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6 juin 1820 : condamnation de Louvel, meurtrier du duc de Berry

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6 juin 1820 : condamnation à mort
de Louvel, meurtrier du duc de Berry
Publié / Mis à jour le mardi 4 juin 2013, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 

Ce Ravaillac politique fut arrêté une minute après avoir frappé le duc de Berry, et au moment où il s’enfuyait dans la rue de l’Arcade-Colbert. Le lendemain, une ordonnance royale institua la Chambre des Pairs en cour des Pairs, pour procéder sans délai au jugement de Louvel. Ainsi l’illustre rang de la victime fit rejaillir son éclat sur l’obscurité du meurtrier, dont le procès fut instruit avec les formes les plus solennelles, les plus authentiques, et le crime jugé par la plus haute magistrature du royaume. La cour se rassembla immédiatement. Bellart, procureur général, déposa sur le bureau un réquisitoire concluant à ce qu’il fût procédé à l’instruction du procès. Le chancelier d’Ambray, président de la cour, commit pour l’assister dans cette instruction deux pairs de France : le baron Séguier, premier président de la cour royale de Paris, et le comte de Bastard, premier président de celle de Lyon.

Le crime n’était que trop avéré ; l’assassin, loin de nier son forfait, semblait en tirer vanité ; vingt-quatre heures pouvaient suffire pour envoyer Louvel à l’échafaud ; mais une haute prudence commandait auparavant les investigations les plus suivies, les plus scrupuleuses pour s’assurer s’il n’avait pas des complices. On était malheureusement en droit de lui en supposer, et sans parler du fanatisme d’opinion, des diverses haines ou affections enfantées par la Révolution, l’Empire, la Restauration et les Cent-Jours, quelques circonstances particulières au crime de Louvel devaient faire penser qu’il n’avait pas été seul à conspirer contre la vie du prince.

Louis-Pierre Louvel

Louis-Pierre Louvel

Par exemple, il avait, à l’Opéra même, répondu à de Clermont-Lodève, qui lui demandait vivement ce qui avait pu le porter à un pareil attentat : Ce sont les plus cruels ennemis de mon pays. Dans ce même moment, la porte d’un corridor assez éloigné s’étant fermée avec un bruit sourd et prolongé, Louvel avait dit aussitôt : C’est le canon, je crois. On apprit aussi qu’il avait fait un voyage à l’île d’Elbe, et qu’il était enthousiaste de Napoléon. Un des hommes qui l’avaient arrêté et fouillé déclarait avoir trouvé dans ses poches quelques papiers liés et roulés, qui, ayant été posés sur une tablette, en avaient disparu. De plus, un homme, qui n’était pas Louvel, avait accosté un soldat de la garde royale qui devait être et fut en effet de faction à l’heure où le prince sortit de l’Opéra, et lui avait proposé de boire du rhum.

Près de quatre mois furent employés à recueillir les témoignages, les renseignements, les bruits ou indices les plus légers et les plus minutieux. Enfin, la cour, après avoir entendu un volumineux rapport de Bastard, et un nouveau réquisitoire très étendu de Bellart, rendit un arrêt de mise en accusation contre Louvel seul. Archambault et Bonnet, bâtonniers de l’ordre des avocats de Paris, avaient été nommés d’office pour défendre l’accusé. Celui-ci leur dit, en les voyant entrer dans sa prison : Messieurs, je m’en rapporte entièrement à vous : d’ailleurs, il y a bien peu de chose à dire. On m’a signifié l’acte d’accusation, je l’ai trouvé bien. Je crois que vous en serez contents. Lundi on me mettra en jugement ; mardi je serai condamné... Hé bien ! tout pourra être terminé mercredi.

Le 5 juin, il fut conduit de sa prison au palais du Luxembourg. En traversant la salle qui précède celle des séances, il remarqua la mollesse du tapis qui couvrait le parquet, et dit à ses conducteurs : Quel bon tapis ! si j’en avais eu un comme celui-là dans ma prison, je n’aurais pas si souvent été réveillé par les grosses bottes des gendarmes. Il entra d’un pas assuré dans l’enceinte redoutable où on allait décider de sa vie, promena ses regards sur l’assemblée sans émotion apparente, et alla prendre place entre ses deux respectables défenseurs. L’historien de son procès nous a laissé de Louvel le portrait suivant (Recueil des causes célèbres, publié par Maurice Méjan) :

« Ses yeux sont petits et renfoncés, ses lèvres minces, sa bouche grande, fermée habituellement, serrée même et se contractant souvent ; la tête presque chauve, la physionomie presque immobile, car ses yeux étincelants et durs, qui pourraient l’animer, sont à peine aperçus des personnes qui en sont éloignées ; il a une barbe noire et épaisse ; il est d’une pâleur extrême ; il est vêtu d’une redingote bleue, boutonnée jusqu’au cou ; il a une cravate noire. Son air et son maintien semblent annoncer un homme d’une profession plus relevée que la sienne ; il porte souvent la main à sa bouche et à son menton. »

Voici le résumé de ses réponses aux questions qui lui furent adressées par le chancelier et plusieurs pairs, durant les deux séances des 5 et 6 juin : « Je m’appelle Louis-Pierre Louvel, je suis né à Versailles. Mon état est celui de sellier. J’ai trente-sept ans. J’ai assassiné le duc de Berry. Je reconnais le poignard dont je l’ai frappé, et que j’ai fait fabriquer à la Rochelle. J’ai ôté la vie au duc pour détruire la race, la souche. Je n’avais aucun motif particulier de haine contre lui. J’ai conçu mon projet dès 1814. Je suis allé à Calais pour essayer de tuer le Roi ou quelqu’un de la famille. J’ai voyagé à Fontainebleau, ensuite à l’île d’Elbe. Je cherchais à me distraire de ma pensée. Je me demandais si j’avais tort ou raison. A l’île d’Elbe, je ne me suis lié avec personne de la maison de Bonaparte. Je l’ai rencontré à Lyon. Plus tard je l’ai suivi à la Rochelle. Après les Cent-Jours, je suis entré dans la sellerie du Roi.

« Je n’ai pas pu abandonner mon projet. Je n’en ai parlé à personne et n’ai reçu aucun conseil. Je suis catholique, à ce que je crois... tantôt théophilanthrope, tantôt catholique. J’ai appris à lire dans les Droits de l’homme et la Constitution. Si je m’étais sauvé, j’aurais persévéré contre le duc d’Angoulême et tous les autres. J’ai appelé mon projet, horrible, parce qu’elle est toujours horrible l’action d’un homme qui se jette sur un autre pour le poignarder par-derrière. Je ne lisais ni journaux, ni pamphlets. J’avais deux poignards pour mieux réussir. J’ai entendu quelqu’un de la suite du prince donner l’ordre aux voitures de revenir à onze heures. Depuis longtemps je suivais le prince à la chasse ; je savais les jours où il y allait en faisant des questions aux palefreniers ; mais je ne les connaissais pas. Je me suis sacrifié pour la France. »

Louvel avait indiqué la boutique de la Rochelle où il avait acheté son poignard. A l’indication donnée, il se trouva en effet un coutelier, qui parut aux débats. Ni le témoin, ni l’assassin ne se reconnurent. Le coutelier jura qu’il n’avait aucune connaissance de cet outil, et après avoir démanché le poignard, il ajouta : Jamais un ouvrier n’a fait cela : c’est quelque forgeron qui ne sait pas travailler.

Aux débats, on ne put découvrir quelle était la personne qui avait voulu faire boire du rhum à la sentinelle. La circonstance, aussi très grave, des papiers qu’on disait avoir été trouvés dans la poche de Louvel, et qui avaient disparu aussitôt, ne put pas non plus être éclaircie. L’accusé interrogé s’il avait dit : C’est le canon, je crois, nia ce propos, affirmé par le duc de Bellune. Quant à sa réponse : Ce sont les plus cruels ennemis de mon pays, Louvel l’expliqua en ce sens qu’il voulait parler des Bourbons. Enfin, il repoussa vivement tout ce qui pouvait porter l’opinion à lui supposer des complices.

De Nantouillet était au Louvre quand on conduisit Louvel devant le corps de sa victime, et déposa que l’assassin avait reconnu la blessure sans être ému, et en disant : Je ne crains pas la mort ; qu’alors on lui avait parlé de Dieu, et qu’il avait dit : Bah ! Dieu n’est qu’un mot ! Louvel, interpellé à ce sujet, répondit : Oui, je crois l’avoir dit. En définitive, l’instruction de cette immense procédure n’a établi clairement que l’enthousiasme de Louvel pour Napoléon, sa haine pour la famille des Bourbons, son caractère sombre, sa misanthropie, et le fanatisme politique qui lui fit commettre un crime affreux. On n’a trouvé aucun complice à Louvel ; on n’en put découvrir non plus à Jacques Clément, à Jean Châtel, à Ravaillac, à Damiens.

Après l’interrogatoire et la confrontation des témoins avec l’accusé, le procureur général requit contre lui l’application de l’article 87 du code pénal, portant peine de mort. Louvel, pendant ce temps, tint constamment la tête baissée et ne jeta pas un coup d’œil sur Bellart. Bonnet, avocat de Louvel, remplit un devoir pénible en prenant la parole, et, domptant ses sentiments personnels, il soumit à la cour quelques doutes sur sa compétence. « Les pairs, dit-il, sont des juges extraordinaires, d’un rang élevé, dont la compétence est rarement applicable. Elle est définie dans l’art. 33 de la Charte constitutionnelle, qui dit : La chambre des pairs connaît des crimes de haute-trahison, et des attentats à la sûreté de l’Etat qui seront déférés par la loi. »

« Or, y a-t-il dans ce crime haute-trahison ? Il n’a livré ni l’Etat, ni ses secrets, ni ses places. Ce serait dégrader le crime de haute-trahison, si un crime peut être dégradé, que de l’appliquer à l’individu qui est devant vous. » L’avocat parla ensuite d’une maladie que la médecine nouvelle a appelée monomanie, et des instances de l’infortuné duc de Berry, au lit de mort, pour obtenir du Roi la grâce de Louvel.

L’accusé se leva ensuite, et d’une voix faible et entrecoupée il lut quelques phrases écrites par lui, et qui reproduisaient ses diverses réponses. Le procureur général répondit à Bonnet, et persista dans son réquisitoire. Bonnet répliqua. On fit retirer l’accusé. Deux heures après, le chancelier prononça l’arrêt qui condamnait Louvel à la peine de mort. On ne doit pas omettre de rapporter que Louvel, en sortant de la première séance, dit aux gendarmes : « Je suis fort content de la chambre des pairs ; je ne suis fâché que d’une chose, c’est qu’on ait fait durer le procès deux jours. » Un gendarme répondit : « C’est du temps gagné » ; et Louvel répliqua : « Moi j’appelle cela du temps perdu. » Le gendarme lui conseilla de faire venir un prêtre. « Un prêtre me fera-t-il aller en paradis ? demanda Louvel.— Il est possible que Dieu vous pardonne, dit le gendarme. — Croyez-vous, ajouta l’assassin, que le prince de Condé soit en paradis ? Je serais bien aise d’y aller pour le faire enrager. »

On avait préparé pour lui une chambre au palais même du Luxembourg. De Sémonville y étant allé le visiter, Louvel lui demanda des draps de lit plus fins que ceux sur lesquels il avait couché toute sa vie. On lui accorda ce qu’il demandait. Il soupa de très bon appétit, se coucha, s’endormit, et ne se réveilla que le lendemain à six heures. Après la seconde séance, et avant le prononcé de l’arrêt, Louvel avait été reconduit à la Conciergerie. Cauchy, greffier de la cour des pairs, alla lui lire dans sa prison la sentence de mort. Il écouta cette lecture sans donner la moindre marque de trouble. Cauchy insista vivement pour qu’il consentît à voir un missionnaire.

« Soit, dit Louvel, je le recevrai avec plaisir ; il me tiendra compagnie. » Le missionnaire arriva, et ils eurent ensemble un quart d’heure d’entretien. Plus tard, l’abbé Montès, aumônier des prisons, remplit auprès du condamné son auguste ministère, et resta constamment avec Louvel depuis dix heures du soir jusqu’à sept heures du matin. Louvel dit alors : « On m’a envoyé un bien brave homme ; j’ai craint que ma résistance ne lui causât trop de peine ; d’ailleurs, il m’a tant ému que je suis tombé à ses genoux pour lui confesser quelques petites fredaines. »

Dans la nuit du 6 au 7 juin, Louvel écrivit à ses parents. On pensait que l’exécution aurait lieu le 7 à huit heures du matin. Il demanda un bouillon et un verre de vin ; ensuite il dit qu’il était prêt, et parut impatient de partir. Son supplice fut retardé jusqu’à six heures du soir. Durant cet intervalle, le procureur général alla solliciter Louvel de faire des aveux ; il n’en obtint aucun.

Le baron Séguier et le comte de Bastard, pairs, instructeurs du procès, s’étaient rendus à l’hôtel de la Préfecture pour recueillir les déclarations que le condamné aurait pu faire au pied de l’échafaud, et, dans tous les cas, dresser procès-verbal de l’exécution. Dès trois heures de l’après midi, une foule immense couvrait le Pont-au-Change, le pont Notre-Dame, les quais et la place de Grève. A six heures moins un quart, Louvel monta dans le fatal tombereau. Il était vêtu d’une redingote bleue ; il avait du linge blanc ; mais on avait coupé le col de sa chemise, et sa barbe un peu longue et sa pâleur naturelle lui donnaient un aspect désagréable. On lui permit de couvrir d’un chapeau sa tête chauve. Le respectable aumônier des prisons était à côté de lui.

« Pendant le trajet, Louvel regardait à droite et à gauche, comme un homme qui semblait occupé de l’idée qu’on tenterait de le délivrer, et il ne faisait aucune attention à son confesseur » (Histoire du procès de Louvel, par Maurice Méjan). Au pied de l’échafaud, l’aumônier lui dit : « Regardez le ciel ; vous allez comparaître devant le souverain juge ; désarmez-le par votre repentir. » Louvel répondit seulement : « J’en suis fâché. Mais hâtons-nous, on m’attend là-haut. » Pendant qu’on l’attachait à la planche, il promena encore ses regards de tous côtés. Sa tête tomba à six heures quelques minutes.

 
 
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