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Dépouille d'un religieux du XIIIe siècle découverte à Saint-Médard de Soissons (Aisne)

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L’Histoire fait l’Actu
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Dépouille d’un religieux du XIIIe siècle
découverte à Saint-Médard de Soissons
(Aisne)
(Source : France 3 Hauts-de-France)
Publié / Mis à jour le jeudi 7 janvier 2021, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 5 mn
 
 
 
La dépouille, exceptionnellement bien conservée, d’un religieux mort en 1206 a été retrouvée lors de fouilles réalisées dans l’abbaye Saint-Médard de Soissons, dans l’Aisne. Qui est Albéric de Braine, cet abbé qui dirigea l’une des fondations religieuses les plus puissantes sous les Carolingiens ?

Le 28 octobre dernier, dans la nef de l’église abbatiale de Saint-Médard à Soissons dans l’Aisne, des archéologues ont fait la découverte d’une vie. En ouvrant une tombe du XIIIe siècle, ils ont révélé une dépouille dans un état de conservation exceptionnel. « Quand, au bout de dix secondes, on a compris ce qui nous arrivait, on s’est dit que c’était la meilleure et la pire des choses, avoue Jérôme Haquet, archéologue au CNRS Orient & Méditerranée. Parce qu’on savait que ce serait compliqué de la prélever sans la dégrader et qu’il faudrait mettre en œuvre des moyens inhabituels. On a refermé tout de suite pour ne pas trop modifier le milieu de conservation ».

Feuille et collerette de plomb
Car la dépouille déposée dans cette tombe construite est en effet incroyablement bien conservée. « C’est une hypothèse, mais c’est probablement grâce au plomb, explique Jérôme Haquet. Le plomb a créé une atmosphère antibiotique donc la décomposition du corps par le développement de bactéries n’a pas eu lieu. Et les cinq pierres de couvercle qui ferment la tombe étaient extrêmement bien jointoyées, hermétiques. Le contenu de la tombe s’est trouvé conservé, notamment les vêtements du défunt et même des éléments organiques comme des cheveux. »

Des archéologues ont découvert sur le chantier de fouilles de l'abbaye Saint-Médard à Soissons la dépouille exceptionnellement bien conservée d'Albéric de Braine, abbé du XIIIe siècle
Des archéologues ont découvert sur le chantier de fouilles de l’abbaye
Saint-Médard à Soissons la dépouille exceptionnellement bien conservée
d’Albéric de Braine, abbé du XIIIe siècle. © Crédit photo : FTV

Les archéologues ont par ailleurs eu la surprise de découvrir qu’une collerette, également en plomb, avait été posée devant le visage du mort. Pourquoi ? « Ça, on ne le sait pas encore. » Les vêtements et les objets trouvés sur le corps sont tout aussi parfaitement conservés. « C’est extrêmement rare d’avoir des dépouilles dites habillées dans cet état-là. Pour l’instant, nous n’avons pas encore d’équivalent sur ce mode d’inhumation, précise Jérôme Haquet. Les textiles, les matériaux périssables qui habituellement ne sont pas retrouvés dans un tel état, ont été conservés. On a du textile, mais aussi du bois avec une hampe de crosse qui symbolise la fonction d’abbé de ce personnage. C’est simplement un bâton qui rappelle la fonction du personnage. Les chaussures en cuir sont aussi conservées dans un très bon état. »

La dalle funéraire découverte par des enfants
Le manteau funéraire dont est vêtue la dépouille est lui aussi inédit : il s’agit d’un manteau à décor façonné. « Le décor n’est pas ajouté après la fabrication du tissu, mais est fait pendant le tissage. La qualité et la finesse de ce décor sont incroyables. Le tissage est très sophistiqué. Je ne peux pas vous dire si c’est quelque chose de classique pour l’époque : on a très peu de tissus qui datent du XIIIe siècle et qui sont revenus jusqu’à nous. Un spécialiste des textiles archéologiques va se pencher sur cette question. »

Mais au-delà de l’exceptionnelle conservation du corps, la découverte est inédite à bien des égards. La façon dont la tombe elle-même est apparue dans le chantier de fouilles d’abord. En juin 2019, « on avait organisé des journées archéologiques avec des enfants des écoles de Soissons, explique Nicolas de Schonen, président de l’association Abbaye Royale de Saint-Médard. Et deux enfants ont dégagé la plaque de la dalle funéraire. »

Une abbaye fondée par Clovis
« Une dalle funéraire dans le dernier dallage de la nef de l’église était connue dans les années 80, lors des premières opérations de sauvetage du site, mais on ne savait pas où elle était précisément », détaille Jérôme Haquet. Et de revenir sur l’origine, elle aussi incroyable, du début des fouilles sur le site de l’abbaye de Saint-Médard : « Une école devait être construite dessus mais des fouilles ont été demandées pour vérifier qu’il n’y avait pas des vestiges archéologiques. »

Car l’abbaye de Saint-Médard est bien connue des historiens du Moyen Âge : Clotaire, quatrième fils de Clovis et roi de France, fonde l’abbaye en 557 pour y recevoir les restes de Médard, qui fut l’évêque de Noyon. Son fils Sigebert, lui aussi roi de France, sera aussi inhumé aux côtés de Clotaire dans l’abbaye. « Deux rois de France mérovingiens sont enterrés à Saint-Médard mais on ne connaît pas l’emplacement de leur tombe », précise Jérôme Haquet.

C’est à Soissons que Pépin le Bref est couronné en 751 et oint par les évêques, au premier rang desquels l’évêque de Soissons, abbé de Saint-Médard. Soissons fut en effet la première capitale des Francs, choisie par Clovis. Saint-Médard devient ainsi l’une des places religieuses les plus puissantes de l’ère carolingienne et un lieu important dans la construction de l’Histoire de France avant de subir une destruction majeure au début des guerres de religion, au XVIe siècle.

La tombe d'Albéric de Braine découverte sur le chantier de fouilles de l'abbaye de Saint-Médard à Soissons dans l'Aisne était située près de la nef de l'ancienne église
La tombe d’Albéric de Braine découverte sur le chantier de fouilles
de l’abbaye de Saint-Médard à Soissons dans l’Aisne était située près de
la nef de l’ancienne église. © Crédit photo : R.Vivenot / FTV

Une épitaphe précisément datée
La campagne de fouilles dites de sauvetage menée dans les années 80 va mettre au jour des éléments archéologiques suffisamment importants pour que l’école soit déplacée. « Elle a finalement été construite quelques dizaines de mètres plus loin », selon Jérôme Haquet.

« Ici repose l’abbé Albéric (Aubry). Amoureux de la paix, fleuron de la religion et réglant les choses avec patience. La lumière t’a ravi le 3e jour de mai alors que le temps du Tout-puissant courait depuis 1206 années. » Ces phrases, gravées en latin tout autour de la pierre qui recouvrait la tombe, font également de cette découverte un événement.

« D’autres sépultures ont été découvertes sur le site, nous apprend Jérôme Haquet. Certaines avaient été réutilisées pour d’autres corps. Celle d’Albéric de Braine est vraiment la seule dans cet état de conservation et surtout avec autant d’indications. On n’a jamais une date aussi précise, le 3 mai 1206, que celle indiquée sur la stèle funéraire de cette tombe. Elle nous donne un jalon dans l’histoire du site. »

Et s’il est classique que les abbés soient enterrés dans la nef de l’abbaye qu’ils ont dirigée, « il était prisé de se faire inhumer le plus proche possible du chœur — et la tombe d’Albéric de Braine en est la plus proche. »

Braine, une commune proche de Soissons
Alors qui est donc Albéric de Braine ? Braine est une commune située à une vingtaine de kilomètres de Soissons. Albéric n’est pas un total inconnu pour les historiens : son nom apparaît dans les textes de l’abbaye. « On sait qu’il a été éduqué à Saint-Médard. Sa famille apparaît également dans ces archives, révèle Jérôme Haquet. On est en train de reprendre l’historique de cette famille à travers des textes de l’époque. Il a été prévôt puis abbé de 1204 jusqu’à sa mort en 1206. On ne connaît pas sa date de naissance. Les textes le diront peut-être et l’étude anthropologique va nous aider à déterminer l’âge de sa mort. »

La dépouille d’Albéric de Braine est actuellement à Grenoble dans un laboratoire du CEA, le Commissariat à l’énergie atomique. Elle a déjà subi plus de 25 heures d’irradiation pour stopper tout développement bactériologique. Prochaine étape : la tomodensitométrie pour avoir une image en 3D du corps.

L’abbaye de Saint-Médard, un site méconnu
La découverte du corps en quasi parfaite conservation d’Albéric de Braine dans les ruines de l’abbaye de Saint-Médard n’est pas un aboutissement pour l’équipe de scientifiques et d’historiens engagée dans cette aventure. Elle pose un tas de questions qui n’étaient pas prévues : « Est-ce qu’il est le seul à être enterré comme ça ? Si oui, pourquoi ? Cette découverte change l’orientation de notre programme. Mais c’est vrai que ça met un coup de projecteur sur notre travail et sur le site », développe Jérôme Haquet.

Un site pourtant encore largement méconnu, même aux yeux des archéologues. L’objectif des prochaines recherches est de dater les vestiges de l’ancienne église de l’abbaye qui mesurait près de 96 mètres de long et 335 mètres de large. « Pour le moment cette église est globalement datée par tous les spécialistes de l’architecture religieuse médiévale entre la fin de la période carolingienne et la première moitié du XIe siècle, voire pour certains le XIIe siècle. Cette fourchette est beaucoup trop large, elle ne nous convient pas », avoue l’archéologue.

L'épitaphe gravée en latin sur la dalle de la sépulture d'Albéric de Braine découverte sur le chantier de fouilles de l'abbaye Saint-Médard à Soissons apporte une date précise dans l'histoire de l'édifice
L’épitaphe gravée en latin sur la dalle de la sépulture d’Albéric de Braine
découverte sur le chantier de fouilles de l’abbaye Saint-Médard à Soissons
apporte une date précise dans l’histoire de l’édifice. © Crédit photo : Jérôme Haquet

L’abbaye de Saint-Médard n’a donc pas encore livré tous ses secrets. Il faudra encore beaucoup de travail et de sang-froid aux archéologues pour poursuivre le chantier : car « la réussite de cette opération collective [DRAC Hauts-de-France, Département de l’Aisne, Ville de Soissons et le CNRS, NDLR], c’est qu’on ne s’est pas laissés envahir par l’émotion de la découverte et qu’on a réagi très vite pour faire ce qu’il fallait pour préserver l’état du corps, conclut posément Jérôme Haquet. Ce genre de découverte ça n’arrive qu’une fois dans une carrière et encore, ça n’arrive pas à tous les archéologues donc on mesure la chance qu’on a eue. »

Jennifer Alberts
France 3 Hauts-de-France

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