LA FRANCE PITTORESQUE
17 mai 1662 : mort du maréchal Fabert
()
Publié le jeudi 16 mai 2013, par Redaction
Imprimer cet article

Fils d’un imprimeur de Lorraine que Louis XIII avait, en 1631, décoré du cordon de Saint-Michel, Fabert donna l’exemple du mérite roturier récompensé par les honneurs réservés à la noblesse. Il naquit à Metz le 11 octobre 1599. Sa passion précoce pour la carrière des armes lui attira la faveur du duc d’Epernon, qui le plaça dans un de ses régiments, et plus tard, pour récompenser sa valeur, lui fit obtenir une compagnie dans les gardes.

Le maréchal Fabert

Le maréchal Fabert

L’avancement de Fabert fut rapide et constamment mérité : chacun de ses grades avait été conquis par une action extraordinaire. Son impétuosité l’entraînait au-devant des périls, et il s’en tirait par son sang-froid. Tels étaient la fougue et l’à-propos de son courage, que le vulgaire attribuait son succès à des causes surnaturelles, et le trouvait trop brave pour n’être pas sorcier.

L’humanité servait de complément à toutes ses vertus militaires. Poursuivant Gallas, gui avait tenté de se faire jour dans la Champagne, il entra dans un camp où l’ennemi avait laissé à l !abandon une partie de ses malades et de ses blessés. Exaspéré par les horreurs de l’invasion, un Français proposait de faire main basse sur ces malheureux sans défense : « C’est le conseil d’un barbare, s’écria Fabert ; cherchons une vengeance plus noble et plus digne de notre nation ; et aussitôt par ses ordres les prisonniers reçurent des vivres, des secours, et furent transportés à Mézières. Leur reconnaissance paya cette générosité, et ils se rangèrent pour la plupart sous les drapeaux de la France.

En 1640, au siège de Turin, une blessure, qu’un coup de mousquet lui avait faite à la cuisse, rendait, de l’avis de tous les chirurgiens, l’amputation indispensable ; le cardinal de Lavalette et Turenne s’étaient chargés de l’y décider : « Il ne faut pas mourir par pièces, répondit ce héros de Plutarque ; la mort m’aura tout entier, ou elle n’aura rien, et peut-être lui échapperai-je. » En effet, l’année suivante, il était à la bataille de Marfée, dont il a laissé une relation imprimée pleine de vie et de chaleur.

Son esprit ferme et fier bravait ouvertement l’insolence des grands seigneurs. Au siège de Perpignan, Louis XIII avait chargé Fabert de lui rendre compte tous les matins des opérations de la veille. Le favori Cinq-Mars osa un jour critiquer le rapport de ce grand capitaine ; ses observations n’ayant pas eu un heureux succès, il se retira en disant à Fabert avec dépit : « Monsieur, je vous remercie. — Que dit-il ? demanda le roi ; je crois qu’il vous menace. — Non, Sire, reprit Fabert avec dignité : on n’ose faire des menaces en votre présence, et ailleurs on n’en souffre pas. »

Dans une autre occasion, où le maréchal de La Meilleraye avait hasardé des paroles injurieuses pour sa bravoure, il contraignit, par sa conduite énergique, ce général à venir lui faire en personne une éclatante réparation, et à lui demander son avis : « C’est d’attaquer, répondit Fabert. —Marche ! cria le maréchal » ; et en un instant les ennemis furent dispersés par le bataillon que Fabert commandait.

Il fut fait maréchal de camp en 1646, et justifia par de nouveaux services cette récompense accordée aux anciens. Louis XIV acquitta la dette de son père et la sienne en créant ce vieux soldat maréchal et gouverneur de Sedan. Fabert fit ajouter plusieurs ouvrages aux fortifications de cette place, et paya de ses épargnes une partie des dépenses. Comme ses parents lui reprochaient cet emploi de son bien, qui leur semblait une dissipation, « s’il fallait, leur répondit-il, pour empêcher une place, dont je suis gouverneur, de tomber au pouvoir de l’ennemi, mettre à une brèche ma personne, ma famille, et tout mon bien, je n’hésiterais pas. »

Le trait de sa vie qui lui fait le plus d’honneur, c’est le refus qu’il fit du collier des Ordres du roi en 1662. Il allégua pour raison qu’il ne pouvait pas produire les titres de noblesse exigés. On lui fit dire qu’il pouvait présenter ceux qu’il voudrait, et qu’on les adopterait sans examen. Il répondit qu’il ne voulait pas que son manteau fût décoré par une croix, et son nom déshonoré par une imposture. Cet exemple de véritable grandeur d’âme ne saurait être trop souvent rappelé en France, où le respect de soi-même et de sa conscience est plus rare que la valeur militaire.

Le cardinal de Mazarin avait eu la naïve effronterie de lui proposer d’être son espion dans l’armée : « Peut-être, lui dit Fabert, faut-il à un ministre des gens qui le servent de leurs bras, et d’autres de leurs rapports : souffrez que je sois des premiers. » Mazarin lui-même apprécia les sentiments qui inspiraient une telle réponse, et dit à des intrigants qui voulaient rendre Fabert suspect : « Ah ! s’il fallait se défier de cet homme-là, il n’y en aurait plus en qui l’on pût mettre sa confiance. »

Fabert mourut à Sedan, à l’âge de soixante-trois ans, avec la même fermeté d’âme qu’il avait déployée dans toute sa vie. Il laissa un fils, qui lui succéda dans son gouvernement, et mourut sept ans après au siège de Candie. Un de ses cousins est auteur d’une Histoire des ducs de Bourgogne.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE