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17 mars 1904 : ouverture de la première foire de Paris

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Éphéméride, événements
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17 mars 1904 : ouverture de
la première foire de Paris
(D’après « La Nouvelle revue » de mars-avril 1904,
« L’Écho des jeunes : journal littéraire » du 1er mai 1904
et « Le Journal du Dimanche » du 3 avril 1904)
Publié / Mis à jour le dimanche 17 mars 2024, par Redaction
 
 
Temps de lecture estimé : 7 mn
 
 
 
Essai tenté par un groupement important de petits industriels et commerçants désireux de faire, en France, ce qu’on pouvait voir à Leipzig, c’est-à-dire grouper des marchandises de toutes sortes pour convier les acheteurs de détail à effectuer leurs commandes, la première foire de Paris se tint dans les locaux du Marché du Temple, bâtiments originellement en bois et abritant depuis le début du XIXe siècle le trafic du vieux linge, des hardes et des chiffons, avant d’être reconstruits en acier et en verre en 1863 puis au deux tiers démolis en 1905

Les foires sont des réunions publiques, à des époques fixes, en un lieu déterminé, dont le but principal est de faciliter les transactions commerciales, en réunissant sur un même point les intérêts les plus divers, en rapprochant l’offre de la demande, en restreignant au minimum le nombre des intermédiaires, et, caractère moderne des foires, en présentant aux visiteurs et acheteurs les modèles les plus perfectionnés de l’industrie.

Dès longtemps, et avant même sans doute que la classe des marchands se fût constituée, producteurs et consommateurs avaient trouvé le moyen de s’aboucher directement au moyen des foires et marchés. Ces réunions publiques avaient alors un caractère international et maritime. Les peuples de l’Orient apportaient sur les marchés de l’Europe, et sur leurs vaisseaux, des esclaves et les produits de leur sol et de leur industrie. Les aventures de Sindbad le Marin dans les Mille et une Nuits nous font une peinture pittoresque des procédés en usage dans cette phase du commerce.

Marché du Temple en 1840
Marché du Temple en 1840

Le Moyen Âge vient. Le caractères des foires se modifie. De grandes solennités religieuses ont lieu à des époques fixes. Elles provoquent un grand mouvement dans le peuple épris de mystère et de religion. Il va à la foire religieuse pour racheter ses péchés. Ce concours de population vers un lieu saint détermine des besoins : besoins de subsistances, besoins de plaisirs. Il faut leur donner satisfaction.

Le marchand suit de près le moine, et aux alentours des basiliques et des églises se dressent bientôt les auvents qui abritent les marchandises variées, et où viennent s’approvisionner les pèlerins et les visiteurs. Insensiblement, le côté commercial de ces solennités prend le pas sur le côté religieux. Les transactions se font entre peuples.

En 629, le roi Dagobert fonde la Foire de Saint-Denis qui durait quatre semaines, « afin que les marchands de l’Espagne, de la Provence et des autres contrées pussent y assister. » On se rappelle encore la foire du Landit qui donnait lieu à de belles manifestations de l’Université de Paris.

Successivement nos rois fondent la foire de Saint-Lazare ou de Saint-Ladre qui durait huit jours, la foire de Saint-Germain, la foire Saint-Ovide, la Foire du Temple, où l’on vendait surtout de la mercerie et des fourrures, enfin la foire aux jambons, provoquée par les redevances de viande de porc payées au clergé de Paris. En province, les foires de Champagne, de Provins, de Guingamp, de Montpellier, de Nlmes, et notamment la Foire de Beaucaire, étaient célèbres et fort achalandées.

L’étranger suit les mêmes procédés suscités par les mêmes besoins. L’Angleterre avait fondé, à Londres, une grande foire qui avait lieu à la Saint-Barthélemy. En Hollande, les foires d’Amsterdam et de Rotterdam étaient renommées ; les peuples de l’Italie se rencontraient à la foire de Sinigalia. L’Allemagne avait tout droit d’être fière de ses grandes réunions de Leipzig, et la Russie, plus tard, acquérait une réputation universelle par son immense foire de Nijni-Novogorod.

Les faits successifs de ces diverses manifestations commerciales marquent jusqu’à nos jours une évolution significative du système des échanges dans les foires. Les marchands assemblés à l’occasion de certaines solennités n’ont d’abord qu’un but : pourvoir à la satisfaction des besoins individuels des hommes venus en grand nombre pour assister à des manifestations religieuses ou commerciales. C’est la foire au détail dans toute sa simplicité. Puis, les foires perdent de leur caractère religieux pour devenir l’objet de grandes transactions commerciales.

Vue de l'ancien Marché du Temple, démoli en 1863
Vue de l’ancien Marché du Temple, démoli en 1863

Ce sont surtout des marchands qui viennent s’approvisionner auprès d’autres marchands. Les ventes au détail se raréfient, les ventes en gros deviennent la règle. Mais l’évolution n’est pas terminée. L’invention des chemins de fer, la transformation de l’outillage économique bouleversent les conditions de la production et du système des échanges. À de nouvelles situations commerciales, il faut adapter de nouveaux moyens d’achat et de vente. Pour continuer de subsister, les foires doivent modifier leur caractère.

Les facilités des communications, leur rapidité rendent très aisés les approvisionnements dans les localités les plus modestes. Il est donc inutile de se rendre dans les centres éloignés pour faire des achats à des époques déterminées. Le marché local ou voisin y suffit. Le marchand ainsi que l’acheteur ne recherchent plus le produit lui-même qu’ils sont toujours certains de trouver sur place ou à proximité. Ils exigent l’un et l’autre le modèle perfectionné, le plus avantageux de prix, le plus durable, le mieux façonné et le mieux présenté. Pour contenter et retenir sa clientèle, le marchand est dans l’obligation de se procurer des produits possédant tous ces avantages.

Il ne les trouvera pas toujours chez le fabricant habituel ou dans le grand magasin d’en face. Force lui est de rechercher la nouveauté, « le dernier cri » de la fabrication. Il faut donc qu’ils se transporte dans les centres commerciaux et industriels où l’occasion peut lui être fournie de faire un choix parmi les plus récents spécimens des inventions industrielles. Il est, en outre, dans la nécessité de se rendre compte de l’état des prix des objets ainsi offerts au choix des acheteurs. L’obligation s’impose à lui de voir les divers échantillons des nouveautés créées par les fabricants, de supputer, par l’examen des prix de revient, le bénéfice légitime qu’il pourra percevoir par la vente des produits fabriqués.

La foire moderne réunit toutes ces conditions. Elle a évolué avec les exigences nouvelles de la production et des échanges. La foire n’est plus une vente au détail ou en gros pendant quelques jours, c’est une véritable Exposition de produits nouveaux, limitée, il est vrai, par sa durée et par le nombre des objets exposés, mais Exposition réelle par la comparaison des produits, par l’émulation qu’elle provoque entre concurrents, par l’absence de livraisons immédiates, par le nombre et l’importance des transactions commerciales qu’elle suscite.

Voyant le jour en 1904, la foire de Paris se tint au sein des bâtiments du marché du Temple, lieu chargé de souvenirs historiques. Il exista en effet jadis à cet endroit un vaste enclos que le roi Louis VI concéda à l’ordre des Templiers qui depuis quelques années avait pris racine dans la bonne ville de Paris. On y construisit une église, une cuisine, un réfectoire, un colombier, une écurie, des moulins et une grosse tour, masse imposante et sombre dont les murs étaient en pierres de taille d’une solidité à toute épreuve, et qui devint plus tard la prison de Louis XVI et de sa famille.

Marché du Temple : le Pavillon de Flore
Marché du Temple : le Pavillon de Flore

L’enclos devint bientôt une forteresse inexpugnable où Philippe le Bel crut devoir cherche un refuge pour ses trésors et sa propre personne lors d’une mutinerie du peuple. Le Temple était lieu d’asile pour les criminels, les prévenus politiques et les débiteurs auxquels on louait fort cher de petites chambres ; ce droit subsista jusqu’au commencement de la Révolution où l’ordre fut supprimé et ses biens confisqués par la nation. La tour fut démolie en 1811, lorsque s’achevait au même endroit la construction d’un marché.

En effet, le trafic du vieux linge, des hardes et des chiffons se faisait jadis place des Innocents et place aux Veaux. Les consuls de la République décrétèrent le 16 mars 1807 son transfert sur le domaine du Temple, et l’édifice, dont la construction eut lieu de 1808 à 1811, fut exécuté sur les dessins de l’architecte Molinos. Il comprenait notamment 4 carrés.

Le premier, le plus riche et le plus élégant, s’appelait le Palais-Royal : on y vendait des chapeaux, des coiffures et des bonnets aux petits bourgeoises et aux grisettes dont la bourse était peu garnie. Le second était le Pavillon de Flore, réservé aux choses du ménage, draps, matelas, rideaux, layettes et serviettes, ce qui permettait à l’ouvrier de se mettre à peu de frais dans ses meubles. Le troisième, dit la Forêt-Noire, était le réceptacle des loques et des guenilles. Enfin venait le Pou-Volant, pour les cuirs et la ferraille d’occasion.

Une cloche annonçait l’ouverture et la fermeture du marché, mais ce qui était le plus curieux, c’étaient les marchandes elles-mêmes dont la politesse obséquieuse se changeait en injures si l’on avait le malheur de ne pas répondre à leur appel engageant.

Tout cela était en bois avant sa reconstruction en 1863, presque tout en fer, en briques et en verre — en face du square du Temple aménagé en 1857 —, et c’est dans ces nouveaux bâtiments que se déroula la première foire de Paris, en 1904, du 17 au 26 mars. Un chroniqueur du Journal du Dimanche témoigne de l’effervescence qui y règne alors, les stands des marchands s’alignant pour former de larges travées enguirlandées de fleurs et ornées de drapeaux. Les industries les plus diverses voisinent alors. Toutes sont françaises, car seule la production nationale est admise et beaucoup sont surtout parisiennes. C’est ce qu’on appelle l’article de Paris, cet art charmant, menu et gracieux, spirituel et pimpant, qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

C’est la bimbeloterie aimable, la fantaisie nouvelle qui emprunte son succès à l’événement du jour, c’est l’invention moderne, le jouet inédit, car tous les corps de métiers sont représentés à la foire de Paris, depuis les objets de toilette, jusqu’aux denrées alimentaires. En un mot, c’est une exposition universelle en miniature, moins les gros frais, ce qui permet aux négociants de montrer leurs nouveaux produits. Les acheteurs étrangers prendront peu à peu l’habitude de se rendre à cette foire pour choisir, avant de donner leurs commandes, et il résultera de ces visites un stimulant pour les producteurs. La concurrence est en effet l’âme du commerce, et les maisons rivales feront assaut pour réunir sur les objets présentés au public le maximum de beauté combiné avec le minimum du prix de revient.

Marché du Temple : Carré de la Forêt-Noire
Marché du Temple : Carré de la Forêt-Noire

Rien de plus instructif, d’ailleurs que la lente promenade à travers les stands décorés de draperies rouges, bleues, vertes ou jaunes, selon le goût des exposants. Ici, ce sont des appareils d’éclairage, lampes électriques, portatives, lampes à alcool, girandoles pour gaz et électricité ; là, des ustensiles pour laiterie, tonneaux à beurre, écrémeuses instruments à traire ; plus loin sont les couveuses artificielles, les parcs à poules, les cages, les clapiers perfectionnés, les instruments aratoires, puis voici les meubles, les lits démontables, présentant, le jour, l’aspect de larges et moelleux fauteuils, la nuit, de couchettes élégantes et pratiques.

Le pèlerinage continue, et pendant qu’on dévale le long des larges travées, les graphophones clament, de leurs voix nasillardes, les refrains à la mode : l’hymne russe, la Marseillaise et jusqu’au chant national japonais, devenu très en vogue.

Les céramistes se sont distingués, et l’un d’eux a exposé tout un assortiment de poteries aux formes curieuses, aux couleurs invraisemblables ! Il est intéressant d’observer les tonalités étranges qu’on peut obtenir par le plus ou moins de cuisson. Ainsi, rapporte encore le chroniqueur du Journal du Dimanche, j’admire un bizarre petit godet à fleurs, tout contourné, comme si on l’avait pétri à coups de poings, et qu’un four trop chaud a nuancé capricieusement d’urne teinte originale, un vert de gris mat, strié de reflets bleus. Avec cela très bon marché, ces grès flammés qui pourront, jeter leur note artistique dans les plus modestes intérieurs.

Les joujoux, comme toujours tiennent une large place à la foire de Paris ; c’est un article qui sent son boulevard. Où trouverait-on ailleurs des pantins si humoristiquement fins, des polichinelles à la trogne aussi amusante que celle de ces pittoresques bossus que le pinceau de Manet a immortalisés ? Le jouet de bois est le plus parisien de tous les jouets, et il y en a une magnifique collection depuis la poupée de quelques sous, jusqu’aux grands chevaux articulés qui sont la joie des bambins.

Légion, les maisons de cartes postales qui offrent des variétés innombrables de petits cartons coloriés. Cette mode s’est tellement répandue qu’elle alimente maintenant toute une catégorie de travailleurs ; la nouveauté du jour, c’est la carte postale articulée, une assez peu esthétique fantaisie représentant des personnages et des animaux qui, actionnés par une ficelle grimacent et se trémoussent à l’envi.

L’exposition de céramite attire le public, émerveillé de voir les œuvres de nos sculpteurs connus, éditées en bronze, en grès, en doux. C’est une nouvelle composition qui permet d’imiter d’une façon très parfaite les métaux, les émaux décoratifs et les grès flammés. C’est la falsification du vrai luxe, une industrie curieuse qui est appelée à rendre de grands services dans la décoration murale des appartements à bon marché.

Première foire de Paris tenue au Marché du Temple. Photographie publiée dans Le Monde illustré du 26 mars 1904
Première foire de Paris tenue au Marché du Temple.
Photographie publiée dans Le Monde illustré du 26 mars 1904

Les boîtes démontables arrêtent aussi l’attention des visiteurs : boîtes à gants, à mouchoirs, à chapeaux, cartons de mercerie, se plient et se déplient à volonté. En un clin d’œil, vous êtes pourvus de trois, quatre énormes boîtes et en une seconde, comme sous le coup d’une baguette magique, ces boîtes se sont réduites au point de ne plus former qu’un petit paquet insignifiant, qu’on peut serrer dans le tiroir d’une armoire à glace. On conçoit toute la commodité de cette invention pour les Parisiens dont les logements exigus ont été si bien définis par un humoriste écrivain : « Placards pour enfermer la famille. » Au retour d’un voyage, malles et cartons à chapeaux sont remisés dans le plus petit espace possible et un coup de pouce les rend à leur destination dès qu’il en est besoin.

Nombreux aussi sont les articles de ménage : fourneaux de cuisine à foyers mobiles qui brûlent simultanément houille et alcool ; casseroles en aluminium, moules de toutes sortes, appareils de chauffage aussi variés que compliqués, et qui ne vaudront jamais le joli feu de bûches tout grésillant que connaissaient seules nos grands-mères.

Naturellement, conclut notre chroniqueur, la foire de Paris ne saurait rappeler les vieilles foires de Saint-Denis, de Saint-Germain ou de Saint-Lazare qui étaient pour les bons bourgeois d’alors, occasions de réjouissances et de franche lippée, mais c’est une initiative intéressante qui favorisera le commerce et surtout cette catégorie si méritante des petits producteurs dont l’ingéniosité crée parfois des modèles curieux, trouvailles qui se perdent, faute d’encouragement.

 
 
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