Livre histoire TALLARD (Notice historique sur l'ancienne communauté de) par Antoine de Taillas

Lorsque les Sarrasins furent chassés du sud-est de la France, à la fin du X^e siècle, Guillaume, comte de Provence, s’attribua la souveraineté des terres qu’il venait d’enlever et en donna certaines à ses principaux compagnons d’armes. Si l’histoire ne dit pas à qui échut Tallard, il est certain que la ville appartenait à la famille d’Orange quand elle reçut sa grande charte de libertés au début du XIIIe siècle. En 1213, la vicomté de Tallard passa aux chevaliers de Saint-Jean. Non seulement les libertés demeurèrent acquises, mais de nouvelles furent accordées au fil des circonstances.

Afin d’assurer le respect de ces franchises, l’article 44 de la charte stipulait qu’il serait enjoint au juge et au châtelain de l’ordre, de « jurer l’observation » des statuts et des privilèges de la communauté avant d’entrer en fonctions. En 1326, les Hospitaliers cédèrent la terre de Tallard à Arnaud de Trian en échange du comté d’Alife. La rupture du chemin de Tallard à Chorges, obtenue par les habitants de Gap, créa une animosité qui fut une des causes principales de la guerre qui éclata en 1352 entre Arnaud de Trian et l’évêque Déoncio.

La lutte fut longue entre ces deux villes rivales et les combats furent sanglants sans que l’on sache quel parti en tira avantage. Un arrangement fut conclu en 1359 grâce à l’intervention de Rodolphe de Commine. La sécurité que la protection vigilante des Trian assura au territoire de Tallard et l’indépendance que les habitants devaient à la charte des libertés valurent à ce pays une assez grande importance pendant toute la durée du XIV^e siècle et plusieurs familles nobles y établirent leur résidence. Par alliance, le domaine passa à l’une des plus anciennes et des plus illustres familles du Dauphiné, les Clermont.

Lorsque Bernardin hérita de la vicomté, il demanda l’annexion de cette terre au Dauphiné. Elle fut accordée en octobre 1513 par lettres patentes de Louis XII, qui déclara ne vouloir porter atteinte ni aux franchises municipales ni aux droits seigneuriaux. Au fil des siècles, les possesseurs successifs du château de Tallard avaient agrandi peu à peu l’édifice. Bernardin le restaura complètement pour lui redonner une certaine unité. Le vieux donjon devint une des plus belles résidences du Dauphiné.

La tradition disait que le château comprenait autant de tours que de mois dans l’année, autant de portes que de semaines, autant de croisées que de jours, autant de marches que d’heures. En 1692, les Piémontais brûlèrent la plus grande partie du château. Alors propriétaire des lieux, Camille d’Hostun recula devant l’énorme dépense d’une restauration et laissa le temps consommer l’œuvre de destruction.