LA FRANCE PITTORESQUE
17 mars 1677 : prise de Valenciennes,
qui depuis resta à la France
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Publié le jeudi 14 mars 2013, par Redaction
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Cette ville qui appartenait alors à l’Espagne, fut prise d’assaut par un de ces événements singuliers qui caractérisent le courage impétueux de la nation française. Louis XIV faisait le siège en personne, ayant avec lui son frère et cinq maréchaux de France. Vauban dirigeait toutes les opérations.

On n’avait pris encore aucun des dehors de la place ; il fallait d’abord attaquer deux demi-lunes ; derrière ces demi-lunes était un grand ouvrage à couronne, palissadé et fraisé, entouré d’un fossé, coupé de plusieurs traverses ; dans cet ouvrage à couronne était encore un autre fossé ; il fallait, après s’être rendu maître de tous ces retranchements, franchir un bras de l’Escaut ; ce bras franchi, on trouve encore un autre ouvrage qu’on nomme pâté ; derrière ce pâté coulait le grand cours de l’Escaut, profond et rapide, qui sert de fossé à la muraille ; enfin, la muraille était soutenue par de larges remparts ; tous ces ouvrages étaient couverts de canons ; une garnison considérable préparait une longue résistance.

Prise de Valenciennes

Prise de Valenciennes. Peinture de Jean Alaux

Le roi tint conseil de guerre pour attaquer les ouvrages du dehors. C’était l’usage que ces attaques se fissent toujours de nuit, afin de marcher aux ennemis sans en être aperçus, et d’épargner le sang du soldat. Vauban proposa de faire l’attaque en plein jour ; tous les maréchaux de France se récrièrent contre la proposition ; Vauban tint ferme : « Vous voulez, dit-il, ménager le sang du soldat ; vous l’épargnerez bien davantage quand il combattra de jour, sans confusion et sans tumulte, sans craindre qu’une partie de nos gens tire sur l’autre, comme il n’arrive que trop souvent. Il s’agit de surprendre l’ennemi, il s’attend toujours aux attaques de nuit, nous le surprendrons en effet, lorsqu’il faudra, qu’épuisé des fatigues d’une veille, il soutienne les efforts de nos troupes fraîches. Ajoutez à cette raison, que s’il y a dans cette armée des soldats de peu de courage, la nuit favorise leur timidité ; mais que pendant le jour l’œil du général inspire la valeur, et élève les hommes au-dessus d’eux-mêmes. »

Le roi se rendit aux raisons de Vauban, malgré tout le conseil. A neuf heures du matin, les deux compagnies de mousquetaires, une centaine de grenadiers, un bataillon des gardes, un du régiment de Picardie, montent de tous côtés sur ce grand ouvrage à couronne : l’ordre était simplement de s’y loger, et c’était beaucoup ; mais quelques mousquetaires noirs ayant pénétré par un petit sentier jusqu’au retranchement intérieur qui était dans cette fortification, ils s’entendent d’abord les maîtres ; dans le même temps, quelques mousquetaires gris y abordent par un autre endroit ; les bataillons des gardes les suivent ; on tue et on poursuit les assiégés ; les mousquetaires baissent le pont-levis qui joint cet ouvrage aux autres ; ils suivent l’ennemi de retranchement en retranchement sur le petit bras de l’Escaut et sur le grand. Les gardes s’avancèrent en foule ; les mousquetaires sont déjà dans la ville avant que le roi sache que le premier ouvrage attaqué est emporté.

Ce n’était pas encore ce qu’il y eut de plus étrange dans cette action ; il était vraisemblable que des jeunes mousquetaires, emportés par l’ardeur du succès, se jetteraient aveuglément sur les troupes et sur les bourgeois qui venaient à eux dans la rue ; qu’ils y périraient, ou que la ville allait être pillée ; mais ces jeunes gens, conduits par une cornette, nommé Moissac, se mirent en bataille derrière des charrettes, et tandis que les troupes qui venaient, se formaient sans précipitation, d’autres mousquetaires s’emparaient des maisons voisines, pour protéger par leur feu ceux qui étaient dans la rue ; on donnait des otages de part et d’autre ; le conseil de ville s’assemblait ; on députait vers le roi ; tout cela se faisait sans qu’il y eût rien de pillé, sans confusion, sans faire de fautes d’aucune espèce. Le roi fit la garnison prisonnière de guerre, et entra dans Valenciennes, étonné d’en être le maître.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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