LA FRANCE PITTORESQUE
4 mars 1705 : arrêt qui établit
les deux sols pour livre sur tous
les droits et fermes du roi de France
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Publié le jeudi 28 février 2013, par Redaction
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Voici ce que raconte le duc de Saint-Simon au sujet de cet impôt : « Depuis longtemps le roi (Louis XIV) n’entendait parler que de la misère des peuples. L’impôt proposé l’inquiéta ; sa tristesse devint sensible, et les valets intérieurs s’en aperçurent dans les cabinets, plusieurs jours de suite. Maréchal, premier chirurgien, qui m’a conté cette curieuse anecdote, craignant pour sa santé, se hasarda de lui en parler. Le roi lui avoua qu’il ressentait des peines infinies, qu’il rejeta vaguement sur la situation des affaires.

« Huit ou dix jours après, il reprit son calme accoutumé. Il appela Maréchal, et, seul avec lui, il lui dit que, maintenant qu’il se sentait plus à l’aise, il voulait bien lui dire ce qui l’avait si vivement affecté, et ce qui avait mis fin à ses peines. Alors il lui conta que l’état de ses affaires l’avait forcé à de furieux impôts ; que l’état où elles se trouvaient réduites, le mettait dans la nécessité de les augmenter considérablement ; qu’outre la compassion , le scrupule de prendre les biens de tout le monde, l’avait fort tourmenté ; qu’à la fin il s’en était ouvert au P. leTellier, qui lui avait demandé quelques jours pour y penser. Ce père était revenu avec une consultation, non des pères de sa compagnie, qu’il ne fallait pas compromettre, mais avec une des plus habiles docteurs de Sorbonne, qui décidaient (la Sorbonne n’ayant pas voulu la décider en corps), que tous les biens des Français étaient au roi en propre, et que quand il les prendrait, il ne prendrait que ce qui lui appartenait.

« Le roi avouait que cette décision l’avait mis fort au large, lui avait ôté ses anciens scrupules, et lui avait rendu le calme et la tranquillité qu’il avait perdus. Maréchal fut si étonné à ce récit, qu’il ne put prononcer un seul mot. Heureusement pour lui le roi le quitta dès qu’il le lui eût fait, et Maréchal resta seul, à la même place, ne sachant presque où il en était. Cette anecdote, qu’il me conta quelques jours après, étant encore dans le même effroi, n’a pas besoin de commentaires. » Cet impôt fut célébré, suivant l’usage, par des couplets plus malins que méchants, parmi lesquels ces deux-ci se font remarquer :

Amis, saisissons-nous des pots ;
Buvons à qui nous aime ;
Dans ce siècle affreux des impôts,
Ma frayeur est extrême,
Que, sur nos coups, quelques marauds
Ne lèvent le dixième.

Si ma Philis donne au roi le dixième
De tous les cœurs charmés de ses attraits,
J’ose jurer, par sa beauté suprême,
Que l’ennemi viendra bientôt, lui-même,
A deux genoux nous demander la paix.
Si ma Philis, etc.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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