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6 juin 1710 : mort de madame de La Vallière, l'amoureuse authentique de Louis XIV

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Éphéméride, événements
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6 juin 1710 : mort de Louise de La Vallière,
l’amoureuse authentique de Louis XIV
(D’après « Biographie universelle ancienne
et moderne » (Tome 47), paru en 1827)
Publié / Mis à jour le lundi 6 juin 2022, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 10 mn
 

Françoise Louise de La Baume Le Blanc, duchesse de La Vallière, naquit en 1644 d’une famille distinguée qui était originaire du Bourbonnais et établie en Touraine. Sa mère s’étant remariée à Monsieur de Saint-Remi, premier maître d’hôtel de Gaston, duc d’Orléans, elle fut élevée à la cour de ce prince et résida successivement à Orléans et à Blois.

Tous les mémoires du temps s’accordent sur le caractère de sagesse et de bonté qui la faisait remarquer dès ses premières années. Quand le frère unique de Louis XIV épousa Henriette d’Angleterre, mademoiselle de La Vallière fut placée auprès d’elle en qualité de fille d’honneur. Prenant part aux plaisirs d’une cour jeune et galante, elle y obtint l’estime par sa droiture, son amour inné de la vertu, sa douceur et la sincérité, la naïveté même qui lui étaient propres. On rendait également justice à ses avantages extérieurs, qui étaient bien au-dessus de son esprit. « Ses regards avaient un charme inexprimable, dit la duchesse d’Orléans (Elisabeth-Charlotte). Elle avait une taille fine ; ses yeux me paraissaient bien plus beaux que ceux de madame de Montespan. Tout son maintien était modeste. Elle boitait légèrement, mais cela ne lui allait pas mal. »

Le cœur tendre et sensible, dont elle-même parle souvent dans ses lettres, devait bientôt trouver un maître, et quel maître ! Accoutumée à voir sans cesse Louis XIV, elle conçut d’abord la plus vive admiration, puis une affection non moins vive pour ce monarque, que la gloire et l’amour semblaient élever au-dessus du reste des hommes. Elle aurait voulu pouvoir se cacher à elle-même des sentiments qui n’étaient pas légitimes : la force lui manquait pour les combattre avec constance et succès.

Louise de la Vallière, par Jean Nocret (1617-1672)

Louise de La Vallière, par Jean Nocret (1617-1672)

Il est permis de dire que la lutte entre sa faiblesse et la conviction qui la pénétrait de ses devoirs fut courageuse ; mais le triomphe d’un jeune roi tel que Louis XIV pouvait-il être longtemps difficile ? Il goûta avec cette jeune beauté, si attachante à tous égards, le bonheur, bien rare pour les princes, d’être aimé uniquement pour lui. A travers les bouillantes passions qui l’entraînaient et le dégoût qui en était fréquemment la suite, il revenait toujours à celle qui par sa tendresse si vraie, plus encore que par les grâces de sa personne, l’avait subjugué sans art et sans étude.

C’était à Fontainebleau que l’intimité de leur liaison avait commencé, en 1661. La beauté de mademoiselle de La Vallière avait déjà attiré les regards du surintendant Nicolas Fouquet, qui en pareil cas ne ménageait rien pour satisfaire ses goûts passagers. Il offrit à la fille d’honneur d’Henriette d’Angleterre deux cent mille livres, et l’offre fut reçue par elle avec indignation, avant même qu’elle aspirât au cœur du roi — il est cependant sûr que dès ce temps-là le roi pensait à mademoiselle de La Vallière.

Plus tard, Fouquet, ayant découvert à quel rival il avait affaire, voulut être le confident de la belle maîtresse de Louis, pour se dédommager de n’avoir pu en être le possesseur. Le monarque, dans un premier moment de colère, avait été tenté de faire arrêter le surintendant, au milieu même d’une fête qu’il en recevait à Vaux ; mais il différa sa vengeance. Mademoiselle de La Vallière fut pendant deux ans l’objet caché de tous les amusements et de toutes les fêtes qui se donnaient à la cour. Voltaire nomme un jeune valet de chambre du roi qui composa plusieurs récits que l’on mêlait à des danses, tantôt chez la reine et tantôt chez Madame, récits où l’on exprimait mystérieusement la flamme de deux cœurs qui ne pouvait être longtemps un secret.

Parmi les divertissements publics, qui furent autant d’hommages de Louis XIV à sa jeune maîtresse, il faut citer le carrousel de 1662, qui eut lieu devant le château des Tuileries, dans une vaste enceinte appelée depuis la place du Carrousel. En 1664, à Versailles, dans une fête encore plus belle, où le roi était le principal acteur, il ne distingua parmi tant de regards fixés sur lui que ceux de mademoiselle de La Vallière. Toute cette pompe, cette représentation si brillante, étaient pour elle seule qui en jouissait confondue dans la foule.

Louis l’idolâtrait ; mais on doit observer, avec Saint-Simon, que ce prince, si faible alors, eut cependant assez de force pour se défendre de l’entraînement d’un amour qui eût pu l’empêcher d’aimer autant la gloire. Ce n était ni par vanité ni par ambition que mademoiselle de La Vallière préférait à tout le maître de la France : elle avait pour lui une véritable passion et ne conçut pas dans toute sa vie d’autre attachement. Du reste, sa première grossesse fut cachée avec tant de soin que la cour ne s’en aperçut pas, et que la reine n’en eut aucun soupçon.

Deux seulement des quatre enfants qu’elle eut de Louis XIV vécurent : Marie-Anne de Bourbon, nommée mademoiselle de Blois, et depuis princesse de Conti, qui était née en 1666, et Louis de Bourbon, comte de Vermandois, né en 1667. Dans la même année, le roi érigea en duché la terre de Vaujours, et deux baronnies, situées l’une en Touraine, et l’autre en Anjou, en faveur de mademoiselle de La Vallière, et de la princesse sa fille. Lorsqu’elle reçut cet honneur, et lorsque ses enfants furent légitimés, elle fut désespérée, car elle avait cru que personne ne devait connaître sa maternité. Il est à remarquer qu’elle appelait sa fille mademoiselle, et que la princesse l’appelait belle maman.

Bien différente des favorites ordinaires, elle n’abusa en aucune occasion de son autorité, de son crédit. Elle aimait, comme le dit madame de Caylus, le roi et non la royauté. Ses intrigues se bornaient à solliciter vivement en faveur des personnes qui avaient déplu à Louis, et précisément à cause d’elle et de la faveur dont elle jouissait. Elle n’était jalouse que de faire du bien à tous ceux qui avaient besoin d’être aidés ou secourus par elle, même sans distinguer ses parents.

Madame de Sévigné disait de madame de La Vallière, en 1680 : « Il faut l’imaginer (madame de Montespan) précisément le contraire de cette petite violette qui se cachait sous l’herbe et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse. Jamais, ajoutait-elle, il n’y en aura sur ce moule. » Vertueuse, s’il est permis de s’exprimer ainsi, au milieu de ses égarements, chaque nouvelle faute lui coûtait presque autant que la première. Les préférences que le roi lui donnait sur la reine révoltaient sa raison. Sous ce rapport elle était tentée de se plaindre d’être trop aimée, tandis qu’elle croyait si habituellement ne pas aimer assez.

On lui confiait sans inquiétude les secrets les plus importants ; et, quoiqu’elle eût promis à son royal amant de ne lui rien cacher, elle s’exposa, dans une occasion délicate, à perdre ses bonnes grâces plutôt que de manquer à la fidélité qu’elle devait à un ami. Louis pénétra le mystère, et fit à madame de La Vallière des reproches si vifs de son silence que, dans son trouble, dans sa profonde consternation, elle sortit un matin du palais des Tuileries, où elle demeurait encore auprès de Madame, et s’alla réfugier dans le couvent de Sainte-Marie, à Chaillot ; mais l’époque du véritable repentir n’était pas encore arrivée pour elle.

Recherchée avec un extrême empressement, et bientôt découverte, elle se laissa ramener sans résistance et reprit des chaînes qui se resserrèrent bien davantage. Cependant, modeste et timide comme elle l’avait toujours été, elle continuait à ne voir que le roi dans les hommages publics ou particuliers dont elle était l’objet. Un regard de Louis, un sourire de ce maître adoré et ses plus fermes résolutions étaient ébranlées. Au milieu de sa faiblesse, elle ne redoutait ni les temps de jeûne et de prières, ni les pieuses solennités pendant lesquelles l’usage du monde ou l’étiquette de la cour exigeait l’interruption des plaisirs. C’était comme des moments de relâche, où elle faisait un retour sur elle-même.

Dans le temps où elle était encore maîtresse déclarée du roi, ce qui n’empêchait pas qu’il ne lui fût souvent infidèle, il céda au goût que lui inspirait madame de Montespan. Celle-ci, en femme, en amante peu délicate, consentit à vivre avec madame de La Vallière, ayant la même table et presque la même maison. Elle aima mieux d’abord, dit madame Caylus, que le roi en usât ainsi, soit qu’elle espérât par là abuser le public et son mari, soit que son orgueil lui fit mettre plus de plaisir à l’humiliation de sa rivale qu’elle n’avait de crainte de voir les charmes de celle-ci triompher des siens.

Si, à la première preuve certaine de ce nouvel attachement du monarque, madame de La Vallière se fût jetée dans un couvent de carmélites, ce mouvement aurait paru naturel et conforme à son caractère. Elle prit un autre parti, et demeura non seulement à la cour, mais même à la suite de madame de Montespan, qui abusa outrageusement de ses avantages. Combien d’affronts, de dégoûts, n’eut-elle pas à essuyer pendant tout le temps qu’elle habita encore Versailles ! Son cœur était ulcéré ; mais à peine se plaignait-elle, se trouvant encore heureuse de voir celui qu’elle ne pouvait cesser d’aimer, comme s’il n’avait pas changé pour elle.

Louise de la Vallière et ses enfants, Marie-Anne de Bourbon (1666-1739) et Louis de Bourbon (1667-1683). D'après Pierre Mignard

Louise de la Vallière et ses enfants, Marie-Anne de Bourbon (1666-1739)
et Louis de Bourbon (1667-1683). D’après Pierre Mignard

Un jour, cependant, où elle osait lui parler avec douleur d’une communauté qu’elle trouvait si pénible, il lui répondit froidement qu’il était trop sincère pour lui cacher la vérité, et qu’elle n’ignorait pas qu’un roi de son caractère n’aimait pas à être contraint. Saint-Simon rapporte un sonnet qu’elle envoya au monarque à cette occasion, et il ajoute que cette pièce de vers fut louée de Louis XIV, qui se contenta de faire assurer sa première maîtresse qu’il aurait toujours de l’estime pour elle. Mais la seconde Madame (Elisabeth-Charlotte, duchesse d’Orléans) dit que « le roi la traitait fort mal, à l’instigation de madame de Montespan ; qu’il était dur avec elle et ironique jusqu’à l’insulte ; que la pauvre créature s’imaginait qu’elle ne pouvait faire un plus grand sacrifice à Dieu qu’en lui sacrifiant la cause même de ses torts, et croyait faire d’autant mieux, que la pénitence viendrait de l’endroit où elle avait péché : aussi restait-elle par pénitence chez la Montespan. »

Ce fut en 1674 au elle exécuta une résolution formée depuis longtemps. Dès le mois de février 1671, elle s’était retirée, pour la seconde fois, au couvent de Sainte-Marie de Chaillot, voulant y pleurer en liberté. Elle écrivit au roi qu’elle aurait quitté plus tôt Versailles si elle avait pu obtenir d’elle-même de ne plus le voir ; que cette faiblesse avait été si grande, qu’à peine se sentait-elle capable présentement d’en faire un sacrifice à Dieu. « Le roi pleura fort, dit madame de Sévigné, et envoya Colbert à Chaillot la prier instamment de venir à Versailles, et qu’il pût lui parler encore. » Elle s’y laissa conduire. Louis XIV causa une heure avec elle ; et madame de Montespan l’accueillit aussi les larmes aux yeux. Celles du monarque, du moins, étaient de joie. Au bout de quelques jours, et au grand dépit de la nouvelle favorite, madame de La Vallière paraissait mieux auprès de lui qu’elle n’y avait été depuis longtemps.

Deux années s’écoulèrent sans qu’elle fît connaître qu’elle était revenue à ses idées de retraite ; mais une maladie, qui la conduisit aux portes du tombeau, la ramena entièrement au dessein de réparer sa vie passée. Les Réflexions sur la miséricorde de Dieu qu’elle écrivit, dit-on, quand elle fut rétablie, sont un monument des sentiments qui l’animaient alors. Elle prit pour confident le maréchal Bernardin Gigault de Bellefonds ; c’est à lui que sont adressées des lettres qui ont été imprimées, et dont la première est du 9 juin 1673.

Madame de La Vallière trouva aussi dans Bossuet, alors évoque de Condom, un guide des plus éclairés et plein de zèle. Elle écrivait, le 21 novembre, au maréchal de Bellefonds, son ami : « Je sens que, malgré la grandeur de mes fautes, que j’ai présentes à tout moment, l’amour a plus départ à mon sacrifice que l’obligation de faire pénitence. » Ce fut au mois d’avril 1674 qu’elle embrassa, suivant les expressions de Voltaire, la ressource des âmes tendres, auxquelles il faut des sentiments vifs et profonds. Elle crut que Dieu seule pouvait succéder à son amant. Elle se décida pour les carmélites, et vint prendre publiquement congé du roi, qui la vit partir d’un œil sec. Avant de s’éloigner tout à fait de la cour, elle disait à madame Scarron, depuis madame de Maintenon, qui avait cherché à la détourner de s’ensevelir dans un cloître : « Quand j’aurai de la peine aux carmélites, je me souviendrai de ce que ces gens-là m’ont fait souffrir » (en parlant de madame de Montespan et du roi).

Elle était alors âgée de trente ans au plus. Bossuet ne put prononcer le sermon d’usage pour sa prise d’habit : ce fut l’abbé de Fromentières, depuis évêque d’Aire, qui s’en chargea, et il prit pour sujet la parabole de la brebis égarée qui est ramenée dans la bergerie par le bon pasteur. Sa profession eut lieu le 3 juin 1675. La reine donna le voile noir à Louise de La Vallière ; et cette fois, ce fut l’évêque de Condom qui déploya pour elle les trésors de l’éloquence chrétienne.

« Elle fit cette action, dit encore madame de Sévigné, comme toutes les autres de sa vie, d’une manière noble et toute charmante. Elle était d’une beauté qui surprenait tout le monde. » Madame de Caylus écrivait beaucoup plus tard qu’elle l’avait vue dans les dernières années de sa vie, et qu’elle l’avait entendue avec un son de voix qui allait jusqu’au cœur, disant des choses admirables de son état et du bonheur dont elle jouissait déjà, malgré la rigueur de sa pénitence. La reine et la duchesse d’Orléans allèrent aussi visiter, dans son couvent, la sœur Louise de la Miséricorde ; et c’est à la première, c’est à l’épouse de Louis XIV, que cette femme, si intéressante dans son repentir, répondit, en 1676 : « Non, je ne suis pas aise, mais je suis contente. »

Elle n’était, au surplus, nullement satisfaite de l’obligation de recevoir souvent la reine et plusieurs autres personnes de la cour, qui venaient, disaient-elles, s’édifier près de la sainte religieuse. Son frère étant mort en octobre 1676, elle fit supplier le roi de conserver le gouvernement du Bourbonnais pour acquitter les dettes du marquis de La Vallière, sans parler le moins du monde de ses neveux. La réponse du monarque fut favorable ; elle fut même aimable dans les termes qu’il employa en écrivant très succinctement à son ancienne amie.

Elle endurait le froid à tel point qu’on l’a souvent trouvée saisie et évanouie, soit dans l’église, soit dans les greniers où elle étendait le linge. Un érysipèle qui s’était jeté sur sa jambe la fit beaucoup souffrir, sans qu’elle en voulût rien dire ; mais le mal devint si violent qu’on s’en aperçut, et qu’on l’obligea d’aller à l’infirmerie. Elle répondit aux reproches que lui fit la mère prieure sur cette espèce d’excès : « Je ne savais ce que c’était, je n’y avais pas regardé. »

Un jour de vendredi saint qu’elle était au réfectoire, elle se ressouvint que du temps où elle était à la cour, elle se trouva, dans une partie de chasse, pressée d’une si grande soif qu’elle n’en pouvait plus, mais qu’on lui apporta aussitôt des rafraîchissements et des liqueurs délicieuses dont elle but avec beaucoup de plaisir et de sensualité : ce souvenir, joint à la pensée du fiel et du vinaigre dont Jésus-Christ avait été abreuvé sur la croix, la pénétra d’un si vif sentiment de componction, qu’elle résolut dans le moment de ne plus boire du tout. Elle fut plus de trois semaines sans boire une goutte d’eau, et trois ans entiers à n’en boire par jour qu’un demi-verre.

Louise de la Vallière. Gravure parue en 1858

Louise de la Vallière. Gravure parue en 1858

Cette rude pénitence lui causa les maux d’estomac les plus violents. A des maux de tête continuels se joignirent des rhumatismes douloureux, et une cruelle sciatique qui lui déboîta la hanche ; mais, dans cet état si pénible, elle ne cessa pas de se trouver toujours la première à tous les exercices de la communauté.

En 1679, Louise de La Vallière eut à soutenir en face les compliments de la cour et de la ville sur le mariage de sa fille, ceux entre autres de M. le Prince et de M. le Duc. « Elle assaisonnait parfaitement, dit madame de Sévigné, sa tendresse de mère avec celle d’épouse de Jésus-Christ. Elle était encore belle en 1680, avant bonne grâce, bon air, et la plus noble, la plus touchante modestie. En vérité, ajoute l’illustre épistolaire, cet habit et cette retraite sont pour elle une grande dignité. »

Au mois de novembre 1683, Bossuet s’étant chargé de lui annoncer la mort du comte de Vermandois, son fils, elle commença par répandre beaucoup de larmes ; mais revenue tout à coup à elle-même : « C’est trop, dit-elle à l’illustre prélat, pleurer la mort d’un fils dont je n’ai pas encore assez pleuré la naissance. » De 1675 à 1710, elle vécut dans les plus grandes austérités. Elle avait donné à Dieu tout ce qu’elle avait éprouvé pour Louis XIV, et dès lors elle n’aima plus que Dieu seul. Madame de Montespan, étant venue la voir avec la reine au mois d’avril 1676, lui demanda si elle avait quelque chose à faire dire au roi. Elle repoussa cette question avec grâce et d’un air aimable, quoiqu’elle fût un peu piquée. Bien des années après, madame de Montespan, n’étant plus elle-même à la cour, retourna aux carmélites, où madame de La Vallière était devenue pour elle une espèce de directeur.

La veille de sa mort, Louise se leva à trois heures du matin, pour continuer ses exercices ordinaires de piété ; mais les forces lui manquant, elle ne put aller jusqu’au chœur. Une sœur converse la rencontra, elle ne pouvait plus se soutenir, ni presque parler. On alla avertir l’infirmière ; mais le mal avait déjà fait de si grands progrès, qu’on fut obligé de la porter à l’infirmerie. Malgré l’état où elle était, on eut peine à obtenir d’elle de quitter la serge, et d’user de linge. Les médecins appelés la firent d’abord saigner ; mais ils s’aperçurent bientôt que les remèdes seraient inutiles, et que l’inflammation des entrailles était complète.

Sentant que sa fin approchait, elle répéta plusieurs fois ces paroles : Expirer dans les plus vives douleurs, voilà ce qui convient à une pécheresse. Les souffrances les plus aiguës ne lui arrachèrent aucune plainte. Mais le mal ayant fait pendant la nuit des progrès considérables, elle demanda dès le matin les derniers sacrements : « Dieu a tout fait pour moi, dit-elle, il a reçu autrefois dans ce même temps le sacrifice de ma profession : j’espère qu’il va encore recevoir le sacrifice de justice que je suis prête à lui offrir. » Elle mourut le 6 juin 1710 après avoir souffert de longues et douloureuses infirmités.

Voici le portrait qu’en donne l’abbé de Choisy, dans ses Mémoires : « Mademoiselle de La Vallière n’était pas de ces beautés toutes parfaites, qu’on admire souvent sans les aimer. Elle était fort aimable ; et ce vers de la Fontaine : Et la grâce plus belle encor que la beauté, semble avoir été fait pour elle. Elle avait le teint beau, les cheveux blonds, le sourire agréable, les yeux bleus, et le regard si tendre et en même temps si modeste qu’il gagnait le cœur et l’estime au même moment ; au reste assez peu d’esprit, qu’elle ne laissait pas d’orner tous les jours par une lecture continuelle.

« Point d’ambition, point de vices ; plus attentive à songer à ce qu’elle aimait qu à lui plaire ; toute renfermée en elle-même et dans sa passion qui a été la seule de sa vie ; préférant l’honneur à toutes choses, et s’exposant plus d’une fois à mourir plutôt qu’à laisser soupçonner sa fragilité ; l’humeur douce, libérale, timide, n’ayant jamais oublié qu’elle faisait mal, espérant toujours rentrer dans le bon chemin : sentiment chrétien qui a attiré sur elle tous les trésors de la miséricorde, en lui faisant passer une longue vie dans une joie solide, et même sensible, d’une pénitence austère.

« Depuis qu’elle eut tâté des amours du roi, elle ne voulut plus voir ses anciens amis, ni même en entendre parler, uniquement occupée de sa passion qui lui tenait lieu de tout. Le roi n’exigeait point d’elle cette grande retraite : il n’était pas fait à être jaloux et encore moins à être trompé. Enfin, elle voulait toujours voir son amant, ou songer à lui sans être distraite par des compagnies indifférentes. »

 
 
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