LA FRANCE PITTORESQUE
10 mai 1774 : mort de Louis XV
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Publié le dimanche 10 mai 2015, par Redaction
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Sur la fin d’avril 1774, Louis XV, allant à la chasse, rencontra le convoi d’une personne qu’on portait en terre ; la curiosité naturelle qu’il avait pour les choses lugubres, le fait approcher du cercueil ; il demande qui on va enterrer ? On lui répond que c’est une jeune fille morte de la petite-vérole. Dès ce moment, il est frappé à mort, sans s’en apercevoir.

Louis XV en 1748, par Quentin de La Tour

Louis XV en 1748, par Maurice Quentin de La Tour

Deux jours après, son chirurgien-dentiste, en examinant ses gencives, y trouva un caractère de maladie dangereuse : il en avertit un ministre d’Etat. Sa remarque est négligée ; la petite-vérole la plus funeste se déclare. Plusieurs de ses officiers sont attaqués de la même maladie, soit en le soignant, soit en s’approchant de son lit, et en meurent. Trois princesses, ses filles, que leur tendresse et leur courage retiennent auprès de lui, reçoivent les germes du poison qui dévore leur père, et éprouvent bientôt le même danger, dont heureusement elles réchappèrent.

Un médecin anglais, nommé Sutton, qui se prétendait possesseur d’un spécifique contre la petite-vérole, s’offrit pour traiter le roi ; la Faculté de Paris l’écarta. On voulut le rappeler lorsque la maladie eut fait des progrès ; il répondit qu’il était trop tard.

Ce fut après cet arrêt que Louis XV, s’adressant à ceux qui l’entouraient : « Je n’ai point envie, leur dit-il, qu’on me fasse renouveler la scène de Metz : qu’on dise à madame la duchesse d’Aiguillon qu’elle me fera plaisir d’emmener madame la comtesse du Barry. » Après cette séparation, le roi ne s’occupa plus que de son salut. Il fut administré le lendemain. Le grand aumônier dit, avant la cérémonie, ces mots, de la part du roi, déjà trop affaibli pour les prononcer lui-même : « Quoique S. M. ne doive compte de sa conduite qu’à Dieu seul, elle est fâchée d’avoir causé du scandale à ses sujets, et déclare qu’elle ne veut vivre désormais que pour la religion et le bonheur de ses peuples. »

Louis XV meurt le 10 mai, à trois heures après midi, à l’âge de soixante-quatre ans, après un règne de cinquante-neuf ans. On couvre son corps de chaux, et on l’emporte, sans aucune cérémonie, de Versailles à Saint-Denis. Troisième fils du duc de Bourgogne, petit-fils de Louis XIV, il était né à Versailles, le 15 février 1710, et fut d’abord nommé duc d’Anjou. Devenu dauphin, le 8 mars 1712, par la mort de son père, il succéda à Louis XIV son bisaïeul, le 1er septembre 1715, sous la tutelle du duc d’Orléans.

Il fut couronné à Reims en 1722, et déclaré majeur l’année suivante. Aucun des prédécesseurs de Louis XV ne l’a surpassé pour l’étendue et la variété des connaissances. Il avait composé au sortir de l’enfance, sous la direction du célèbre géographe de Lille, un Traité du Cours des principales rivières de l’Europe, qui a vu le jour en 1718.

On cite de lui des traits pleins d’humanité, et des mots très spirituels et même profonds ; mais il manqua de l’énergie et de la fermeté qui seules pouvaient élever jusqu’à la vertu les heureuses dispositions qu’il avait reçues de la nature. La physique expérimentale, l’astronomie, la géographie, la chimie, et la plupart des arts libéraux, firent de grands progrès sous le règne de Louis XV, par la protection qu’il leur accorda, et les libéralités dont il combla ceux qui les cultivaient avec succès.

Un dauphinois, nommé Dupré, qui avait passé vie à faire des expériences de chimie, inventa un feu si rapide et si dévorant, qu’on ne pouvait ni l’éviter, ni l’éteindre ; l’eau lui donnait une activité nouvelle. Sur le canal de Versailles, en présence du roi, dans les cours de l’Arsenal de Paris, et dans quelques-uns de nos ports, on en fit des expériences, dont les résultats étonnèrent les militaires les plus intrépides.

Quand on fut bien certain qu’un homme, avec ce secret, pouvait détruire une flotte, ou bouleverser une ville, sans qu’aucune puissance humaine y pût apporter le moindre obstacle, le roi défendit à Dupré de faire connaître publiquement son invention. On était cependant alors dans l’embarras d’une guerre funeste ; les Anglais bravaient Louis XV jusque dans ses ports : il pouvait sans risques détruire leur marine ; mais ce nouveau fléau n’eût pas été longtemps un secret ; il ne voulut pas augmenter le nombre des calamités qui affligent les hommes. Dupré mourut quelque temps après, emportant dans le tombeau son funeste secret.

Des voyages furent entrepris aux frais du gouvernement, par Maupertuis, au pôle arctique ; par La Condamine, à l’équateur ; et par d’autres savants à la Californie, aux Philippines, en Sibérie, pour enrichir l’histoire naturelle et perfectionner la navigation. Le commerce reçut aussi de l’accroissement, à cause des grands chemins, des ponts et chaussées qu’on fit construire dans toutes les provinces.

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