
(D’après « Le littoral de la France », paru en 1892)
Publié / Mis à jour le mercredi 3 février 2016, par LA RÉDACTION
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 

Belle-Ile-en-Mer est située dans l’Atlantique, appartenant géographiquement et administrativement au département du Morbihan arrondissement de Vannes. L’île est la terre insulaire la plus importante de toute la Bretagne et de la France, la Corse exceptée. Les Grands Sables offrent une plage d’au moins douze cents mètres (commune de Locmaria) ; Port-Phillippe, dans la commune de Sauzon, et le Port du Palais, dans la ville du même nom, sont les baies les plus vastes. La dernière est protégée par une citadelle, ouvrage de Vauban, et tout un système de fortifications rendrait bien difficile, sinon impossible, la prise de Belle-Ile.

Belle-Ile n’est pas nommée explicitement par les auteurs romains, bien que, sans conteste, les légions de Rome aient dû y descendre. Leur occupation toutefois, n’a pas laissé de traces considérables. Il n’en est pas ainsi des Celtes ou du peuple constructeur des monuments mégalithiques, dont le séjour se prouve par des tombelles, des retranchements, des dolmens et des menhirs renversés. Sauzon, plus favorisé, a conservé deux belles pierres levées en schiste, et, par conséquent empruntées au sol même de l’île ; les autres ont dû être importées du continent, car elles sont en granit.

Ancienne carte de Belle-Ile-en-Mer

Ancienne carte de Belle-Ile-en-Mer

Les Northmen ne manquèrent pas de ravager Belle-Ile à plusieurs reprises, et il va sans dire que d’autres pirates, surtout des Anglais, imitèrent souvent les hommes du Nord. Le premier acte qui fasse mention de l’île, la nomme Guedel : c’est une charte du duc Geoffroi Ier, lequel, après avoir réuni la Bretagne entière sous son autorité, fait présent de Belle-Ile aux moines de l’abbaye de Saint-Sauveur de Redon (992). Plus tard, Alain III, fils de Geoffroi, ravi de voir son frère Catuallon élu abbé de Saint-Sauveur, confirme à la maison le don de son père. Mais Alain Caignard, comte de Cornouailles, réclama Belle-Ile, en soutenant que son oncle Geoffroi n’avait pas eu le droit de l’en dépouiller pendant qu’il était mineur. Comme peu après, disent les historiens, le comte de Cornouailles rendit à son cousin, Alain III, le service de lui faire épouser Berthe, fille d’Odon, comte de Chartres (1027), les choses s’arrangèrent.

L’île revint à son seigneur légitime, qui la donna à l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé (1029). Ce fut l’origine d’une interminable querelle entre les deux monastères. Il ne fallut pas moins de cent quarante-trois ans, la médiation des ducs, enfin celle du pape, pour trancher le débat. L’an 1172 vit l’abbaye de Sainte-Croix déclarée définitivement propriétaire. Afin de protéger leur nouveau fief, les abbés de Quimperlé firent bâtir un château, lequel, en 1560, fut agrandi et rendu plus fort : on s’y prit, il est vrai, d’une manière bizarre. Le château d’Auray dut être démoli, et ses débris fournirent les matériaux nécessaires. Par les mêmes ordonnances, la vente d’une partie de la forêt de Lanvaux, commune de Grandchamp, près d’Auray, aida aux dépenses.

Toutefois les moines, seigneurs de l’île, n’estimaient pas que leur sûreté fût assez grande. Profitant de ces craintes, le maréchal de Retz offrit l’échange de Belle-Ile contre une résidence sur la terre ferme (1572). Charles IX approuva la convention. Peu après (1573), une grande calamité fondit sur les habitants. Le comte de Montgomery, amiral de la flotte anglaise, envoyé par la reine Élisabeth au secours de la Rochelle, s’empara du Palais, bourg principal, et bientôt de l’île entière. L’occupation dura peu, un mois au plus ; mais elle prouva au roi de France combien la position était importante, Aussi Charles IX obligea-t-il l’abbaye de Quimperlé à tenir la convention faite avec le maréchal de Retz. Ce dernier reçut confirmation de la propriété de Belle-Ile et la défense lui en fut confiée. Charles couronna ses faveurs en érigeant l’île en marquisat.

Un descendant de Retz, Paul de Gondi, le fameux frondeur, coadjuteur de l’archevêque de Paris, vint se réfugier à Belle-Ile après sa fuite du château de Nantes. De là il se retira en Espagne. Ce même Gondi, devenu cardinal de Retz, consentit à vendre Belle-Ile au surintendant Fouquet pour environ quatorze cent mille livres, monnaie du temps. Fouquet acheva ce que son prédécesseur avait commencé, c’est à dire l’agrandissement des fortifications du Palais.

La citadelle, construite sous la direction de Vauban

La citadelle, construite sous la direction de Vauban

Ce n’était pas assez et les Hollandais le firent bien voir. En 1664, une flotte commandée par le célèbre amiral Tromp vint mouiller aux Grands-Sables (commune de Locmaria). Vainement, il est vrai, le gouverneur fut sommé de se rendre. Tromp ne réussit pas à l’intimider ; mais pendant plusieurs jours, Belle-Ile, ravagée, vit brûler ses hameaux, massacrer ses habitants et détruire ses navires. On parla beaucoup alors de fortifications nouvelles. Toutefois ce fut seulement en 1687 que Vauban reçut ordre de mettre l’île en un état de défense capable de résister à d’autres attaques. Cinq ans après, la citadelle était achevée, les fortifications et la magnifique aiguade de Port-Larron construites.

La ville, jusqu’alors divisée en haute et basse Boulogne, se trouva heureusement modifiée, mais ne put songer à se développer davantage. La disgrâce de Fouquet n’avait pas été absolument complète, en ce sens que Louis XIV ne lui enleva pas tous ses fiefs. Sa famille conserva Belle-Ile pendant soixante ans, et ce fut son petit-fils, le maréchal de Belle-Ile, qui accepta un échange avantageux avec la couronne (1719). Quarante ans plus tard (1759), la jouissance des revenus de Belle-Ile passait à la province de Bretagne, jouissance qui fut bientôt troublée : le 7 juin 1761, l’amiral Keppel et le général Hodgson faisaient passer l’île sous le joug anglais.

Le Chevalier de Sainte-Croix avait intrépidement défendu la place confiée à sa bravoure, et quand, forcé de la rendre, il dut capituler, ce fut avec tous les honneurs de la guerre. On trouve dans la relation du siège un épisode original. Apprenant que plusieurs dames anglaises étaient sur la flotte, curieuses d’assister aux opérations de la prise d’une ville, Sainte-Croix envoya prévenir Keppel que « si les charmantes ladies, qu’il avait à bord, et qui lorgnaient la place, désiraient voir celle-ci de plus près, elles pouvaient, sans risque aucun, se faire conduire à terre ; qu’il ferait de son mieux pour les amuser, et qu’il leur donnerait même le bal ». Cette courtoisie ne fut pas acceptée et le chevalier aussi galant que brave dut céder à la force. Deux ans durant, l’Angleterre resta maîtresse de sa conquête. Depuis lors (1763), Belle-Ile n’a pas subi de nouvelle invasion.

Le port du Palais

Le port du Palais

Jadis l’île ne comptait qu’une seule commune, Le Palais, dont dépendaient les trois bourgs de Sauzon, de Bangor et de Locmaria. Le Palais est devenu une véritable petite ville, fort bien à l’extrémité d’une jolie vallée aboutissant à la mer. Elle se déploie sur la rive droite de son bassin profond et fait escalader à ses rues la croupe d’une colline escarpée. Les fortifications de Vauban l’enserrent. Une superbe porte peut fermer l’accès de la campagne. Une citadelle, bâtie sur la crête des rocs dominant la côte et le port, plane à une immense hauteur au-dessus de l’Océan.

C’est l’une des séductions du Palais que la belle verdure dont les yeux charmés rencontrent de tous côtés la note gaie, reposante. La principale rue possède de fort agréables plantations. L’esplanade de la citadelle donne en été la plus délicieuse promenade ; le chantier de construction semble se perdre au milieu d’une forêt touffue. Faisant face au continent, cette partie de la côte, mieux abritée, est aussi plus favorable à la végétation ; mais l’industrie des habitants pourrait tirer un meilleur parti du sol. Une plantation dépend des terres de la Colonie agricole et maritime de Belle-Ile, dite encore Ferme modèle de Bruté. Quatre cents enfants y sont reçus dans les conditions imposées à la colonie de Mettray (la colonie, devenue par la suite indépendante de l’administration pénitentiaire, fermera définitivement ses portes en 1977).

Bruté, devenu colonie agricole, fut fondé par Jean-Louis-Anne-Stanislas Trochu, officier d’administration en retraite, né à Rennes et mort à Belle-Ile, en 1861. Trochu fit faire, dans le coin de terre qu’il avait adopté, d’immenses progrès à l’agriculture. Victorieusement (a-t-on rappelé sur sa tombe) il a fait mentir le vieux proverbe gardien de la routine : « Lande tu fus, lande tu es, lande tu seras ! » Aussi, de terres couvertes d’ajoncs et de bruyères, a-t-il obtenu de beaux bois, de superbes cultures de toute espèce, de magnifiques prairies.

En 1766, la pomme de terre fut introduite dans l’île, et depuis le travail agricole a toujours été progressant, pour prendre, en ces dernières années, une impulsion désormais assurée. Une note curieuse, empruntée à Ogée, fournira la preuve indéniable de la fertilité de Belle-Ile et de la bonté de son climat : « Le figuier et le mûrier viennent naturellement à Belle-Ile, et y acquièrent un degré de beauté que l’on ne rencontre nulle part ailleurs dans la province ; il serait très facile de les y multiplier. Quelques Provençaux, attirés par la pêche de la sardine, s’étaient fixés dans l’île et, y ayant trouvé beaucoup de mûriers rouges, firent venir des cocons de vers à soie et nourrirent cet insecte des feuilles de mûrier. Cette expérience réussit et ils firent de la soie assez belle pendant plusieurs années.

« M. Fagon, surintendant des finances, forma le projet d’encourager cette branche d’industrie et, en conséquence, il envoya, en 1743, de la graine de mûriers blancs, une instruction sur la culture de cet arbre et l’éducation des vers à soie ; mais des circonstances particulières ayant obligé les Provençaux à sortir de l’île, cet établissement est resté sans exécution. »

Aujourd’hui, on élève du bétail, des chevaux de petite race, mais vigoureux. Le froment est très bon, les légumes excellents, les fruits de bonne qualité, le poisson superbe et exquis.

Le port de Sauzon

Le port de Sauzon

La pêche, naturellement, reste la grande occupation des habitants, soit qu’ils montent les barques, soit qu’ils travaillent dans les fabriques de conserves. Les si nombreux petits havres reçoivent des bateaux pêcheurs ; mais l’hiver est une rude saison pour ces braves gens. Belle-Ile, néanmoins, voit sa population s’accroître, et elle commence à être appréciée comme station estivale, maintenant que la longue traversée par la rivière d’Auray n’est plus obligatoire, et qu’un service fort bien organisé la met, deux fois par jour, en relations avec le continent. Un autre service la rattache aussi pendant l’été avec le Croisic.

Ses deux ports principaux, Le Palais surtout, sont pourvus de bonnes rades, bien défendues. M. Charles de la Touche a avancé que, lors des guerres du premier Empire, « plus de dix mille caboteurs s’y sont réfugiés et, sur ce nombre, à peine vingt furent-ils capturés par l’ennemi. C’est donc au moins deux cents millions de valeurs commerciales que Belle-Ile a abrités, en estimant chaque bâtiment et sa cargaison à vingt mille francs. »

Les noms de famille indiquent que l’île a été repeuplée, après les invasions normandes, par des Celtes venus de Basse-Bretagne et par des Français venus du Croisic, où les habitants de Locmaria ont longtemps conservé des relations de parenté. Ces familles primitives ne sont pas au delà d’une vingtaine : d’où il résulte que tel nom patronymique est porté par quatre ou cinq cents individus. Belle-Ile compte environ dix mille habitants. La population agglomérée du Palais est de deux mille deux cent trente-sept ; sa population éparse, de deux mille cent trente-neuf, parmi laquelle rentrent un bataillon formant la garnison, les quatre cents enfants de la colonie agricole et les insulaires de Houat et de Hoedic, les premiers au nombre de deux cent cinquante-et-un ; les seconds, de trois cent vingt-six. Les trois autres communes : Bangor, Sauzon, Locmaria, se partagent le reste de la population, dispersée en une foule de petits hameaux, ayant chacun son nom et comme son individualité particulière. Tout s’y présente bien tenu : les maisons, recrépies avec soin, aux vitres brillantes, aux petits rideaux toujours très blancs, ont un cachet d’aisance en harmonie avec le costume propre, l’air intelligent, doux, aimable de leurs habitants.

La campagne entière ressemble à un immense plateau, sillonné par un très grand nombre de vallons ouvrant presque tous sur la mer, où ils forment des criques, des baies utilisées pour les barques de pêche côtière. Plusieurs de ces vallons aboutissent à un petit cirque encaissé par de belles prairies toujours vertes. Quelques-uns, laissés à eux-mêmes, sont couverts de la seule herbe courte et veloutée, tapissant les falaises jusqu’à l’extrême limite des flots. D’autres, cultivés jusqu’aux derniers points de leurs pentes rapides, de leurs sommets arrondis, sont ou largement disposés pour recevoir l’air et la lumière, ou étroitement encaissés dans leurs parois élevées.

L’un des plus beaux de ces paysages est la vallée de Bangor, toute bruissante du joli ruisseau qui la baigne, tout embaumée de ses bois, de ses vergers, de ses champs. Sur la haute cime dominant ce ravissant Éden, le bourg, placé au milieu de vastes jardins, groupe ses maisons autour de la plus ancienne église de Belle-Ile. Un vieux tableau constate que, dans la seconde année du onzième siècle, l’abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé y avait institué une mission. C’est aussi le bourg de Bangor qui possède l’un des plus beaux monuments de Belle-Ile, le phare de première classe bâti en 1835 par l’ingénieur en chef Alexandre Potel. Les pierres durent être apportées du continent, le pays ne fournissant que du schiste.

Les aiguilles de Port Coton

Les aiguilles de Port-Coton

Belle-Ile abonde en sites charmants et pittoresques : Les Roches de Sauzon se prolongent dans la mer, comme autant de pierres jetées pour faciliter le passage d’un gué. La Pointe-aux-Poulains, éclairée par un phare bâti sur un îlot, et défendue par une petite redoute, est célèbre dans l’île, à juste titre, par ses rocs bizarres, arrondis en arche ou ciselés de manière à donner le profil inattendu d’animaux fantastiques tel le rocher du Lion, regardant la falaise. La grotte de l’Apothicairerie, assez vaste et belle, a pris son aura de la grande quantité de nids d’oiseaux marins, symétriquement rangés, qu’elle renfermait au moment de sa découverte.

La jolie grotte de Port-Coton voit les flots se diviser sous sa voûte et son sol rugueux. Port-Goulfar, sur la côte de Bangor, présente le plus intéressant amoncellement de roches jetées en forme de menhirs ou de dolmens édifiés par la vague toujours turbulente. La Belle-Fontaine, ou aiguade Vauban, ou aiguade de Port-Larron a été construite, par le célèbre maréchal, dans un amoncellement de blocs superbes. Le réservoir, sous les robinets duquel des chaloupes peuvent venir emplir directement leurs pièces, ne contient pas moins de huit à dix mille hectolitres d’une eau excellente, que les plus grandes sécheresses ne parviennent pas à tarir, elles n’en diminuent pas même sensiblement le volume. Le Gros-Rocher porte les ruines d’une ancienne forteresse et la côte de la rade du Palais est toute crevassée de petites grottes, toute brodée de grèves minuscules extrêmement attrayantes.

Parmi les souvenirs dont la grande île bretonne est fière, car ils témoignent du courage et du patriotisme de ses enfants, figure la remise, à la ville du Palais, de trois drapeaux d’honneur donnés par Louis XV.

 
 
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