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18 mai 1799 : mort de Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais

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18 mai 1799 : mort de
Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
(D’après « Dimanche illustré » paru en 1924 et « Oeuvres complètes
de Beaumarchais » (par Édouard Fournier) édition de 1876)
Publié / Mis à jour le jeudi 18 mai 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 9 mn
 
 
 
Tour à tour horloger, professeur de musique, homme de cour, diplomate, écrivain, armateur de navires et éditeur, Beaumarchais, qui notamment imposa la reconnaissance du droit d’auteur, eut l’existence la plus agitée et la plus féconde qui soit en péripéties

Né Pierre-Augustin Caron, Beaumarchais passa longtemps pour un homme à qui tout réussissait, et une femme d’esprit du XVIIIe siècle à qui on demandait ce qu’elle pensait de l’auteur du Barbier de Séville, répondait : « Il sera peut-être pendu, mais la corde cassera. » Cette prédiction ne se réalisa pas, et Beaumarchais eut la chance de mourir dans son lit, mais après d’innombrables aventures, dont quelques-unes furent des plus douloureuses. On peut dire sans exagération qu’il n’y a pas d’homme du XVIIIe siècle qui ait eu une vie plus brillante et plus bruyante, aussi remplie d’entreprises diverses et qui ait connu la fortune aussi rapide, pour retomber à la médiocrité.

Il naquit à Paris, le 24 janvier 1732, rue Saint-Denis, à Paris ; il était le dixième enfant de Charles Caron, horloger, possédant un magasin important. Le jeune Caron se mit à étudier consciencieusement son métier, et créa un nouvel échappement, dont l’invention lui fut reconnue par l’Académie des Sciences.

Très entreprenant, il parvint à se faufiler à la cour, et dans une lettre du 3 juillet 1754, il avait donc vingt-deux ans, nous lisons : « J’ai enfin livré la montre au roi, de qui j’ai eu le bonheur d’être reconnu d’abord et qui s’est souvenu de mon nom... La montre en bague de Mme de Pompadour n’a que quatre lignes de diamètres, on l’a fort admirée. Tous les seigneurs suivent l’exemple du roi et chacun voudrait être servi le premier. J’ai fait aussi pour Mme Victoire [fille de Louis XV] une petite pendule curieuse, dans le genre de mes montres ; le roi a voulu lui en faire présent ; elle a deux cadrans et, de quelque côté que l’on se tourne, on voit l’heure qu’il est. »

Pierre-Augustin Caron. Peinture de Jean-Marc Nattier réalisée en 1755

Pierre-Augustin Caron. Peinture de Jean-Marc Nattier réalisée en 1755

Musicien habile, il jouait à la perfection de la flûte et de la harpe, instrument alors très à la mode ; il parvint à se faire admettre comme professeur de harpe par les filles de Louis XV. Il tournait agréablement le vers et composait des romances sentimentales, qu ’il apprenait à ses élèves. Le roi aimait venir de temps en temps assister à ces petits concerts intimes.

Il épousa successivement deux veuves qui avaient de la fortune, dit un de ses biographes. Sa première femme, épousée en 1756 et qui mourut en 1758, lui laissa un petit domaine, « Beaumarchais », dont il prit dès lors le nom qu’il illustra. Cinq ans après, il acheta une charge de secrétaire du roi qui conférait la noblesse, et le voilà gentilhomme portant l’épée.

Sa seconde femme, épousée en 1768 et qui mourut en 1770, lui aurait laissé un héritage assez considérable. Un nommé Paris Duverney lui devait 15 000 livres quand il mourut, et, comme son légataire universel, le comte de la Blache, refusait de les payer, il dut plaider, et c’est au cours de ce procès que, suivant l’usage du temps, il intéressa un de ses juges, Goëzman, à sa cause en versant une somme d’argent à Mme Goëzman, et c’est contre ce juge, pour se faire rendre son pot-de-vin, qu’il rédigea ces fameux Mémoires qui suffiraient à eux seuls pour donner de la célébrité à son nom. Quant à Goëzman, il dut abandonner sa charge, qu’il quitta en 1774 couvert d’un peu de honte et de beaucoup de ridicule.

En 1764, Beaumarchais avait soulevé un violent incident ayant occupé les chancelleries. Un littérateur espagnol, Clavijo, qui tenait un emploi à la cour de Madrid, était fiancé à une sœur de Beaumarchais ; au dernier moment, il refusa de l’épouser. Le frère accourt à Madrid, parvient jusqu’auprès du roi et obtient de Clavijo une déclaration signée par laquelle celui-ci reconnaît « avoir manqué sans excuse à une dette d’honneur ». Goethe a fait de cette anecdote un drame curieux.

Rentré à Paris, Beaumarchais eut en 1775 un différend avec un grand seigneur à propos d’une courtisane et, quoique toutes les formes de correction et de sang-froid fussent de son côté, il n’en fut pas moins enfermé à Saint-Lazare, où on mettait les jeunes gens de famille ayant commis des méfaits, mais qu’on ne voulait pas poursuivre par considération pour les leurs. Beaumarchais avait pourtant déjà fait jouer le Barbier de Séville — première représentation le 23 février 1775 —, qui avait obtenu un grand succès, que compléta celui du Mariage de Figaro (1784), succès tel que, quelques années après, Marie-Antoinette voulut représenter la pièce sur son petit théâtre de Trianon. Le comte d’Artois interprétait Almaviva, et la reine, Rosine. Son séjour à Saint-Lazare fut de très courte durée : cinq jours. Il se lia alors avec le comte de Sartine, lieutenant de police à qui il allait bientôt devoir une fière chandelle.

En mars 1774, Louis XV envoya Beaumarchais à Londres pour essayer d’étouffer à prix d’argent les pamphlets — et notamment les Mémoires secrets d’une femme publique, menaçant la comtesse du Barry et Louis XV — qu’on y publiait sous l’inspiration et la direction d’un misérable, Charles Théveneau de Morande, qui vivait assez grassement des scandales qu’il suscitait et qu’il arrêtait contre de fortes rémunérations. Beaumarchais s’acquitta avec succès de sa mission, Morande écrivant lui-même dans une lettre datée du 30 mai 1774 : « La brûlure de l’ouvrage, montant à six mille exemplaires, s’est faite dans un four à briques près de Londres, quartier de Saint-Pancras, le 27 avril dernier, jour que le roi de France est tombé malade. »

Dazincourt jouant en 1786 le rôle de Figaro dans Le Barbier de Séville

Dazincourt jouant en 1786 le rôle de Figaro dans Le Barbier de Séville

Cette maladie de Louis XV, bientôt suivie de sa mort survenue le 10 mai 1774, fit perdre à Beaumarchais ce qu’il attendait de cette affaire, si bien menée, et sur le succès de laquelle roulait, quoiqu’elle ne fût pas absolument honorable, l’espoir de sa réhabilitation. « J’admire, écrivit-il sous le coup, la bizarrerie du sort qui me poursuit. Si le roi eût vécu en santé huit jours de plus, j’étais rendu à mon état, qu’ iniquité m’a ravi. J’en avais sa parole royale. »

Que faire ? Trouver moyen de se rendre nécessaire au nouveau roi, Louis XVI, comme il a été utile au précédent. Le lieutenant de police Sartine s’y prêta : lui-même étant menacé dans sa charge, un service rendu pour lequel il serait de quelque chose pourrait ne pas lui nuire à la conserver.

Six semaines après le début de son règne, Louis XVI apprit par de Sartine qu’un nouveau libelle menaçait, du côté de Londres encore, mais contre la reine cette fois, écrit par un certain Guillaume Angelucci. Sartine songea à Beaumarchais pour régler ce problème, et le roi fit tenir à ce dernier le billet suivant : « Le sieur de Beaumarchais, chargé de nos ordres secrets, partira pour sa destination le plus tôt qu’il lui sera possible ; la discrétion et la vivacité qu’il mettra dans son exécution sont la preuve la plus agréable qu’il puisse me donner de son zèle pour mon service. À Marly, 10 juillet [1774]. Louis. »

Beaumarchais ne négligea rien pour remplir l’œuvre difficile et un peu délicate dont on l’avait chargé, et il écrivait, l’année suivante à de Sartine : « J’ai fait, depuis le mois de mars dernier, plus de dix-huit cents lieues. J’ai coupé le sifflet à trois monstres, en détruisant deux libelles et en arrêtant l’impression d’un troisième. Pour cela, j’ai laissé mes affaires au pillage, j’ai été trompé, volé, assassiné, empoisonné, ma santé est détruite, mais qu’est ce que tout cela fait, si le roi est content ? Faites qu’il me dise seulement : je suis content, et je serai le plus content du monde. »

Si la première représentation du Barbier de Séville, le 23 février 1775, donna lieu à de sévères critiques, Beaumarchais ne se tint pas pour battu. Sifflé le jeudi, il eut en un tour de main remanié sa comédie pour le dimanche, ratissé, balayé, émondé ce qui avait déplu. La nouvelle mouture de la pièce ne parut cependant que vers la fin juillet 1775, ce retard le devant au fait que Beaumarchais s’était déjà remis dans ces affaires plus ou moins cachées, et plus ou moins lointaines, dont son esprit avait le flair, son activité le besoin.

Il était à Londres, et, comme toujours, sans qu’on sût bien pourquoi. On l’apprit plus tard : le rachat d’une correspondance entre feu Louis XV et le chevalier d’Éon — diplomate occulte avec lequel le souverain correspondait directement —, que Louis XVI voulait à tout prix reprendre aux mains de celui-ci, qui pouvait la rendre compromettante, l’occupa d’abord. Depuis une affaire très grave que Louis XV avait éteinte en imposant à d’Éon de se travestir en femme de façon à rendre un duel impossible, l’ancien capitaine de dragons était ainsi vêtu, assez imberbe, avec une vois très peu masculine, et tout le monde le prenait désormais pour une femme, Beaumarchais compris.

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Gravure réalisée d'après un dessin d'Émile Bayard et parue dans Oeuvres complètes de Beaumarchais, par Édouard Fournier (édition de 1876)

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Gravure réalisée
d’après un dessin d’Émile Bayard et parue dans Œuvres complètes
de Beaumarchais, par Édouard Fournier (édition de 1876)

Lorsque commencèrent les négociations du rachat des lettres, notre dramaturge sut, avec la plus étonnante rouerie, en profiter pour coqueter et feindre une passion qui, en flattant la fatuité de l’autre, put le lui gagner, et l’amener à lui faire des conditions meilleurs. On s’amusa beaucoup de l’aventure, jusqu’à dire qu’elle finirait par un mariage. Beaumarchais ne paraît pas avoir été jamais détrompé sur le compte de d’Éon. Le marché fut scellé fin 1775, Beaumarchais s’acquittant une fois encore brillamment de la mission que le roi lui avait confiée.

Rentré de Londres, Beaumarchais songea à ses affaires personnelles et entreprit de faire parvenir des armes, des vivres et des munitions aux insurgés d’Amérique, opération difficile, car les Anglais arrêtaient les navires français qui apportaient là-bas les marchandises dont les colonies anglaises révoltées avaient besoin. Cet appui aux Américains avait un but des plus élevés : il s’agissait, en somme, de prendre la revanche de la guerre de Sept Ans (1756-1763), qui avait enlevé à la France toutes ses colonies.

Beaumarchais fonda alors une maison de commerce assez riche et assez forte pour tenir tête même aux corsaires britanniques. Il commença par ouvrir au Congrès de Philadelphie un crédit de dix millions. En peu de temps, il fit parvenir en Amérique des centaines de canons, 125 000 fusils, 25 000 équipements, des bombes et de la poudre en quantité. La France n’était pas encore en hostilité ouverte avec l’Angleterre, et lord Stormond, l’ambassadeur anglais, obtenait du gouvernement de Paris qu’un des vaisseaux, l’Heureux, qui était dans le port de Marseille, fût déchargé deux fois. Enfin, après dix mois, le navire put partir en contrebande. L’année suivante, le gouvernement se décidait à agir, et le comte d’Estaing sortait de Toulon avec douze vaisseaux de ligne, apportant les troupes françaises qui, sous les ordres de La Fayette, allaient assurer l’indépendance du Nouveau Monde.

Le 1er janvier 1779, le Congrès adressait une sorte de proclamation publique à Beaumarchais, dans laquelle on le remerciait de « ses opérations en faveur des États-Unis et des avances considérables qu’il avait déjà faites ». La proclamation se terminait par ces mots : « Vous gagnez l’estime de cette république naissante, et vous recevez les applaudissements unanimes du Nouveau Monde. »

Quand la guerre fut terminée, les États-Unis devaient encore à Beaumarchais plus de cinq millions, qu’il ne toucha jamais de son vivant ; les Américains, oubliant les grands services qu’il leur avait rendus, discutèrent, et ce ne fut qu’en 1835 que les héritiers, lassés, acceptèrent une somme bien inférieure à ce qu’était le capital ; quant aux intérêts, ils furent abandonnés.

En quatre ans, Beaumarchais n’avait pas fait équiper moins de douze vaisseaux, chargés de marchandises et armés de canons, qui partaient du Havre, de Saint-Nazaire, de La Rochelle, de Bordeaux et de Marseille. Nous n’avons pas l’état des bénéfices de Beaumarchais dans cette entreprise aventureuse, mais ils furent sûrement très considérables et s’élevèrent à plusieurs millions.

C’est après cet épisode que Beaumarchais s’occupa de deux affaires d’un tout autre genre : de l’édition des œuvres de Voltaire et de la fondation de la Société des auteurs dramatiques. Mme Denis, la nièce et l’héritière de Voltaire, s’était adressée au grand éditeur Pancoucke pour publier une édition complète des œuvres du célèbre écrivain. Celui-ci accepta tout d’abord, puis, devant les difficultés de l’entreprise, y renonça. Beaumarchais reprit l’affaire, paya fort cher les manuscrits inédits, d’ailleurs peu intéressants. Il organisa une papeterie dans les Vosges, fit fondre des caractères spéciaux, acheta du margrave de Bade un fort démantelé à Kell, au delà du Rhin, pour n’avoir pas à craindre les tracasseries de la censure, et y installa une imprimerie. Il confia la direction littéraire à Condorcet et publia deux éditions, une en 70 volumes sur grand papier et l’autre en 92 volumes plus petits ; les derniers exemplaires furent tirés en 1790.

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Gravure du XIXe siècle de Zéphirin Belliard (1798-1861)

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Gravure du XIXe siècle de Zéphirin Belliard (1798-1861)

Au point de vue commercial, ce fut une mauvaise opération. Beaumarchais avait engagé plusieurs millions et il ne put en récupérer qu’une partie, mais il attacha son nom à une des entreprises de librairie les plus hardies du XVIIIe siècle et qui ne fut dépassée que par la publication de l’Encyclopédie.

On comprend qu’avec les soucis de ces grosses fournitures Beaumarchais ne devait pas beaucoup s’occuper des droits d’auteur que pouvaient lui rapporter ses pièces de théâtre, qui étaient surtout pour lui une question d’amour-propre. Cependant, il trouva que les comédiens, suivant leur habitude, en prenaient vraiment trop à leur aise. Il leur demanda un bordereau de recettes ; après six mois, on lui en fournit un ridicule.

C’est alors qu’il réunit vingt-trois auteurs dramatiques, qui, après trois ans de pourparlers, de 1777 à 1780, décidèrent qu’à l’avenir, au lieu de donner une somme fixe pour chaque pièce, somme d’ordinaire dérisoire, les comédiens devraient payer un pourcentage à raison des recettes effectuées, comme le faisaient, d’ailleurs, les comédiens italiens depuis 1775. C’était toute une révolution dans les mœurs théâtrales. Les comédiens refusèrent tout d’abord, mais finirent par se rendre, sous la pression des gentilshommes de la Chambre. La Révolution se chargea du reste.

Entre temps, et pour se reposer, Beaumarchais levait et équipait un régiment pour le prince de Nassau à qui il en faisait l’avance, et ce prince, connaissant les relations étendues de l’auteur du Mariage de Figaro, le priait d’intervenir auprès de l’archevêque de Paris pour lui demander l’autorisation d’épouser une princesse polonaise, séparée d’un premier mari qui était vivant. L’archevêque fit à Beaumarchais un excellent accueil, mais ne put accorder ce que l’on réclamait, les règles de l’Église étant formelles. L’archevêque de Varsovie fut moins exigeant et accorda ce que celui de Paris avait refusé.

Dans le même temps, Beaumarchais, très homme d’affaires et hardi spéculateur, avait pris des intérêts dans la Compagnie des eaux de Paris, société fondée en 1778 qui, au moyen d’aqueducs, voulait distribuer l’eau dans les maisons de la capitale. Il eut une retentissante polémique avec Mirabeau, alors peu connu, mais qui était déjà dépourvu de scrupules. Des financiers parisiens qui avaient spéculé sur la baisse des actions de la compagnie, chargèrent Mirabeau (1786) de discréditer ces dernières par des pamphlets.

Ce fut Beaumarchais, qui était un fort actionnaire, qui fut prié de rétorquer les mauvaises raisons du gentilhomme taré. Il appela ces pamphlets d’un mot méprisant qui obtint beaucoup de succès : « des Mirabelles ». Entre temps, il s’était rendu acquéreur des coupes de bois de la forêt de Chinon, qu’il fit exploiter par des centaines d’ouvriers et dont il tira un grand profit.

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Gravure (rehaussée ultérieurement à l'aquarelle) réalisée d'après un dessin de Julien-Léopold Boilly et parue dans Le Plutarque français, vies des hommes et femmes illustres de la France, avec leurs portraits en pied (Tome 5, édition de 1866)

Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais. Gravure (rehaussée ultérieurement
à l’aquarelle) réalisée d’après un dessin de Julien-Léopold Boilly et parue
dans Le Plutarque français, vies des hommes et femmes illustres de la France,
avec leurs portraits en pied
(Tome 5, édition de 1866)

Survint la Révolution de 1789. Beaumarchais venait de faire construire près de la Bastille, sur les bords de la Seine, une magnifique habitation au milieu de beaux jardins et qui lui avait coûté des sommes considérables. Cette propriété avait été élevée sur un terrain acheté à la ville de Paris et qui servait autrefois de rempart. Il avait écrit sur la porte :

Ce jardin fut planté
L’An premier de la liberté.

Beaumarchais se montra d’abord favorable aux idées nouvelles et fut même nommé membre de la Commune. En juillet 1793, il logea dans sa nouvelle demeure 800 confédérés de province, venus pour la fête de la Fédération. Quand on demanda des dons patriotiques, il donna le quart de ses revenus et 12 000 livres aux pauvres du faubourg Saint-Antoine.

Mais les événements, qui marchaient avec une extrême rapidité, ne tardèrent pas à l’effrayer. Dénoncé par ses ennemis, il dut subir plusieurs visites domiciliaires. On prétendait qu’il cachait du blé et des armes, ce qui n’était pas exact. Un jour, un millier de gardes nationaux et de gens furieux envahirent sa maison : on ne trouva rien ; quoique les caves fussent remplies de vin, aucune barrique ne fut défoncée, et on fit remarquer aux domestiques que personne n’avait touché à la montre de Beaumarchais suspendue au chevet de son lit, ni aux autres bijoux qui se trouvaient dans la maison. Une femme ayant coupé quelques fleurs, on faillit la noyer dans un bassin du jardin.

Ces visites se renouvelant et ayant même lieu pendant la nuit, Beaumarchais fut obligé de se cacher chez des amis. Marat était parmi ceux qui le poursuivaient de leurs dénonciations répétées. II fut un moment enfermé à l’Abbaye, où il eut pour compagnons Mlle de Sombreuil et son père. Délivré par Manuel, précisément le 2 septembre 1792, la veille des massacres, il parvint à se réfugier dans la campagne et de là gagna l’Angleterre après avoir obtenu des passeports, promettant de rapporter de Hollande 85 000 fusils pour lesquels il avait traité un marché.

Pendant ce temps, il était dénoncé à la Convention comme entretenant des relations avec l’ennemi. Il fut décrété d’accusation et un mandat d’arrêt fut lancé contre lui. Très courageusement, il rentra en France pour se disculper, ce à quoi il parvint. De nouveau il est autorisé à retourner en Hollande où se trouvent ces fameux fusils qui lui appartiennent, mais que les Hollandais refusent de lui livrer. Réfugié à Londres, il est inscrit sur la liste des émigrés, ses biens sont séquestrés, sa sœur, sa femme, sa fille, sont arrêtées. Expulsé de Londres, il s’en alla à Hambourg, d’où il revint le 6 juillet 1796.

Il avait à peu près tout perdu, ses papiers avaient été saisis, ses propriétés confisquées, sa maison presque démolie. Il se mit courageusement à revendiquer ses biens et ses droits, mais, le 18 mai 1799, fut trouvé un matin mort dans son lit, frappé d’une attaque d’apoplexie foudroyante. On crut un moment à un suicide, mais on reconnut que c’était une erreur. Il avait soixante-trois ans. Sa mort mit fin à une vie des plus agitées qui soient et à une vieillesse injustement douloureuse.

Suivant sa volonté, il fut enterré dans un bosquet qu’il avait préparé à cette intention dans son jardin. Ce fut Colin d’Harleville qui prononça son éloge au nom de ses amis et des auteurs dramatiques. Tombeau et jardin disparurent en 1836, quand la propriété de Beaumarchais fut expropriée pour cause d’utilité publique et remplacée par le boulevard qui porte son nom.

 
 
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