LA FRANCE PITTORESQUE
Dis-moi qui tu hantes,
je te dirai qui tu es
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Publié le vendredi 17 décembre 2021, par Redaction
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Ce sont les fréquentations qui déterminent la personnalité
 

Ce proverbe, si remarquable dans sa simplicité originale et concise, existe chez la plupart des peuples modernes ; mais il est plus ancien chez les Arabes que chez les autres, car il se trouve textuellement dans le Recueil des sentences d’Ali ibn Abi Talib (VIIe siècle), cousin et gendre de Mahomet, le prophète.

Quant à la pensée qu’il exprime, elle est d’une très haute antiquité. Les premiers sages savaient fort bien qu’on prend les mœurs des personnes qu’on fréquente assidûment, et ils avaient pour maxime qu’on devient bon avec les bons et méchant avec les méchants.

La communication, en effet, a tant d’influence sur l’homme, qu’elle ne lui permet pas d’avoir un caractère à soi. Elle le modifie et lui pétrit une âme sur le moule de ses liaisons. Elle nourrit Achille avec la moelle des lions chez les Centaures, et l’habille en femme parmi les courtisans de Lycomède. On ne saurait donc se tromper en préjugeant de la moralité d’un individu d’après celle de ses intimes. Ils le caractérisent, et c’est en eux qu’il faut le chercher, s’il prend le parti de dissimuler. On doit à coup sûr l’y trouver tel qu’il est.

Noscitur ex socio qui non cognoscitur ex se (Celui qu’on ne connaît point par lui-même se fait connaître par son compagnon).

Puisqu’il est avéré de temps immémorial que les actions humaines sont généralement déterminées moins par la raison que par un penchant naturel à l’imitation, il s’ensuit que la règle la plus importante de l’éducation est de n’offrir à la jeunesse que des exemples dignes d’être imités. Ces exemples peuvent animer d’une généreuse émulation les natures les plus apathiques.

Les Persans disent, dans un proverbe formulé par Saady : Le chien des sept dormants, enfermé avec eux dans la même caverne, finit par devenir un homme ; fait merveilleux que des commentateurs du Coran ont ajouté à la légende chrétienne qui rapporte que sept nobles jeunes gens d’Ephèse, pour se soustraire à la persécution de l’empereur Dèce, se cachèrent dans la cavité spacieuse d’une montagne et y restèrent miraculeusement endormis jusqu’à l’avènement de Théodose le Jeune, c’est-à-dire durant cent soixante-dix-sept ans.

Malheureusement les bons exemples n’excitent trop souvent qu’une admiration stérile, tandis que les mauvais ont une contagion dont la force agit même sur les esprits qui semblent les plus propres à y résister par la solidité de leurs principes. C’est une remarque très fine et très judicieuse du moraliste Nicolas Chamfort (1740-1794) que, quelque importuns, quelque insupportables que nous paraissent les défauts de ceux avec qui nous vivons, nous ne laissons pas d’en prendre une partie ; être la victime de ces défauts étrangers à notre caractère n’est pas même un préservatif contre eux.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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