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22 octobre 1906 : mort du peintre Paul Cézanne

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22 octobre 1906 : mort du peintre
Paul Cézanne
(D’après « Quelques maîtres modernes : Whistler, Pissarro,
Fantin-Latour, Constantin Meunier, Paul Cézanne »
(par Charles Morice) paru en 1914
et « Le Figaro » du 21 janvier 1939)
Publié / Mis à jour le dimanche 22 octobre 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 11 mn
 
 
 
De son vivant, Cézanne ne fut pas seulement ignoré de la foule, méprisé par les « philistins » ou les « pompiers » ; la critique ne distingua pas pendant plus d’un tiers de siècle le sens véritable des efforts du peintre. Ses compagnons de lutte furent tout aussi déconcertés, voyant en lui un chercheur chimérique, un essayiste tâtonnant.

Paul Cézanne naquit à Aix le 19 janvier 1839, et mourut dans cette même ville le 22 octobre 1906. Son père était un riche banquier. Au collège d’Aix, où il entra dans sa treizième année, il eut pour condisciple, plus jeune que lui de deux ans, Zola. Les deux enfants se lièrent d’une amitié que les deux hommes longtemps cultivèrent. On sait ce qui les brouilla : le peintre fit le portrait de l’écrivain et celui-ci ne se trouva pas flatté.

De très bonne heure Cézanne montra du goût pour la peinture ; mais la musique et la poésie l’attiraient également. Il est parmi les très rares artistes qu’une complète culture ait mis à même de choisir leur activité. Toute sa vie, du reste, il demeura fidèle à ses premières admirations littéraires, et ce peintre si libre, ce novateur, entre tous les poètes préféra toujours les plus sereinement classiques ; son livre de chevet était, dit-on, l’œuvre de Virgile, qu’il lisait dans le texte.


Paul Cézanne. Timbre émis le 15 mars 1939 dans la série
Commémoratifs et divers. Dessin d’Achille Ouvré

Quant aux « mouvements » qui passionnaient les contemporains romantiques et naturalistes de sa jeunesse et de son âge mûr et les mettaient en demeure d’y prendre parti, on peut croire qu’il leur resta profondément étranger. En Zola même, il accepta un camarade, un défenseur, sans prêter à l’évangile de Médan une importance exagérée. Dans les lettres comme dans les arts, le conseil des maîtres anciens lui suffisait ; la vie présente se bornait pour lui aux joies que donnaient à ses yeux de peintre les jeux colorés de la lumière.

Comment il parvint à la conscience de ces joies, comment dans leur diversité infinie il choisit sa part : c’est toute l’histoire de Paul Cézanne. Il est donc assez peu précieux de noter les deux années qu’il perdit à la faculté de droit d’Aix et son court passage dans la banque de son père. Sa vie d’artiste commence en 1862, à l’académie Suisse du quai des Orfèvres, où il rencontre Pissarro et Guillaumin.

Dès ces débuts il manifeste sa prédilection innée pour la vie régulière, pour les sanctions normales, en se présentant au concours d’admission à l’École des Beaux- Arts et en faisant au Salon officiel un consciencieux envoi. Mais au concours il fut refusé et le jury du Salon l’écarta. Ainsi tout de suite s’affirmait, invincible, fatale, la sincérité de l’artiste. Ce n’était pas pour son plaisir, c’était involontairement qu’il suscitait les indignations, les colères, qu’il se faisait rappeler à l’ordre. L’ordre ! personne n’en eut plus que lui le culte et le scrupule et ce fut l’originalité, mais aussi la tristesse de sa vie de ne pouvoir obtenir, homme par excellence rangé, l’approbation d’esprits qui partageaient en tout ses convictions, sauf en art. Et à coup sûr c’est lui qui représentait contre eux — en art — l’ordre vrai, le seul.

Rejeté par l’officiel et révolutionnaire malgré lui, Cézanne ne tarda pas à faire nombre avec d’autres révoltés, les Impressionnistes, qui guerroyaient, eux, sans regret contre l’École. Il fut de leur première exposition — en 1874, chez Nadar — avec Renoir et Claude Monet, avec Pissarro et Guillaumin. Mais cette date et cette manifestation n’avaient point pour lui la même importance que pour ses compagnons de bataille. Elles marquaient simplement dans l’évolution de son talent une période, la quatrième, à bien compter, et qui ne devait pas être définitive.

La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise (1873). Peinture de Paul Cézanne

La Maison du pendu, Auvers-sur-Oise (1873). Peinture de Paul Cézanne

Il avait commencé par écouter les maîtres du Louvre et Delacroix. C’est l’époque, assez brève, des compositions romantiques, telles que l’Enlèvement, où le jeune artiste montre des qualités de studieuse impersonnalité qu’il dépouillera dès qu’il aura fait la connaissance de Courbet. Il conserva toujours pour Delacroix une estime raisonnée, profonde, et ne cessa de le mettre plus haut que Courbet dans ses admirations. Mais il y avait plus d’harmonie réelle entre ses propres instincts et la vision réaliste de Courbet et, sous l’influence de celui-ci, Cézanne acquit un développement plus fécond et plus décisif qu’il n’avait fait à l’école de Delacroix. Et ce fut la seconde période distincte.

La troisième est illustrée par le nom de Manet et par l’avènement de la couleur claire sur la palette du peintre en perpétuelle recherche, tour à tour romantique et réaliste, mais séduit depuis déjà cinq années aux nouveautés les plus hardies par la parole et l’exemple de Pissarro. Il pouvait donc, il y était logiquement appelé, voisiner sept ans plus tard avec Monet et Renoir, sans, bien entendu, se confondre avec eux, mais sans que sa présence entre eux rompît l’harmonie. On remarquera, en effet, que ces stations successives, bien loin d’être caractérisées par de nets contrastes ou même par des oppositions, sont comme des « temps » du même mouvement. Théodore Duret a bien raison de dire dans son Histoire des peintres impressionnistes (1906) que les influences subies par Cézanne ne marquent pas chez lui des « manières différentes et absolument tranchées ».

Même l’arrêt devant Delacroix n’a rien qui puisse nous déconcerter si, constatant la parenté de Cézanne avec les Impressionnistes, nous nous souvenons que les Impressionnistes réclament en Delacroix l’un de leurs premiers initiateurs. Ainsi, point de tergiversations stériles et nulle erreur de direction : avec Cézanne, « il s’agit d’un homme très ferme et qui s’est tout de suite engagé dans une voie certaine », après avoir cherché, où il était le plus sûr de les trouver, les enseignements les plus précieux.

Dès avant 1874, du reste, en 1872, un événement s’était produit dans sa carrière d’artiste, une révolution dans sa méthode. Il devait s’orienter de là définitivement au but que, dès lors, il ne cessa de poursuivre avec la plus héroïque ténacité : il se décida, Pissarro l’y invitant, à peindre sur nature. Si l’on ne peut affirmer qu’il se réalisa aussitôt dans toute la liberté de sa vision, dans toute la logique de sa conception, dans toute la plénitude de ses dons, il est bien certain que du moins, ce jour-là, il acheva de faire sa propre découverte et s’achemina, en se dégageant chaque jour plus audacieusement des règles et de tout enseignement systématique pour n’être plus que lui-même, vers l’épanouissement définitif.

Il y fallut trois aimées de travail sans trêve, celles qui séparent la première de la seconde exposition des impressionnistes, 1874 de 1877, La Maison du pendu du Portrait de M. Chocquet. Non pas que ce portrait, non plus qu’aucun autre des quinze tableaux — huiles et aquarelles — exposés avec lui, fût au regard même de leur auteur une œuvre parfaite. Mais la définition de nature suggérée par cet ensemble ne correspondait à rien, nulle part, qu’on pût citer d’analogue. La puissance du coloris, la vibration des formes sans précis contours et pourtant déterminées avec une si intense netteté par les rapports des couleurs et les relations des plans, la réalité de l’œuvre en tant que chose peinte pour le plaisir des yeux et sans visées étrangères à la délectation plastique, l’évidence enfin de l’invention d’art, tout cela, qui eût dû imposer au public le respect et la sympathie, le fit rugir d’horreur.

Les joueurs de cartes. Peinture de Paul Cézanne (1890-1895)

Les joueurs de cartes. Peinture de Paul Cézanne (1890-1895)

Cézanne sentit l’inutilité de la lutte et se retira. On vit encore, en 1882, un portrait d’homme, signé de lui, au Salon. Il fut représenté à la Rétrospective de 1889 et à la Centenale de 1900. En 1893, deux toiles de Cézanne étaient entrées au musée du Luxembourg avec le legs de Gustave Caillebotte. Mais les jurys s’entêtaient à mépriser l’admirable inventeur, tandis que soudain la jeunesse allait à lui dans un mouvement de piété dont il faut aimer comme un geste de réparation, de justice, l’hyperbolique outrance. C’est alors qu’un marchand avisé sentit le moment venu de montrer du courage : une première exposition importante de toiles de Cézanne eut lieu, rue Laffitte, en 1895.

En 1901, Maurice Denis exposa un Hommage à Cézanne, qui réunissait, autour d’une œuvre du maître, Odilon Redon, Bonnard, Roussel, Serusier, Vuillard, Mellerio, Vollard et l’auteur. L’artiste vieillissant ne se laissait pas éblouir par cette tardive aurore de sa renommée. Quelles joies, du reste, pouvaient valoir pour lui celles que lui donnait l’étude de la nature ? Et il continuait à chercher, « dans l’espérance de faire enfin un tableau » ! Depuis des années retiré à Aix, riche, inconnu de ses proches, célèbre au loin, — célèbre et discuté, — il travaillait dès les premières heures du jour, levé à cinq ou six heures selon la saison, et s’acharnant jusqu’au soir à « l’étude sur nature ».

Un des citadins de sa ville nous le dépeint ainsi : très grand, des yeux lumineux, un regard d’une acuité troublante, l’air timide, l’allure chavirante. Les gens de son quartier, qui le voyaient passer de très bon matin, avec son vieux manteau couleur de terre, son feutre cabossé, sa cravate dénouée, citaient, quand on les interrogeait sur lui, le nom de son père, le banquier. Il vivait seul. Sa femme et son fils voyageaient. Il accueillait volontiers les jeunes gens : « Je ne peux plus maintenant, disait-il vers la fin, qu’essayer de faire comprendre aux jeunes ma méthode. » Et toujours il parlait d’art avec une passion extrême, s’emportant en termes violents, lui à l’ordinaire si doux, contre ceux qu’il appelait « les Universitaires ». Mais parfois il laissait échapper cette plainte : « Il me vient des doutes sur mon œuvre. » Et puis, son regard clair se rallumait et il communiquait soudain, par un démenti tacite d’une irréfutable éloquence, la confiance absolue qui débordait de son cœur.

Le samedi 20 octobre 1906, il quitta de fort bonne heure, comme de coutume, son appartement de la rue Boulégon pour se rendre à ce qu’il appelait « l’atelier », une maison de campagne à mi-flanc d’une colline, au nord, vers Puyricard ; on domine de là la ville d’Aix et la vallée de l’Arc où flottent en toutes saisons des brumes cotonneuses. En plein air, sur le seuil de la porte, il s’installe avec le modèle, un vieux marin, et se met au travail. Les heures passent, et, tout à coup, vers onze heures, l’artiste tombe, terrassé par une congestion pulmonaire. On le ramène en ville ; sa sœur accourt. Il a des alternatives de délire et de lucidité qui ne laissent pas d’espérance. Il meurt le lundi dans la matinée, doucement.

Hommage des jeunes peintres à Cézanne en 1900. Peinture de Maurice Denis

Hommage des jeunes peintres à Cézanne en 1900. Peinture de Maurice Denis

Cézanne traversa l’impressionnisme, en subit même quelque diminution au contact de Pissarro notamment, et alla plus loin. Il partit à la conquête (mais pour la découvrir il ne se contenta point du procédé analytique) du Style, il voulut la synthèse qui devait lui permettre d’ajouter la joie de son esprit à la joie des yeux ; aux splendeurs dont le moindre coin de nature est une réserve infinie, le sens décoratif dont le secret est dans la pensée de l’homme.

Cette synthèse, Cézanne l’ajoute littéralement à l’analyse. Il veut d’abord posséder la nature telle qu’elle est, telle qu’il la voit, l’établir avec une fidélité scrupuleuse sur sa toile, avec une pieuse obéissance. Seulement ensuite, par un lent travail de communion, de pénétration toujours plus profonde, il s’élève peu à peu à la simplicité transformatrice. Nous sommes loin, n’est-ce pas, de la pure sensation colorée.

Voilà sa découverte et sa méthode. Qui ne sent de quelle sincérité elles procèdent et tout ce qu’elles exigent de science ? Car, pour le dire en passant, ce n’est pas sérieusement qu’on parle d’ignorance à propos de Cézanne. Si, dans son acte d’artiste, il s’est affranchi des systèmes qui eussent troublé d’une présence adultère sa très amoureuse intimité avec la nature, il n’a rien oublié des grands moyens (non pas des recettes) qui pouvaient assurer l’opération de son regard et de sa main et qui fatalement avaient passé de l’observation volontaire et tendue de jadis dans l’inconscient de son esprit parvenu à la haute maturité. Il savait tout, et il le savait innocemment parce qu’il avait l’âme d’un primitif, parce qu’il était venu à la nature comme on va au principe universel de la vie, — mais cette vie universelle devait emprunter à l’orient de son esprit un sens singulier ; comme on va puiser l’eau à une source pure —, mais l’eau prendra toujours la forme de l’urne où on l’aura puisée.

Théodore Duret écrit encore au sujet de Paul Cézanne qu’ « il n’a jamais été attiré que par le spectacle du monde visible. Il n’a point recherché les sujets descriptifs, il a ignoré les emprunts littéraires. L’expression de sentiments abstraits, d’états d’âmes, lui est toujours restée inconnue. Il s’est d’abord consacré à peindre ce qui peut être vu par les yeux, les natures mortes, les paysages, les têtes ou portraits et, comme une sorte de couronnement, des compositions, mais d’ordre simple, où les personnages sont mis côte à côte, sans se livrer à des actions singulières, surtout pour être peints. »

On se tromperait si, de ce résumé de l’œuvre de Cézanne, on inférait que son intellectualité fût faible. Bien au contraire, elle était miraculeusement intense. Mais elle était spécialisée. L’art en faisait l’objet unique. Les êtres et les choses le passionnaient, en qualité d’objets à peindre. Et c’est à peindre qu’il prenait toute sa joie, seulement la joie de peindre, non pas celle de pénétrer spirituellement, sentimentalement, dans la vie de la nature. Et pas plus que spirituel et sentimental, au sens général de ces mots, son art n’est sensuel. Il est sensoriel.

Nature morte aux pommes et aux oranges. Peinture de Paul Cézanne (1899)

Nature morte aux pommes et aux oranges. Peinture de Paul Cézanne (1899)

C’est un art de séparation. La peinture, au regard de ce peintre, existe en elle-même, pour elle-même. La représentation de l’univers ? Le sacrement de l’union entre les hommes ? Le prisme où se réfractent les lumières de la vie ? Le talisman qui livre à un esprit le secret de sa propre vérité ? L’embellissement de la maison de Dieu ou des peuples ? La somme des énergies d’une race, d’un être, d’un temps ? Rien de tout cela : la peinture en soi ; la peinture incurieuse et ignorante de poésie ou de musique, d’architecture même et de sculpture ; la peinture étrangère aux mouvements de la vie ; la peinture but de la peinture et se contentant de nous dire comment deux yeux, les plus lucides du monde, perçoivent les relations des matières colorées.

De Cézanne, voici ce que dirent ses contemporains :

1861. « Je vois Cézanne rarement... le matin il va chez Suisse... puis il va dessiner le reste du jour chez Villevieille ; il soupe, se couche de bonne heure, et je ne le vois plus... (...) Prouver quelque chose à Cézanne, ce serait vouloir persuader aux tours de Notre-Dame d’exécuter un quadrille. » (Lettre d’Émile Zola à Baille) Et dans une autre lettre : « Paul peut avoir le génie d’un grand peintre, il n’aura jamais le génie de le devenir. »

1867. « On m’a parlé encore de deux tableaux refusés dus à M. Sésame (sic), le même qui provoqua en 1863 une hilarité générale au Salon des Refusés — toujours ! — par une toile représentant deux pieds de cochon en croix. M. Sésame a envoyé cette fois à l’Exposition deux compositions, sinon aussi bizarres, du moins aussi dignes d’être exclues du Salon. Les compositions sont intitulées Le grog au vin et représentent : l’un, un homme nu à qui une femme en grande toilette vient apporter un grog au vin ; l’autre, une femme nue et un homme en costume de lazarone : ici le grog est renversé. » (Arnold Mortier, Le Figaro du 8 février 1867)

1872. « Dès le moment que vous cherchez des moutons à cinq pattes, Cézanne pourra vous satisfaire, car il a des études fort étranges et vues d’une façon unique. » (Lettre de Pissarot à Duret)

1874. « Le public du dimanche a jugé à propos de ricaner en face de la fantastique figure qui se présente dans un ciel opiacé, à un fumeur d’opium (la Nouvelle Olympia exposée par Cézanne). Cette apparition d’un peu de chair rose et nue que pousse devant lui, dans le nuage empyrée, une espèce de démon, où s’incube, comme une vision voluptueuse, ce coin de paradis artificiel, a suffoqué les plus braves, il faut le dire, et M. Cézanne n’apparaît plus que comme une espèce de fou, agité en peignant du delirium tremens... » (M. de Montifaud dans L’Artiste, mai 1874)

1876. « Les Impressionnistes ? Cinq ou six aliénés, dont une femme, un groupe de malheureux atteints de la folie de l’ambition. L’absence de toute éducation artistique leur défend à jamais de franchir le fossé profond qui sépare une tentative d’une oeuvre d’art ». (Albert Wolff, Le Figaro du 3 avril 1876)

1877. « Si vous visitez l’exposition avec une femme dans une position intéressante, passez rapidement devant le portrait d’homme de M. Cézanne. Cette tête, couleur de revers de bottes, d’un aspect si étrange, pourrait l’impressionner trop vivement. » (Louis Leroy, Le Charivari du 11 avril 1877)

« L’artiste le plus attaqué, le plus maltraité depuis quinze ans par la presse et par le public, c’est M. Cézanne. Il n’est pas d’épithète outrageuse qu’on n’accole à son nom, et ses oeuvres ont obtenu un succès de fou rire qui dure encore. Pour ma part, je ne connais pas de peinture qui porte moins à rire que celle-là. M. Cézanne est un peintre et un grand peintre. Ceux qui n’ont jamais tenu une brosse ou un crayon ont dit qu’il ne savait pas dessiner et ils lui ont reproché des imperfections qui ne sont qu’un raffinement obtenu par une science énorme. » (Georges Rivière, L’Impressionniste, avril 1877)

« M. Paul Cézanne est un véritable intransigeant, emporté, fantasque. » (A. P., Le Petit Parisien du 17 avril 1877)

Les Grandes Baigneuses. Peinture de Paul Cézanne (1894-1905)

Les Grandes Baigneuses. Peinture de Paul Cézanne (1894-1905)

1880. « L’homme de génie n’est pas né... La lutte des Impressionnistes n’a pas encore abouti ; ils restent inférieurs à l’œuvre qu’ils tentent, ils bégayent sans pouvoir trouver le mot. » (Émile Zola, Le Voltaire du 19 juin 1880)

« Je crois n’avoir jamais vu Cézanne à la Nouvelle Athènes (vers 1880). Il était trop sauvage, un ours mal léché, et il ne venait que rarement à Paris... Comme personne ne montrait le moindre intérêt à ses tableaux, il les laissait traîner dans les champs... On ne saurait dire qu’il n’avait pas de talent... mais ne savait pas exactement ce qu’il voulait. Son œuvre pourrait s’appeler l’Anarchie de la Peinture ou le délire de l’Art. » (Souvenirs de George Moore sur les peintres impressionnistes)

1883. « Voyons, la personnalité de Cézanne m’est profondément sympathique, car je connais par Zola ses efforts, ses déboires, ses défaites, lorsqu’il tente de mettre sur pied une œuvre ! Oui, c’est un tempérament, un artiste, mais en somme, si j’excepte quelques natures mortes qui tiennent, le reste, à mon avis, n’est point si viable. C’est intéressant, curieux, suggestif en réflexions, mais il y a là un cas oculaire certain, dont lui-même se rend compte, m’assure-t-on. À mon humble avis, les Cézanne sont les types de l’impressionnisme non abouti. » (Lettre de J. K. Huysmans à Pissarro)

1888. Cézanne « ce peintre trop oublié... contribue plus que feu Manet au mouvement impressionniste ». (J. K. Huysmans, La Cravache du 4 août 1888)

1896. L’exposition de la rue Laffitte est « un comble », écrit Denoinville, qui dénonce « la cauchemardante vision de ces atrocités à l’huile, dépassant aujourd’hui la mesure de fumisterie légalement autorisée ». (Denoinville, Le Journal des Artistes du 1er décembre 1895)

« Cézanne prend dans l’École française la place du Maître nouveau de la nature morte. » (Nathanson, La Revue Blanche, même date)

« Impuissant de se juger, Paul Cézanne est incapable de tirer d’une conception pourtant neuve tout le profit qu’en ont tiré de plus adroits, trop incomplet, en un mot, pour réaliser ce qu’il avait le premier entrevu et donner dans des morceaux définitifs toute sa mesure. » (Thiébault-Sisson, Le Temps du 22 décembre 1895)

1900. « Jusqu’en 1894 on ne voyait plus que par hasard et en de rares maisons amies, de toiles de Cézanne. On sait qu’il y a un paysage de lui chez M. Zola, un tableau de fruits chez M. Paul Alexis, une étude chez M. Duret et chez M. Huysmans. On apprend que de loin en loin passe un tableau dans la boutique du brave père Tanguy. » (Georges Lecomte, préface du catalogue de la collection Blot)

1903. « S’il n’est plus bafoué comme autrefois, il est regardé encore avec surprise par certains qui ne font pas effort pour comprendre le sens décoratif, l’ampleur de formé, l’éclat de colorations qui font de ce peintre d’Aix-en-Provence une manière de Vénitien, possesseur d’un style nouveau, d’une gravité personnelle. » (G. Geoffroy, La Vie artistique)

« ...Les toiles modernes que Zola avait mêlées à ses fonds de magasin provoquaient dans la foule une hilarité sans mélange. Il y a là une dizaine d’œuvres, paysages ou portraits, signées d’un ultra-impressionniste nommé Cézanne, Pissaro, Claude Monet et les autres peintres les plus excentriques du plein-air et du pointillé – ceux qu’on a appelés les « peintres à confetti » — sont des académiques, presque des membres de l’Institut, à côté de cet étrange Cézanne... » (Henri Rochefort, L’Intransigeant du 9 mars 1903)

1904. « Cézanne n’était qu’un lamentable raté ; peut-être avait-il des idées, mais il était bien incapable de les exprimer. » (La Lanterne du 15 octobre 1904)

« Cézanne doit sa réputation à Zola ». (Jean Pascal, Le Salon d’Automne)

1906. « Cézanne, vainqueur avec Zola pendant un petit moment, se classe définitivement parmi les vaincus ». (Max Nordeau, Von Kust und Kuenstlern)

« Le monde ne me comprend pas. Et moi, je ne comprends pas le monde. C’est pourquoi je me suis retiré ». (Paul Cézanne, cité par J. Rewald)

 
 
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