LA FRANCE PITTORESQUE
2 mai 1760 : première représentation
des Philosophes, comédie de Palissot,
auteur fustigeant les Lumières
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Publié le mercredi 1er mai 2013, par Redaction
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Cette pièce ne mérite un souvenir dans l’histoire anecdotique du XVIIIe siècle que par le scandale qu’elle excita. Palissot ne pouvait pardonner aux grands génies qui réformaient la société par leur empire absolu sur l’opinion. Déjà dans la comédie effrontée du Cercle, donnée sur le théâtre de Nancy, il avait, par une sanglante personnalité, insulté Jean-Jacques Rousseau.

Charles Palissot

Charles Palissot

Sans renoncer à son projet, Palissot eut du moins le bonheur de s’attaquer à moins forte partie ; et, dans ses petites Lettres contre de grands philosophes, il s’acquitta assez habilement de la tâche facile de ridiculiser le galimatias emphatique et la déclamation à froid de Diderot. La secte philosophique ne se piquait pas de patience ; et, pour quelques-uns de ses adeptes à la suite, tous les moyens de représailles étaient légitimes.

On essaya de compromettre Palissot dans l’esprit de deux puissantes protectrices qu’il avait à la cour, en parodiant d’une manière injurieuse pour elles l’épître dédicatoire de ses petites Lettres. Il répondit par la comédie qui nous occupe.

Les comédiens, et surtout mademoiselle Clairon, dévouée à Voltaire et à Marmontel, ayant refusé de jouer dans cette pièce outrageusement satirique, il fallut des ordres supérieurs pour les y contraindre. La foule, avide des allusions malignes, se porta à la première représentation, et, depuis l’origine du théâtre, dit un critique, on croit qu’elle n’avait jamais été si grande.

Le titre de la pièce avait soulevé une fermentation générale, et ce ne fut qu’avec une peine extrême qu’on parvint à rétablir l’ordre dans la salle. Dès qu’il put se faire entendre, Belcourt hasarda un compliment qui désarma une partie des mécontents. Toutefois, les partisans de l’opinion de l’auteur ne purent eux-mêmes disconvenir de ce qu’il y avait d’immoral dans ces personnalités de la nature la plus grave, et l’un d’eux lança le couplet suivant :

Quoique son but lui fasse honneur,
Nous conseillons à cet auteur,
S’il veut que son nom s’éternise,
De prendre un pinceau moins hardi,
Et d’avoir toujours pour devise :Sublato jure nocendi.

Voltaire ressentit vivement l’injure, et il écrivit à Palissot plusieurs lettres où l’amertume du reproche est à peine déguisée sous les formes de flatterie qui lui étaient si familières avec ceux qu’il voulait gagner à son parti. « Vous méritiez, dit-il, d’être l’ami des philosophes (...) et j’ai toujours souhaité que vous ne prissiez les armes que contre nos ennemis. »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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