LA FRANCE PITTORESQUE
2 juin 1676 : Louise de la Vallière,
favorite de Louis XIV,
fait profession aux Carmélites
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Publié le vendredi 31 mai 2013, par Redaction
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La conversion de Louise de la Vallière et la pénitence dans laquelle elle persévéra pendant plus de trente-cinq ans, et jusqu’à sa mort, est un de ces prodiges dont le siècle de Louis XIV, si fécond en tout genre de merveilles, fut singulièrement illustré et édifié.

Louise-Françoise Baume le Blanc, duchesse de la Vallière, se distingua dès ses premières années par un caractère de sagesse qui la faisait remarquer. Dans une occasion où des jeunes personnes de son âge montrèrent beaucoup de légèreté, Monsieur, frère du roi, dit tout haut : « Pour mademoiselle de la Vallière, je suis bien assuré qu’elle n’y aura pas eu de part ; elle est trop sage pour cela. » Elle avoua depuis, elle-même, que ce témoignage éclatant et honorable, rendu à la prudence de sa conduite, fut pour elle une blessure mortelle, et devint la cause de ses malheurs et de ses chutes.

Quand Monsieur, frère de Louis XIV, épousa Henriette d’Angleterre, mademoiselle de la Vallière fut mise auprès de Madame en qualité d’une de ses filles d’honneur ; elle se fit aimer et estimer à la cour, moins encore par ses grâces extérieures, que par un caractère de douceur, de bonté et de naïveté qui lui était naturel. Mais elle avait le cœur extrêmement tendre et sensible, et cette sensibilité l’a trahie. Elle vit Louis XIV, et l’aima. Ce prince de son côté, se livra avec transport à une passion dans laquelle il goûtait le plaisir si rare d’être aimé uniquement pour lui-même.

Mademoiselle de la Vallière fut, pendant deux ans, l’objet caché de tous les amusements galants et de toutes les fêtes que le roi donnait. Enfin, lorsque leurs sentiments eurent éclaté, il créa pour elle la terre de Vaujour en duché-pairie, sous le nom de la Vallière. La nouvelle duchesse, recueillie en elle-même et renfermée dans sa passion, ne prit aucune part aux intrigues de la cour, et ne s’en mêla que pour faire du bien. C’est le témoignage que lui rend madame de Sévigné, dans une de ses lettres, où elle oppose sa modestie à la vanité de madame de Fontanges. « On dit que la belle beauté (madame de Fontanges) a pensé être empoisonnée, et que cela va droit à demander des gardes ; elle est toujours languissante, mais si touchée de la grandeur, qu’il faut l’imaginer précisément le contraire de cette petite violette qui se cachait sous l’herbe, et qui était honteuse d’être maîtresse, d’être mère, d’être duchesse : jamais il n’y en aura sur ce moule. »

Vertueuse, dans son égarement, elle n’oublia jamais qu’elle faisait mal, mais elle espérait toujours de faire mieux. C’est ce qui lui fit recevoir avec beaucoup de joie le remerciement d’un pauvre religieux qui lui dit, après avoir reçu d’elle l’aumône : « Ah ! madame, vous serez sauvée ; car il n’est pas possible que Dieu laisse périr une personne qui donne si libéralement pour l’amour de lui. »

Dieu se servit de l’inconstance du roi, pour la ramener. La duchesse de la Vallière s’aperçut en 1669, que madame de Montespan prenait de l’ascendant sur le cœur du monarque ; elle supporta quelque temps le chagrin d’être témoin du triomphe de sa rivale. Elle se croyait encore heureuse d’être considérée du roi qu’elle aimait toujours, et de le voir sans en être aimée.

Enfin elle rompit entièrement ses liens en 1674, et se retira au couvent des Carmélites de Paris. Madame de Maintenon, a qui un jour elle avait confié son projet, dans une chasse du roi, lui ayant dit : « Mais, madame, comment soutiendrez-vous toutes les rigueurs de la vie d’une carmélite, vous, accoutumée dès l’enfance à la mollesse et aux plaisirs ? » « Ah ! madame, répondit-elle, quand j’y trouverai des peines, je n’aurai qu’à me rappeler toutes celles que m’ont fait souffrir ces deux personnes » (en montrant le roi et madame de Montespan.)

Le jour où elle entra au couvent des Carmélites, elle alla se jeter aux genoux de la prieure, en lui disant : « Ma mère, j’ai toujours fait un si mauvais usage de ma volonté, que je viens la remettre entre vos mains, pour ne plus la reprendre. » Aussitôt que le temps de son noviciat fut expiré, elle fit profession. « La duchesse de la Vallière, dit madame de Sévigné, dans une lettre du 3 juin 1676, fit hier profession... Elle fit cette action, cette belle, comme toutes les autres, c’est-à-dire d’une manière charmante ; elle est d’une beauté qui surprit tout le monde ; mais ce qui vous étonnera, c’est que le sermon de M. de Condom (Bossuet) ne fut point aussi divin qu’on l’espérait. »

La conversion de madame de la Vallière fut aussi célèbre que sa tendresse. Se couvrir d’un cilice, marcher pieds nus, jeûner rigoureusement, chanter la nuit au chœur dans une langue inconnue, tout cela ne rebuta point la délicatesse d’une femme accoutumée à l’a mollesse et aux plaisirs. Elle vécut dans ces austérités depuis 1676 jusqu’en 1710, sous le nom de sœur Louise de la Miséricorde.

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