LA FRANCE PITTORESQUE
21 mai 1810 : mort du chevalier
d’Eon de Beaumont
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Publié le jeudi 21 mai 2015, par Redaction
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La diplomatie a toujours affectionné les énigmes : qu’elle cherche à jeter des doutes sur le caractère et les discours de ses agents, on le conçoit sans l’approuver ; mais qu’elle étende cette ambiguïté jusque sur leur sexe, c’est ce qu’on a peine à croire, et cependant ce qu’on a vu dans au XVIIIe siècle.

Un homme, qui s’était distingué par des qualités brillantes et des talents variés, qui avait rempli, au nom de son souverain, des missions délicates à la cour de Russie et d’Angleterre, qui avait manié l’épée avec autant de succès que la plume, et dont la croix de Saint-Louis avait payé les services, le chevalier d’Eon, qui depuis quatorze ans vivait à Londres dans une espèce d’exil, reçut tout-à-coup de M. de Vergennes l’ordre de reprendre les habits de son sexe, c’est-à-dire la jupe et la coiffe ; et, après quelque résistance, il obéit à cet ordre singulier. A ces conditions, il revit sa patrie.

Charles de Beaumont, chevalier d'Éon

Charles de Beaumont, chevalier d’Éon

Sous ce nouveau costume, le guerrier-diplomate, qui touchait à sa cinquantième année, se montra publiquement à Paris et à Londres : dans cette dernière ville, le chevalier, ou plutôt la chevalière, réduite à la détresse par les événements de la Révolution française, donna un assaut d’armes avec le célèbre Saint-George. Enfin, l’âge et les infirmités l’ayant privée de cette ressource, elle vécut à Londres par les secours de ses amis, et y mourut en 1810.

Alors des témoins, que l’on peut croire sur parole, certifièrent que c’était un chevalier. Le vaste champ des conjectures est encore ouvert à l’égard du motif qui a pu déterminer cette inconcevable métamorphose. Etait-ce pour frapper son agent d’un désaveu, ou pour le soustraire à une peine, que le cabinet de France l’avait condamné à changer de sexe, et à se revêtir des habits de femme à l’âge où une femme aurait pu les quitter ?

Il est encore impossible de répondre pertinemment à ces questions. Hermaphrodite politique, le chevalier d’Eon, qui était né à Tonnerre le 5 octobre 1728, a laissé de nombreux ouvrages qu’on a recueillis en treize volumes : il avait possédé la confiance intime du roi Louis XV.

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