LA FRANCE PITTORESQUE
11 mars 1672 : première représentation
des Femmes savantes, comédie de Molière
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Publié le jeudi 10 mars 2016, par Redaction
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Depuis la victoire que Molière avait remportée sur les Précieuses, un nouveau travers s’était développé chez le beau sexe. La passion des sciences avait détrôné la manie des lettres, et, comme dit l’historien de Molière, « l’astre de mademoiselle de Scudéry et de la Calprenède avait pâli devant celui de Descartes. » Molière reprit ses pinceaux, et, le 11 mars, les Femmes savantes parurent sur la scène du Palais-Royal.

« Accueillie assez froidement aux premières représentations, la pièce fut peu à peu entièrement abandonnée de la foule, moins frappée d’abord des beautés dont l’ouvrage est rempli que de l’apparente stérilité de son sujet. Plus tard, l’autorité des hommes de goût fit revenir le public de ses injustes préventions, et ce chef-d’œuvre reprit le rang auquel il avait droit de prétendre. »

L’auteur des Femmes savantes excellait dans l’art de choisir des acteurs : la représentation de cette pièce en fournit une preuve piquante et inattendue. « Il avait opposé à sa Philaminte, à son Armande, à sa Bélise, la simplicité rustique, mais pleine de sens et de naturel, de la bonne Martine. On croit peut-être qu’il chargea une de ses actrices de remplir ce rôle ? Non ; il le confia à une de ses servantes, qui portait le nom de ce personnage, et qui, sans doute, avait à son insu fourni plus d’un trait pour le peindre au génie observateur de son maître. Dirigée par Molière et la nature, cette actrice improvisée ne dut rien laisser à désirer. »

Tout le monde sait que sous les noms de Trissotin et de Vadius, Molière représenta l’abbé Cotin et Ménage. Le sonnet à la princesse Uranie, et le madrigal sur un carrosse, étaient empruntés aux œuvres du premier, qui s’appela d’abord dans la pièce Tricotin. La querelle entre les deux savants était une anecdote alors célèbre. Cotin avait provoqué la vengeance, d’ailleurs inexcusable, du poète comique par des hostilités dirigées contre lui et contre Boileau, qui ne l’épargnait pas dans ses satires. Cotin expia cruellement le plaisir de s’être fait satirique à son tour.

Les Femmes savantes lui portèrent un coup fatal : il n’osait plus se montrer. Tous ses amis l’abandonnèrent comme un courtisan disgracié. Lorsque dix ans après il mourut, et que son successeur prit sa place à l’Académie, son nom, contre l’usage solennel, fut à peine prononcé dans le discours du récipiendaire ; quant au directeur de l’Académie, il garda sur Cotin un profond silence.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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