LA FRANCE PITTORESQUE
Chat (Un) nommé Brillant
tué par le roi Louis XVI
(D’après « Mémoires de Madame la vicomtesse de Fars Fausselandry
ou Souvenirs d’une octogénraire », paru en 1830)
Publié le samedi 21 septembre 2013, par Redaction
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Le chat de la comtesse de Maurepas était un des personnages les plus considérables et les plus considérés de la cour ; il avait lui-même une cour particulière, composée de ce qu’il y avait de plus illustre à Versailles...
 

C’est la vicomtesse de Fars Fausselandry qui nous apprend dans ses Mémoires que Brillant était le nom de ce chat ; il jouait un rôle important ; on demandait le bulletin de sa santé, on parlait de lui comme s’il eût été prince du sang. Placé auprès de sa maîtresse, sur un carreau somptueux de velours rouge, richement brodé en or, il recevait, avec une noble nonchalance, les hommages des courtisans.

Malgré tant de grandeur, Brillant était chat, et comme un fer cruel ne l’avait pas souillé, l’amour restait pour lui le premier besoin de la vie. Quelque précaution que l’on prît, quelque soin que l’on eût de lui procurer, comme au défunt monarque, les moyens de contenter ses capricieuses affections, cela ne la satisfaisait point encore : quelquefois le seigneur chat redevenait simple matou, abandonnait la pompe des appartements de la comtesse de Maurepas, et, ni plus ni moins que le dernier des roturiers de son espèce, se mettait à courir les greniers, les galetas et les gouttières.

Ses courses amoureuses le conduisirent à un atelier de serrurerie que Louis XVI s’était fait arranger dans les combles du château, et Brillant, par hasard ou par goût, se plaisait en ce lieu. Les ébats qu’il y prenait causèrent du désordre ; le roi s’en aperçut, et un jour qu’il entrait inopinément dans son atelier, le chat Maurepas, ne s’étant point sauvé à temps, fut atteint d’un coup de marteau que le roi lui porta sans le reconnaître, et le matou fut tué sur la place.

C’était à une époque assez orageuse : la révolte produite par la cherté du blé, et la guerre qui se préparait avec l’Angleterre, devaient sans doute donner de vives inquiétudes au ministre d’Etat Jean Frédéric Phélypeaux de Maurepas. Eh bien ! il demeura prouvé que les grands événements politiques lui causaient moins de trouble, de chagrin et d’embarras qu’il n’en eut d’abord pour annoncer à sa femme la perte cruelle qu’elle venait de faire, et pour la consoler ensuite dans ses regrets.

La comtesse de Maurepas fit retentir le château de ses cris, se plaignit, toute en larmes, de la barbarie de Louis XVI, et ses plaintes mettaient dans une position difficile les courtisans qui venaient lui faire leurs compliments de condoléance. Le roi envoya le baron de Breteuil en ambassade vers la comtesse pour tâcher de l’apaiser, et le monarque ne fut pas moins content des talents diplomatiques que ce ministre déploya à cette époque, qu’il ne l’avait été de ses négociations à Vienne. On ne parla pendant huit jours, dans Versailles, que du chat de Mme de Maurepas.

M. de Breteuil fut récompensé du succès de sa mission par un portrait en pied de Brillant, que le comte de Maurepas lui donna avec une pompe singulière. Le baron le plaça dans l’endroit le plus apparent de son appartement, où il resta jusqu’au jour de la mort du premier ministre.

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