LA FRANCE PITTORESQUE
Fausses pièces préhistoriques
d’un chiffonnier auvergnat
(D’après « Bulletin de la Société préhistorique française », paru en 1913)
Publié le dimanche 14 avril 2013, par Redaction
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Nombreux sont les Musées de France, ou de l’étranger, possédant des objets dont l’origine est attribuée à l’Auvergne. Il n’est peut-être pas de contrée qui ait été plus visitée que cette province, au point de vue spécial des antiquités
 

On ne saurait s’étonner, dès lors, d’y constater de multiples applications d’un axiome, aussi vrai en archéologie qu’en économie sociale : la demande crée l’objet ; ou bien qu’en physiologie : le besoin crée l’organe.

Les antiquités se faisant de plus en plus rares, les besoins et les demandes conservant la même étendue, la même fréquence, quelques marchands s’ingénièrent à trouver un équilibre stable entre ces divers facteurs économiques, et, vraiment, ils y réussirent à merveille. Les fausses pièces comblèrent bientôt les vides, avec une facilité d’autant plus grande que l’imitation était parfaite et que l’amorce était habilement préparée.

Le voyageur en art ancien, le simple amateur local, avaient presque toujours la fortune inespérée de rencontrer sur leur route une personne aimable donnant le bon tuyau : « C’est à tel endroit, chez un pauvre paysan, n’ayant aucune notion de la valeur des choses, que vous trouverez le rara avis ». Ou encore : « Allez chez tel chiffonnier, qui a acheté récemment un lot de vieux débris, de rebuts de greniers ; il me semble que vous pourrez y satisfaire vos désirs ».

Fausses pièces préhistoriques fabriquées en Auvergne (partie supérieure : en métal ; partie inférieure : en pierre)

Fausses pièces préhistoriques fabriquées en Auvergne (partie supérieure : en métal ; partie inférieure : en pierre)

Et l’on s’y rendait content, sans se douter du tour joué ! L’aimable personne n’était qu’un vulgaire pisteur, lançant un produit de la veille. Vers 1900 mourait, à Riom (Puy-de-Dôme), un chiffonnier qui avait parcouru, pendant longtemps, les communes des environs, ramassant tout, mais s’intéressant particulièrement aux vieilles monnaies. A son dépôt, situé dans une rue étroite et reculée de la ville, on avait souvent l’occasion de voir des outils en bronze, bien conservés.

Si l’on désirait acheter, on obtenait toujours des explications plausibles sur le lieu et l’époque de la trouvaille. Aucun soupçon ne serait venu en présence de la bonhomie et de la naïveté du marchand. Comment celui-ci aurait-il pu donner un pareil galbe et une semblable patine ? Le prix était bien un peu élevé ; mais il était loin, en tout cas, d’atteindre le taux habituel.

Or, ce n’était rien moins qu’un faussaire habile ; on découvrit, à sa mort, une collection de modèles en bois, reproduisant la forme exacte des outils vendus, et une personne, qui l’avait vu à l’œuvre, dévoila la façon dont il procédait. Les vieux sous recueillis lui servaient de matière première. Lorsqu’il en avait une certaine quantité, il les portait, avec les modèles, chez un usinier de Thiers, qui fondait et coulait. Quant à la patine, il obtenait, paraît-il, une couche épaisse, d’un beau vert, en usant de la recette suivante, que nous livrons à titre de simple renseignement, ne l’ayant pas expérimentée : tremper les objets, pendant un mois, dans du fort vinaigre, les retirer et les laisser, pendant trois mois, dans du fumier de cheval.

En somme, c’est le procédé ordinaire des acides (acides sulfurique, chlorhydrique, etc.), avec un complément qui paraît bien susceptible d’en augmenter les effets.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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