LA FRANCE PITTORESQUE
Etrange rite nuptial
dans le Vaucluse et le Gard
(D’après « Bulletin de la Société préhistorique française », paru en 1918)
Publié le lundi 24 novembre 2014, par Redaction
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Une très vieille coutume nuptiale du Vaucluse encore en usage au début du XXe siècle veut qu’au milieu de la première nuit, les jeunes gens de la noce (frères, beaux-frères, cousins), las de danser, se mettent à la recherche des époux, les découvrent dans la chambre où les novi – nouveaux mariés – ont dressé de vaines barricades, et les obligent à se lever
 

Puis, ils s’emparent de la mariée et l’emmènent dans la salle du festin, qui est en même temps la cuisine. Ils couchent à plat ventre la jeune femme dans une grande nappe tenue aux quatre coins par quatre d’entre eux, et, ainsi suspendue, la tête et les pieds seulement dépassant les extrémités de la toile, ils la balancent devant le feu qui flambe à l’âtre et qu’elle doit souffler.

Ce n’est que lorsqu’elle s’est longtemps époumonée à « souffler la soupe au fromage » – qui, en effet, bout sur le feu – qu’ils consentent à la laisser aller. Peut-être l’antique Culte du Feu fécondant explique-t-il ce rite.

Costumes folkloriques du Vaucluse

Costumes folkloriques du Vaucluse

Dans le Gard, il prend une autre forme. Les novi tiennent toujours secrète la chambre dans laquelle ils passeront leur première nuit ; aussi sont-ils espionnés toute la soirée ! Les ruses les plus naïves sont mises œuvre, afin qu’ils puissent quitter soit le repas de noce, soit le bal, sans être remarqués. Sur les minuit, le bal cesse et la recherche de la chambre nuptiale commence.

Portes et fenêtres sont enfoncées, si le couple une fois découvert refuse d’ouvrir. On leur apporte l’Aïga boulida – signifiant eau bouillie, en réalité une soupe faite de quelques tranches de pain, arrosées d’huile d’olive, le tout trempé d’eau bouillante, dans laquelle ont été mises plusieurs gousses d’ail – ou une tasse de café. Pendant cette légère collation, les jeunes gens, prenant leurs cavalières à bras le corps, les jettent sur le lit nuptial.

Pour ne pas faire partie intégrale du rite, un malin trouve intéressant d’éteindre les lumières et la scène finit au milieu de la gaieté générale. Se tirer de l’Aïga boulida aurait été prise en fort mauvaise part au milieu du XIXe siècle. La désertion était réprouvée ; mais les ruses pour s’y soustraire étaient acceptées et méritaient félicitations. De rares indépendants ne craignaient pas d’aller passer leur première nuit au grenier à foin, ou les fureteurs les plus perspicaces ne pensaient pas aller les dénicher !

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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