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Recrudescence grand banditisme. Augmentation violence. Moyens perfectionnés employés par criminels et malfaiteurs. Société sans foi, sans idéal

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L’Histoire éclaire l’Actu
L’actualité au prisme de l’Histoire, ou quand l’Histoire éclaire l’actualité. Regard historique sur les événements faisant l’actu
Recrudescence inquiétante des violences
faites aux personnes observée voici un siècle
(D’après « La Presse », n° du 25 mars 1912)
Publié / Mis à jour le dimanche 15 janvier 2023, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 4 mn
 
 
 
Le quotidien La Presse, observant une recrudescence du grand banditisme, un perfectionnement des moyens techniques utilisés par les malfaiteurs et une violence des attaques sur les personnes que l’on pensait révolue dans une société civilisée, met en lumière l’absence de scrupules des auteurs de crimes, sans doute liée à l’absence d’idéal de la génération nouvelle...

Le progrès du banditisme s’affirme avec éclat. L’audace des malfaiteurs ne connaît plus de bornes et nous avons en pâture un brigandage au moins par jours. Aux temps passés, le banditisme a fleuri invariablement dans les époque de désorganisation et de désordre. La guerre de Cent Ans laisse le champ libre aux routiers, aux « Tard-Venus », aux « Écorcheurs ». Quand la paix renaît et que le pouvoir royal se fortifie, les pillards disparaissent, mais les guerres intestines du XVIe siècle leur ouvrent de nouveau la carrière et c’est le moment où sévit le féroce « Compère Guilleri », dont la chanson populaire perpétue le souvenir :

Il était un p’tit homme
Tout habillé de gris...

L’anarchie spontanée du XVIIIe siècle fait éclore Cartouche, puis Mandrin, ces deux prototypes du bandit romanesque, qui dépouillaient les gens avec des façons de grand seigneur. Enfin, les troubles de la Révolution soulèvent les bas-fonds de la populace, qui sèment la terreur jusqu’au fond des provinces : c’est le règne des « chauffeurs », d’effrayante mémoire.

Les bandits de la Drôme à l'oeuvre en 1908

Les bandits de la Drôme à l’œuvre en 1908

On pouvait croire ces temps révolus. Le désordre aujourd’hui est dans les esprits ; mais le pouvoir central est fortement armé, la société possède de puissants moyens de protection et de défense ; la police est méthodiquement organisée, dotée par la science de procédés nouveaux d’investigations, les tribunaux exercent régulièrement leur rôle répressif, et, s’il est impossible de prévenir les crimes isolés, il semblait que les crimes en bandes, les séries d’attentats à force ouverte contre les personnes et les biens fussent définitivement relégués parmi les souvenirs d’un autre âge.

Cependant il n’en est rien. Déjà, ces dernières années, les sanguinaires exploits des bandits des Flandres et des bandits de la Drôme avaient montré l’impuissance de cet arsenal si bien outillé. C’étaient de vulgaires malfaiteurs, qui cheminaient pédestrement sur les grand’routes, pénétraient la nuit dans les maisons écartées, tuaient, volaient, emportaient leur butin et recommençaient plus loin. Ils n’employaient dans leurs lâches et farouches besognes aucun moyen perfectionné, et n’en réussirent pas moins à tenir en échec les forces sociales, à passer longtemps à travers les mailles du filet, à courber des contrées entières, des mois et des mois, sous la terreur qu’ils répandaient.

Maintenant, le nouveau jeu est entré en scène. Les malfaiteurs se sont avisés que certains engins modernes, tels que l’automobile, décupleraient leur force. Ils en ont appris le maniement, et le vol dans les garages est devenu leur besogne préliminaire. Ce n’est pas une fin, mais un moyen ; une fois en possession de l’outil, commencera le véritable travail.

Et on les voit, montés sur ces citadelles roulantes, armés de brownings et prêts à tous les assassinats, commettre en pleine rue, le jour, au nez des passants, des agressions d’une hardiesse déconcertante, comme celle dont fut victime le garçon de recette Caby. Le coup fait, la sacoche enlevée, ils sautent en voiture, menacent de leurs revolvers la foule apeurée. Un tour de volant, et le monstre de fer gronde, s’enfuit, emporte les bandits à une allure vertigineuse, sans que rien les désigne à la vindicte publique.

L’automobile, qui accroît leur puissance et leur audace, étend aussi leur rayon d’action. Ils entreprennent des randonnées fantastiques, se transportent du nord au midi avec une rapidité foudroyante et le public n’est pas remis de la stupeur d’un premier exploit qu’ils en ont déjà commis d’autres à quelques cents lieues.

C’est, redoutable comme il ne le fut jamais, le banditisme « en grand », plus cynique, plus effronté, plus brutal qu’avec les fameux devanciers, et non moins soigneusement organisé : car de telles opérations impliquent une discipline stricte et toute une hiérarchie, un état-major d’exécutants solides et résolus, des indicateurs perspicaces, habiles à discerner les « coups » à faire, une tourbe crapuleuse d’espions, de receleurs, de laveurs de titres, de revendeurs, d’affiliés de toute sorte, où hommes et femmes s’associent dans une criminelle complicité.

Périlleuse, assurément, est la tâche de la police aux prises avec des forbans de cette envergure. Elle a réussi à en dépister quelques-uns et à les mettre à l’ombre, sans y laisser de plume ; mais, dans le même temps, les autres continuent à la narguer et le sinistre Garnier lui corne aux oreilles les pires menaces.

Chef de file, celui-ci paraît s’être instruit à l’école des héros de roman. Arsène Lupin déteint sur lui. Non pas que sa « manière » soit la même ; Lupin, champion du cambriolage, opère par la souplesse et la ruse ; l’étourdissante virtuosité de ses exploits évite les hécatombes sanglantes. Garnier, au contraire, est la violence en personne et n’agit que le revolver au poing. Mais il a la même façon désinvolte et fanfaronne de faire la nique au commissaire, et ses lettres à la Sûreté sont pleines d’une ironie méprisante qu’à l’orthographe près le gentleman-cambrioleur ne renierait pas.

Attaque de train par trois malfaiteurs en 1921

Attaque de train par trois malfaiteurs en 1921

Et, de même qu’Arsène Lupin se délectait sous cape du désarroi de Canimard, on peut imaginer le malin plaisir du bandit devant l’effet de ses épîtres, insolemment authentiquées de ses empreintes digitales ! Il ne fut pas banal, en effet, le branle-bas de combat du quai des Orfèvres. On attendait Garnier, puisqu’il avait annoncé sa visite et qu’on ne pouvait soupçonner un tel gentilhomme de renier sa parole. On l’attendait : les postes étaient doublés, des sentinelles postées dans les coins et recoins, un véritable état de siège ! Les revolvers prêts à partir, lestaient les poches et les policiers, pour plus de précautions, gardaient la main dessus. A la moindre alerte, pan ! pan ! une horrible dégelée de pruneaux !

Si quelque brave homme affolé ou quelque matamore aux allures impétueuses avait fait irruption, sans penser à mal, parmi ce personnel sur le qui-vive, une méprise était vite faite et le compte du pauvre diable était bon. Quant à Garnier, il a naturellement brillé par son absence, comme le soleil de ce début de printemps. Il court encore et doit bien rire. Mais rira bien qui rira le dernier !

Les grandes vedettes du crime semblent d’ailleurs avoir redoublé par leur exemple l’activité de leurs pâles imitateurs. C’est, du haut en bas de l’échelle, une émulation malfaisante, et ces moindres seigneurs rivalisent de toupet et d’adresse. Percer des volets de fer au vilebrequin et faire main basse sur les bijoux n’est qu’un jeu qui s’exécute de jour et de nuit, avec tranquillité. Fracturer des tiroirs-caisses, éventrer des coffres-forts, c’est l’enfance de l’art. Escalader six étages à l’heure du déjeuner, forcer les chambres de domestiques, rafler leurs économies péniblement amassées, est un exercice fort à la mode et de tout repos. Le fait divers criminel traverse une période de remarquable prospérité.

On conçoit que, devant cette recrudescence, les Parisiens s’alarment pour leur sécurité. Des mesures s’imposent pour purger la grande ville, devenue un véritable repaire. Un débat qui a duré plusieurs jours s’est élevé à l’Hôtel de ville sur cette question primordiale et urgente ; on l’a examinée sur toutes ses faces, on a proposé vingt moyens propres à ramener la confiance chez les honnêtes gens. Il faut espérer que tout ne se bornera pas à des paroles que M. Lépine trouvera sous la Coupole, où il siège maintenant, d’heureuses et efficaces inspirations.

Mais les moyens empiriques ne peuvent être que des expédients dans une situation qui relève de la moralité générale. C’est l’esprit public qu’il faudrait réformer, c’est l’éducation qu’il faudrait refaire, ce sont aussi certaines lois néfastes qu’il faudrait refondre. La génération nouvelle, élevée sans foi et sans idéal, se montre aussi sans scrupules. Aux fruits on reconnaît l’arbre : l’arbre devrait être abattu. Malheureusement c’est la seule chose dont one ne se soucie, et l’on s’obstine à vouloir corriger les effets sans remonter à la cause.

 
 
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