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Poltron. L'étymologie des mots de la langue française. Origine, racines

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Savoir : Mots, Locutions
L’étymologie de mots et l’origine de locutions de la langue française. Racines, évolution de locutions et mots usuels ou méconnus
Poltron
Publié / Mis à jour le samedi 18 novembre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 2 mn
 
 
 
Ce mot est employé pour désigner une personne manquant de courage, un couard, un froussard ou encore un peureux. Si trois étymologies ont été avancées, invoquant le latin ou l’ancien français, aucune ne s’est révélée satisfaisante, et il faut sans doute puiser dans l’italien pour trouver une explication.

Une première étymologie possible de poltron est rapportée par Saumaise. D’après ce dernier, il y avait, au temps des co-empereurs romains Valens et Valentinien (364-375), des hommes qui, pour se rendre inhabiles au service militaire, ne craignaient pas de se mutiler la main droite ; ils se coupaient le pouce. Ces empereurs firent une loi condamnant aux flammes les lâches qui auraient recours à cet expédient, lesquels furent qualifiés de poltrons, mot formé de la première syllabe de chacun des mots latins pollex truncatus, pouce coupé : pol (lex) trun (catus).

Deuxième explication avancée : à en croire le Dictionnaire de Richelet (1728), le mot poltron serait un terme de fauconnerie (avis à pollice trunco) qui se disait d’un oiseau de proie auquel on avait coupé les ongles des pouces, c’est-à-dire les ongles de derrière, pour lui ôter le courage et empêcher qu’il ne volât (ne chassât au vol) le gros gibier.

Enfin, une troisième étymologie est proposée, par François Génin : selon l’auteur des Récréations philologiques, l’étymologie de poltron serait dans poultron, petit de la poultre ou cavale (pullitra). La finale on est diminutive en français, et souvent avec une idée de grâce et de gentillesse, comme le prouvent cordon (de corde), échelon (de échelle), peton (de pied), sablon (de sable), etc. Parmi les noms d’animaux, nous avons eu : chevron (petit d’une chèvre), chaton (petit d’un chat), levron (petit d’une levrette), etc.

Or, naturellement, un poultron est ce petit poulain qui, gambadant au soleil auprès de sa mère la poultre, s’effarouche de son ombre, et dont le premier mouvement est toujours de s’enfuir, ce qui n’empêche pas que le poultron ne doive faire un jour un excellent cheval de bataille ; car la poltronnerie n’est qu’un défaut passager du tempérament, tandis que la lâcheté est un vice du cœur incurable.

En dépit de toutes ces explications, aucune de ces trois étymologies du mot poltron ne semble être la bonne.

En effet, et concernant la première, l’adjectif français poltron n’apparaît dans notre langue qu’au XVIe siècle, la preuve étant fournie par l’historique de cet adjectif dans le Dictionnaire de Littré. Jusqu’au temps de François Ier, c’est toujours couard que nous avons employé dans le sens de lâche.

Du reste, est-ce qu’on a quelquefois formé un mot comme l’aurait été ainsi poltron ? Certes, explique le philologue et grammairien Éman Martin (1821-1882), on a fait venir le latin cadaver de ca (ro) da (ta) ver (mibus) ; mais un tel mode de formation n’a semble-t-il jamais été pratiqué en français.

Les lois de la dérivation contredisent la deuxième étymologie avancée ; car tout mot latin en cus a donné un mot français ayant pour finale un c ou un que (rancus, rance ; abacus, abaque ; lacus, lac ; saccus, sac, etc.), tandis que truncus (c’est le mot employé ici) aurait donné tron, ce qui semble inadmissible.

On pourrait arguer que le c final a été supprimé dans l’orthographe parce qu’on le supprimait dans la prononciation. Mais toutes les fois qu’une telle suppression a lieu dans un adjectif, le c ellipsé reparaît au féminin (blan, blanche ; fran, franche), et poltron faisait poltronne dès son apparition dans la langue : « J’ay ainsi l’âme poltronne que je ne mesure pas la bonne fortune selon sa hauteur. » (Montaigne)

Le faucon poltron est en fait un oiseau auquel on a coupé les ongles des doigts de derrière ; mais il est très possible que l’oiseau, devenu lâche après cette mutilation, ait été dès lors dit poltron à cause de sa lâcheté, et non à cause de sa mutilation.

Examinons la troisième explication proposée. Comme nous l’avons signalé et en s’appuyant sur Littré, poltron n’apparut en français qu’au XVIe siècle. Or, s’il venait de poultron, qui est beaucoup plus ancien (puisqu’on trouve poultre dans le Glossaire de Roquefort), il aurait dû évidemment faire son apparition bien plus tôt dans cette langue.

Un poulain poltron ?
Un poulain poltron ? © Crédit illustration : Araghorn

En réalité, le mot poltron ne viendrait ni du latin, ni de l’ancien français, mais de l’italien poltrone signifiant lâche — notons au passage que ce mot italien de poltrone dérive de poltro signifiant poulain —, pour les deux raisons suivantes :

D’une part, poltron s’est substitué à couard, nous dit Henri Estienne dans les Deux dialogues du langage françois italianisé, assertion confirmée d’ailleurs par le fait que Littré n’a trouvé poltron que dans des ouvrages composés au XVIe siècle et plus tard.

D’autre part, dès son apparition en français, poltron s’est employé sous ces deux formes : poltron et poultron. Or, est-ce par poultron (petit d’une poultre) qu’on peut expliquer la simultanéité de ces formes ? Non ; parce que, pour en faire poltron, il aurait fallu rétablir le l étymologique, qui tendait à disparaître (on prononçait poutron), et remplacer ou par o, lorsque c’est ordinairement le contraire qui avait lieu (ou se substituait à o) ; on disait chouse, foussé, rousée, etc., pour chose, fossé, rosée, etc.

 
 
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