LA FRANCE PITTORESQUE
15 juin 135 : mort de l’abbé Vertot, historien
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Publié le vendredi 14 juin 2013, par Redaction
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A l’époque où l’on écrivait l’histoire dans le système des anciens, à peu près comme on écrit un ouvrage de théâtre, l’abbé de René Aubert de Vertot se fit un grand nom par quelques compositions brillantes. Visant à l’effet, s’inquiétant peu de l’exactitude, il sut exploiter avec talent les défauts d’une méthode, qui passait alors pour n’en point avoir. Ses torts, comme historien, doivent donc être mis sur le compte de son siècle, ses qualités sur celui de son esprit.

Né au château de Bennetot, dans le pays de Caux, le 25 novembre 1655 ; entraîné d’abord par une ardente piété vers l’existence monastique, le jeune Vertot passa du collège des Jésuites au séminaire, et du séminaire à un couvent de Capucins. Mais la robe de bure frottant sur ses jambes nues, dont l’une avait subi naguère une opération, mit en péril la vie du néophyte : les instances de toute une famille, jointes aux consultations des médecins, le déterminèrent à choisir une règle moins austère, et il entra chez les Prémontrés, dont l’abbé de Colbert le nomma bientôt prieur. Cette nomination blessait les règles du droit canonique, et bien que ratifiée par le pape, le titulaire s’en démit ; sollicitant comme indemnité une simple cure, il obtint celle de Croissy-la-Garenne, près de Marly.

Pour en finir avec ce qu’on appela dans le temps les Révolutions de l’abbé de Vertot, disons qu’après avoir possédé une seconde cure dans le pays de Caux, il l’échangea contre une troisième, située aux portes de Rouen. En 1701, nommé membre associé de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, il n’y vint siéger qu’en 1703, et, en 1705, il fut nommé académicien pensionnaire. Après la publication de son dernier ouvrage, le duc d’Orléans, fils du Régent, le nomma secrétaire-interprète, puis secrétaire des commandements de la princesse de Bade, qu’il venait d’épouser. L’abbé de Vertot eut un revenu considérable, un logement au Palais-Royal, où il mourut. La dernière partie de sa vie n’aurait connu que le bonheur, sans les infirmités cruelles qui vinrent l’accabler.

C’est en 1689 que parut l’Histoire de la conjuration de Portugal, suivie, sept ans après, de l’Histoire des révolutions de Suède. L’Histoire des révolutions de la république romaine leur succéda ; enfin, l’Histoire de l’ordre de Malte ferma la carrière. D’universels applaudissements saluèrent chacune de ces œuvres, qui se ressemblent beaucoup plus que la différence des matières n’aurait dû le permettre.

Partout même coloris, mêmes formes, même ordonnance : un esprit vif et indépendant, mais peu de recherches ; de l’intérêt, mais nulle vérité au-delà d’un cercle vulgaire. Toute la méthode de l’abbé de Vertot se trouve résumée dans cette réponse à ceux qui lui offraient des documents curieux sur le siège de Rhodes : Mon siège est fait.

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