LA FRANCE PITTORESQUE
5 mai 1789 : ouverture des
Etats-généraux à Versailles
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Publié le samedi 4 mai 2013, par Redaction
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Les lettres de convocation furent expédiées le 24 janvier 1789. Aussitôt les assemblées bailliagères s’occupèrent des élections. Chacun s’agita pour faire nommer des membres de son parti, et dresser des cahiers dans son sens. Le Parlement exerça peu d’influence sur les nominations ; la cour n’en eut aucune.

L’ouverture des Etats-Généraux, annoncée d’abord pour le 1er mai, fut prorogée jusqu’au 5. La journée du 4 mai, veille de l’ouverture, fut consacrée à une cérémonie religieuse. Le roi, sa famille, ses ministres, les députés des trois ordres se rendirent processionnellement de l’église de Notre-Dame à l’église de Saint-Louis, pour y entendre la messe et le sermon prononcé par l’évêque de Nancy.

L’étiquette, le costume et l’ordre de rang des Etats de 1614 avaient été observés : le clergé en soutane, grand manteau, bonnet carré, ou en robe violette et en rochet, occupait la première place ; venait ensuite la noblesse, en habit noir, veste et parement de drap d’or, cravate de dentelle et chapeau avec plumes blanches retroussé à la Henri IV ; enfin le tiers-état marchait le dernier, vêtu de noir, le manteau, la cravate de mousseline, et le chapeau sans plumes et sans ganse.

Ouverture des Etats-généraux à Versailles le 5 mai 1789

Ouverture des Etats-généraux à Versailles le 5 mai 1789. Peinture d’Auguste Couder

Les rues de Versailles étaient tendues de tapisserie de la couronne ; les régiments des gardes françaises et des gardes suisses formaient une double haie à travers laquelle défilait le cortège, qu’une multitude immense contemplait avec toute l’ivresse de l’espérance. Des chœurs de musique, placés de distance en distance, remplissaient l’air de mélodie, et le soleil le plus pur l’inondait de ses rayons.

L’ordre du clergé se trouva composé de quarante-huit archevêques ou évêques, de trente-cinq abbés ou chanoines, et de deux cent huit curés. On comptait dans la chambre des nobles, deux cent quarante-deux gentilshommes et vingt-huit magistrats de cours supérieures. Les communes furent représentées par deux prêtres, douze gentilshommes, dix-huit maires ou consuls, cent soixante-deux magistrats de bailliages ou d’autres sièges de judicature, deux cent douze avocats, seize médecins, cent soixante-seize négociants, propriétaires ou cultivateurs. Le troisième ordre avait une supériorité de trente-sept voix sur les deux premiers ordres réunis ; il devait cette différence à l’obstination avec laquelle les nobles de Bretagne avaient refusé d’envoyer des députés aux Etats-généraux.

Tous les députés furent placés sur des banquettes dans la salle des Menus, décorée avec beaucoup d’art et de magnificence. Quand ils eurent été placés, on alla avertir le roi et la reine, qui arrivèrent aussitôt, précédés et suivis des princes et princesses, et de leur cortège ; le roi se plaça sur son trône, sous un dais magnifique, la reine sur un grand fauteuil à sa gauche, et les princes et les princesses formèrent un demi-cercle sur l’estrade.

Toute l’assemblée se leva lors de l’entrée du roi, qui se tint debout pendant quelques minutes, pour donner le temps à la cour de se placer : ce spectacle auguste imprima aux assistants une émotion mêlée de respect, qui produisit un grand silence. Le roi s’étant placé sur son trône, mit son chapeau, se leva et se couvrit de nouveau ; les trois ordres se couvrirent en même temps.

Le roi s’étant assis et couvert, prononça un discours qui excita dans tous les cœurs l’émotion la plus vive, et sa majesté fut interrompue plusieurs fois par les témoignages les plus expressifs de l’amour et de la reconnaissance. « Ce jour, dit le roi, que mon cœur attendait depuis longtemps, est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la nation, à laquelle je me fais gloire de commander.

« Un long intervalle s’était écoulé depuis les dernières tenues des Etats-généraux ; et quoique la convocation de ces assemblées parût être tombée en désuétude, je n’ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la nation une nouvelle source de bonheur. »

Le roi, après avoir dit un mot des finances, poursuivit ainsi : « Une inquiétude générale, un désir exagéré d’innovations, se sont emparés des esprits, et finiraient par égarer totalement les opinions, si l’on ne se hâtait de les fixer par une réunion d’avis sages et modérés. C’est dans cette confiance, messieurs, que je vous ai rassemblés.

« Puisse, messieurs, un heureux accord régner dans cette assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et la prospérité du royaume ! C’est le souhait de mon cœur, c’est le plus ardent de mes vœux, c’est enfin le prix que j’attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour le peuple. »

Après le discours du roi, le garde des sceaux prit la parole, par ordre et au nom de sa majesté, et le directeur général des finances, aussi par ordre de sa majesté, parla ensuite ; c’est par le discours de ce ministre, que fut terminée cette séance mémorable, qui devait avoir de plus mémorables suites.

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