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Fête nationale du 14 juillet : célébration sans saveur d'une Révolution démythifiée

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L’Histoire éclaire l’Actu
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Fête nationale du 14 juillet :
célébration sans saveur
d’une Révolution démythifiée
(D’après « Le Gaulois », paru en 1912)
Publié / Mis à jour le vendredi 14 juillet 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 3 mn
 
 
 
Une trentaine d’années après l’instauration en 1880 de la fête nationale du 14 juillet, l’académicien René Doumic observe, narquois eu égard au caractère prévisible de la chose, la désaffection populaire pour ces réjouissances qui, censées rappeler l’avènement d’une ère de liberté, sonnent désormais faux dans un monde en ayant fini avec la « religion de la Révolution »

Comme chaque année, et chaque année un peu plus, la fête nationale s’est déroulée dans un ennui morne, écrit René Doumic au lendemain du 14 juillet 1912. Les rues désertes, les volets clos. Le peuple souverain témoigne d’une souveraine indifférence. « Les premières années, me confiait un aimable employé de la préfecture, le nombre des pochards augmenta dans des proportions considérables ; maintenant, il est sensiblement le même que les dimanches ordinaires. » L’enthousiasme s’en est allé.

Vous me direz : « C’est que tout s’use ; on s’habitue à tout, même à avoir pris la Bastille. » Il y a une autre raison, bien plus profonde, avance notre académicien. C’est que personne aujourd’hui, même parmi les républicains les plus solides et les révolutionnaires meilleur teint, n’est plus dans l’état d’esprit qui jadis fit choisir cette date du 14 juillet, pour y placer la fête de la Nation. Certes elle n’a jamais rappelé que de tristes exploits. Mais on lui attribuait le mérite d’avoir inauguré une ère nouvelle. On faisait partir d’elle une hégire. On lui prêtait, comme à la Révolution elle-même, une vertu sacro-sainte. Or c’est ce qu’on n’est plus d’humeur à y voir. C’est cette dévotion que les plus fervents ne retrouvent plus en eux. Nous avons assisté, au cours du dix-neuvième siècle, à un essai pour attribuer à la Révolution un caractère mystique. Ce paradoxe a cessé de plaire. Ce vain échafaudage s’est écroulé. Nous en avons fini avec la « religion de la Révolution ».

Vue de la décoration et illumination faite sur le terrain de la Bastille pour la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790

Vue de la décoration et illumination faite sur le terrain
de la Bastille pour la Fête de la Fédération du 14 juillet 1790

C’étaient des poètes qui avaient commencé : Lamartine, Michelet, Victor Hugo. Reprenant la phraséologie révolutionnaire, ils l’avaient prise au pied de la lettre. Ils avaient fait de la Révolution un être abstrait et fantastique, pareil à ces divinités farouches qui dévoraient leurs enfants. Tout ce sang versé était la rosée féconde qu’exigeaient les moissons futures. Ce chaos furieux était la genèse d’un monde nouveau et meilleur. La grandeur de l’œuvre suscitait des ouvriers à la hauteur.

De Mirabeau à Fouquier-Tinville, de Danton à Carrier, de Marat à Robespierre, c’étaient des monstres, parce que c’étaient des géants. Un mystère s’accomplissait dont ils étaient les instruments surhumains. Il fallait être devant eux dans une horreur sacrée... La dernière expression de ce culte fut la théorie utilitaire du « Bloc », due à M. Clemenceau. Mais le Bloc est en poussière, et le même M. Clemenceau qui l’avait baptisé vient de prononcer son oraison funèbre. C’est un signe entre beaucoup d’autres. Soyez tranquilles Je me bornerai à en indiquer quelques-uns, de tout récents, et qui crèvent les yeux.

Parmi ces signes, René Doumic retient notamment la déformation que l’esprit public a fait subir à l’idée d’où était sortie l’institution d’une fête au 14 juillet, et qui a changé cette fête en une protestation vigoureuse contre l’évangile révolutionnaire et rousseauiste. L’idéal nouveau que les philosophes avaient lentement élaboré et dont, le 14 juillet 1780, les intellectuels d’alors saluèrent l’avènement, c’était l’idéal humanitaire : la fraternité universelle, la paix à tout prix, plus de guerres, plus de frontières.

Or, pour le Parisien d’aujourd’hui, explique l’académicien, le 14 juillet c’est la revue de Longchamp — jusqu’en 1914, le défilé militaire se déroule à l’hippodrome de Longchamp. C’est la revue et ce n’est pas autre chose. Ce sont les beaux régiments qui défilent, conduits par leurs officiers sabre au clair, ce sont les escadrons en ordre de combat, l’artillerie et le roulement des caissons, la charge, le salut au drapeau. Alors, dans tous ces cœurs français qui ne forment plus qu’un seul cœur, une même émotion grandit. Sur la plaine où ondule la féerie bariolée des uniformes surgit une image, celle de la patrie. De toutes les poitrines sort une même clameur : « Vive l’armée ! »... ce qui, pour un jour de fête humanitaire, est un chef-d’œuvre de traduction libre.

Cette fête ne fait plus ses frais. Tout le monde s’en rend compte, si bien qu’on a déjà songé à la remplacer par une autre. Et celle qui doit la remplacer s’est imposée d’elle-même au choix de tous les Français. Il ne peut y avoir en France qu’une fête nationale, celle de Jeanne d’Arc. On essaiera de la laïciser, cela va sans dire. Mais on aura beau faire. Le jour où l’on célébrera la bonne Lorraine, dont l’épée victorieuse a chassé l’Anglais et qui, de ses bras défaillants, serrait le crucifix sur sa poitrine, cette fête sera celle de la tradition française que la Révolution s’était efforcée de détruire.

C’est la littérature qui jadis avait mis une auréole à la Révolution, poursuit René Doumic. C’est la littérature qui aujourd’hui la lui retire. En ce sens, remarque-t-il, il est très curieux de constater le changement qui s’est produit dans le langage des écrivains d’extrême-gauche. Les frères de Goncourt ont exprimé quelque part dans leur Journal, le dégoût que leur inspirait le genre de déclamation qui nous occupe ici et qu’ils appelaient, dans leur jargon, la religionfication de la Révolution :

Fête de la Fédération le 14 juillet 1790

Fête de la Fédération le 14 juillet 1790

« Ce qui domine avant tout dans cette mare d’assassinats, c’est l’odeur de la bêtise. La Révolution a eu beau se faire terrible, elle est foncièrement bête. Sans le sang elle serait niaise, sans la guillotine elle serait burlesque. Otez à ces grands hommes, à Robespierre, à Marat, leurs nimbes de bourreaux, l’un n’est plus qu’un professeur de rhétorique filandreux, Gracchus Pet-de-loup, et l’autre un maniaque, un aliéné caricatural. Oui, ôtez le sang de la Révolution, et le mot : C’est trop bête ! vous viendra à la bouche devant ce ramas d’imbécillités cannibalesques et de rhétorique anthropophage. Il faut le lire pour le croire, pour croire que cela est arrivé en France, il n’y a pas cent ans : le règne, la dictature homicide du bas, de la loge, de l’office, du portier, du domestique, de toutes les jalousies et délations d’inférieurs. »

Ces Goncourt, qui parlent ainsi, étaient de petits gentilshommes à qui il ne déplaisait pas de se donner un air d’ancien régime, explique Doumic. Ils ne pardonnaient à la Révolution ni d’avoir guillotiné Marie-Antoinette, ni d’avoir substitué à l’art des petits maîtres du dix-huitième siècle les grandes machines dans le genre de David. Sans doute.

Plus loin, René Doumic observe qu’il n’y a pas longtemps encore, l’invocation aux Grands Ancêtres était, lors des débats parlementaires et des réunions publiques, un des lieux communs les plus en faveur. On y rendait des oracles au nom d’un dogme révélé. Le creux de cette théorie déclamatoire est enfin apparu. Le mirage s’est dissipé. Les faux grands hommes sont ramenés à leur taille véritable. Pour l’académicien, la Révolution, dépouillée des mythes l’ayant longtemps préservée, peut enfin être analysée comme un fait. Or les faits, conclut-il, se jugent à leurs conséquences, et ces conséquences, nous les avons sous les yeux, hélas.

 
 
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