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8 avril 1882 : mort de l'historien et archéologue Jules Quicherat

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8 avril 1882 : mort de l’historien
et archéologue Jules Quicherat
(D’après « Jules Quicherat. Notice lue à la Société d’émulation
du Doubs le 13 mai 1882 » (par Auguste Castan), paru en 1882)
Publié / Mis à jour le dimanche 7 avril 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 6 mn
 
 
 
Plus logicien qu’orateur, Jules Quicherat, qui joua un rôle important dans l’essor de l’archéologie en procédant d’après l’étude directe des monuments et instaura la classification des écoles d’architecture de l’époque romane d’après le mode de construction des voûtes, excellait à observer et à disserter

Né à Paris le 13 octobre 1814, Jules Quicherat appartenait par les origines de sa famille à la Saône-et-Loire. Son père avait quitté la petite ville de Paray-le-Monial pour exercer à Paris la profession d’ébéniste.

Jules dut son éducation à la maison de Sainte-Barbe, alors dirigée par le ferme et bienfaisant Victor de Lanneau, et y suivit les traces de son frère Louis Quicherat, son aîné de quinze ans. Au contact de ce frère si distingué, qui fut pour lui comme un second père, il apprit à aimer les saines jouissances de l’étude et à mettre en pratique les austères principes de la religion du devoir.

Jules Quicherat. Détail d'une lithographie de Tony Toullion

Jules Quicherat. Détail d’une lithographie de Tony Toullion

À la suite de brillantes études classiques, il s’adonna tout à la fois aux recherches d’érudition et à la culture des beaux-arts : le sympathique enseignement du peintre Nicolas-Toussaint Charlet (1792-1845), son maître, l’avait séduit. Il se contenta toutefois de devenir un dessinateur habile et fut admis, en 1835, à suivre les cours de l’École des Chartes : l’enseignement, donné par deux professeurs, était alors limité à la lecture et à l’interprétation des documents d’archives et des manuscrits de bibliothèques.

Sorti en 1837 avec le premier rang de sa promotion, il fut attaché aux travaux historiques de la Bibliothèque royale et alla rédiger des catalogues de manuscrits à Arras, à Metz et à Charleville. Son premier essai en matière d’archéologie fut un exposé sommaire de cette science que lui demanda, pour l’éducation du comte de Paris, Adolphe Regnier, précepteur du jeune prince.

Cependant l’École des Chartes végétait dans l’obscurité ; rien ne se faisait dans le sens de son développement, et des attributions d’emplois avaient lieu constamment au préjudice de ses anciens élèves. Ceux-ci comprirent la nécessité de s’unir pour affirmer leurs droits et en démontrer la légitimité. Ainsi naquirent, en 1839, la Société de l’École des Chartes et la revue d’érudition qui a pour titre Bibliothèque de l’École des Chartes. Ce recueil s’ouvrit par une étude de Jules Quicherat, qui fut, pendant nombre d’années, l’éditeur principal et l’un des plus vaillants collaborateurs de la Bibliothèque.

Grâce à la valeur sérieuse de cet organe, l’utilité de l’École des Chartes ne fut bientôt plus contestée, et le gouvernement put obtenir les crédits nécessaires pour asseoir cette institution sur des bases plus larges. Il était juste que ceux qui avaient été à la peine fussent à l’honneur. Quicherat fut appelé à l’une des chaires nouvellement créées, et, dans la séance inaugurale de cette réorganisation de l’École, le 15 mai 1847, il reçut, de la main du comte de Salvandy, ministre de l’Instruction publique, la croix de chevalier de la Légion d’honneur : il avait alors trente-deux ans et demi.

Pour assurer le succès du nouvel enseignement, il n’hésita pas à accepter une double tâche, celle de professer l’archéologie nationale, qui enfin prenait rang dans le programme de l’École, et celle de faire un cours de diplomatique, c’est-à-dire d’application des points de doctrine qui servent à contrôler l’authenticité des chartes et à en déterminer les espèces. Dans ces deux ordres de connaissances, son enseignement fut la distinction même.

La critique, « cette faculté si française », comme il l’a dit lui-même, eut également une grande part à l’œuvre si puissamment personnelle de son cours d’archéologie. Avant lui, on considérait l’arc aigu comme l’élément caractéristique de l’architecture dite ogivale. Quicherat fit voir que l’arc aigu, fort improprement appelé ogive, existait déjà dans quelques constructions de la période romane, et que l’architecture subséquente avait dû sa légèreté distinctive à l’emploi de l’arc-boutant qui permettait d’isoler les contreforts de la masse de l’édifice.

La sagacité ne brille pas d’un moindre éclat dans la savante publication des Procès de condamnation et de réhabilitation de Jeanne d’Arc, qu’il fit sous les auspices de la Société de l’histoire de France, de 1841 à 1849. En éditant ce recueil de tous les documents qui se rapportent à Jeanne d’Arc, Jules Quicherat donnait une base sérieuse au culte, national entre tous, qu’il professait lui-même pour l’immortelle libératrice de la France.

Possédant une grande disposition à semer le grain des connaissances utiles, Quicherat n’avait pu manquer d’être associé à l’œuvre du Magasin pittoresque. En effet, il publia dans ce recueil une longue série d’articles, à la fois descriptifs et anecdotiques, sur l’Histoire du costume en France. Ces articles, profondément remaniés, constituèrent le beau volume qui servit de prétexte à une manifestation des plus honorables pour lui. Il n’appartenait pas à l’Académie des inscriptions et belles-lettres, bien qu’il y eût une fois posé sa candidature, sans avoir jamais consenti à renouveler cette tentative.

Si le titre de membre de l’Institut lui manquait, l’Académie des inscriptions et belles-lettres, à laquelle il manquait aussi, voulut, suivant la délicate expression de l’historien et bibliothécaire Léopold Delisle (1826-1910), « se consoler, en quelque sorte, de ne point le compter parmi ses membres. » Ce corps illustre avait à décerner pour la première fois, en 1880, le prix de 10 000 francs, fondé par la veuve de Jean Reynaud. « Nous n’avons pas hésité, déclarait Edmond Le Blant, président de l’Académie, à le décerner à l’un des plus éminents représentants de la science française, M. Jules Quicherat. Dans le cours des cinq dernières années, ce célèbre érudit a publié deux ouvrages, qui justifieraient par eux-mêmes le choix de l’Académie et qui font revivre les titres si nombreux et si considérables que l’auteur, depuis plus de quarante années, s’est créés à l’estime du monde savant. »

En même temps que les maîtres de l’érudition française tressaient pour lui cette brillante couronne, ses camarades de l’École des Chartes, pour la plupart ses anciens élèves, lui préparaient une véritable ovation. « Appelé à diriger l’École des Chartes en 1871, Jules Quicherat, disait Léopold Delisle, se révéla administrateur de premier ordre. Quel admirable parti il sut tirer de ressources dérisoirement insuffisantes ! Quel génie inventif ne lui a-t-il pas fallu déployer pour organiser un enseignement si complexe dans un local si obscur et si exigu, pour y introduire chaque année des innovations si bien combinées, et pour y rassembler des collections si diverses et parfois encombrantes... ? Il n’est pas étonnant, ajoutait Delisle, qu’une direction si féconde. en résultats lui ait concilié au plus haut degré la confiance des ministres, l’amitié et l’estime de ses collègues, le respect et la reconnaissance de ses élèves. »

Ceux-ci donc s’entendirent pour présenter au maître un témoignage de respectueuse affection, offert en commun par toutes les générations de l’École. Le symbole choisi fut une charmante réduction de la statue équestre de Jeanne d’Arc, dont l’auteur, Frémiet, s’était inspiré des travaux et des conseils de Quicherat. « Non, répondit le maître avec émotion, vous ne vous êtes pas trompés en pensant que je serai heureux de posséder l’image de cette femme, de cette noble créature, à laquelle j’ai voué un véritable culte : car elle est pour moi l’image de la patrie, la personnification de tout ce qu’il y a de généreux, de grand, d’impérissable dans le cœur de la France. »

Quicherat s’est dévoilé tout entier dans ces quelques mots, et c’est à bon droit que Jules Ferry leur a donné cet éloquent corollaire : « La flamme de cette vie savante et laborieuse, de cette existence d’un moderne bénédictin, c’était l’amour de la patrie française, de cette patrie qu’il avait entrevue dès la fin du Moyen Age dans la figure héroïque et touchante de cette vierge d’Orléans, à laquelle il a élevé, par la force de son érudition et l’accumulation de ses travaux, un monument indestructible. » (Discours de clôture du congrès de la Sorbonne, prononcé le 15 avril 1882)

Entre les diverses formes de gouvernement, Quicherat préférait les institutions républicaines. Comme il en avait de longue date souhaité l’avènement, on eût trouvé naturel qu’il bénéficiât d’un régime dans lequel bon nombre de ses amis occupaient les premiers emplois. Mais de longue date aussi sa conscience l’avait prémuni contre de pareilles séductions. Il eut de l’influence, mais il n’en usa qu’à son corps défendant et toujours en croyant protéger des intérêts respectables. Pour lui-même, il n’accepta que des honneurs sans profit ou des titres qui correspondaient à de graves et laborieux devoirs.

Au Conseil supérieur de l’instruction publique, à la Commission des monuments historiques, à la Commission des archives, à celle des voyages et missions, il eut souvent lieu de maudire la confiance que ses collègues mettaient en lui, car les obligations qui résultaient de cette confiance l’empêchèrent de conduire à bonne fin deux grands travaux qu’il laissa inachevés, une Histoire de l’industrie de la laine et ce Cours d’archéologie « qui, à coup sûr, disait un Léopold Delisle, aurait été l’une des œuvres les plus remarquables de l’érudition française au dix-neuvième siècle. »

L’austérité de l’homme public n’était chez Quicherat que le contrepoids d’une tendresse de cœur qui, sans cette précaution d’équilibre, eût été peut-être excessive. Dans les relations amicales, sa sensibilité régnait sans partage, et les épanchements en étaient exquis. C’était avec cette disposition charmante qu’il venait chaque automne s’installer pour un bon mois dans ce logis patriarcal de la banlieue de Besançon, en compagnie des vivants souvenirs de l’excellent Delacroix dont il avait tant aimé l’intelligente bonhomie.

Buste de Jules Quicherat par Jean Petit (1885), dans le hall de l'École des chartes

Buste de Jules Quicherat par Jean Petit (1885), dans le hall de l’École des chartes

Tout entier aux ébats champêtres, il se réconfortait en contemplant les montagnes et en savourant la jouissance d’une entière liberté. Il se préparait à regagner cette Grange-Huguenet, qui lui avait toujours été propice, quand l’affection dont il était atteint prit une marche foudroyante et l’enleva le 8 avril 1882, à l’âge d’à peine soixante-sept ans et demi.

Besançon ayant été l’objet de son dernier désir, c’était réjouir sa mémoire que de confier à un sculpteur originaire de cette ville le soin de reproduire ses traits. Ainsi pensa le savant directeur général des Beaux-Arts, en suite de l’initiative prise par l’historien de l’art Louis-François Nicod de Ronchaud (1816-1887), dont Jules Quicherat était l’ami.

Jules Quicherat était d’une taille et d’une corpulence moyennes, sa carnation était brune. Il avait la tête ronde, le crâne modelé, les traits du visage un peu gros, les yeux franchement scrutateurs, la bouche gauloisement railleuse. Le jeu de sa physionomie faisait songer aux portraits de Rabelais et de Montaigne. Sa parole était incisive, et sa conversation comme ses lettres abondaient en piquantes saillies. Son style avait plus de relief naturel que d’élégance cherchée ; l’emploi du lieu commun en était exclu. Il se passionnait aisément pour ce qu’il croyait être le vrai, mais sa polémique fut toujours loyale.

De ses impressions d’enfance, il lui restait une certaine timidité qui avait parfois l’apparence de la rudesse. Trop élevé de sentiments pour être vaniteux, trop sincère pour être absolument modeste, il ne fit jamais lui-même et ne laissa faire par personne l’étalage de ses grandes et belles qualités : de sorte que ses seuls amis purent rendre témoignage des ressources infinies de cette probe et généreuse nature. En effet, Jules Quicherat était plus qu’une vaste intelligence, mieux qu’un digne caractère ; il était surtout une droite et forte conscience.

 
 
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