LA FRANCE PITTORESQUE
19 février 1715 : audience donnée
par Louis XIV à l’ambassadeur de Perse
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Publié le lundi 18 février 2013, par Redaction
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Voici comme ce fait est rapporté dans les Mémoires de Saint-Simon :

« Dans les dernières années de ce prince, madame de Maintenon cherchait inutilement à lui procurer quelques instants de dissipation, par des concerts, des prologues d’opéra pleins de ses louanges, des scènes de comédie que les musiciens et les domestiques de l’intérieur jouaient dans .sa chambre ; l’ennui ne quittait plus sa proie ; ce qui faisait dire à cette femme, punie par le succès même de son ambition : Quel supplice de vouloir amuser un homme qui n’est plus amusable ! Une nouvelle scène succéda bientôt à ces essais infructueux : l’on apprit que Méhémet-Risabeg, ambassadeur de Perse, était en chemin, et devait paraître à la cour.

« Le roi ordonna au baron de Breteuil, introducteur des ambassadeurs, d’aller lui faire compliment à deux lieues de Paris, et nomma le maréchal de Matignon pour l’accompagner. L’ambassadeur eut avec Breteuil et Matignon les procédés les plus bizarres et les plus extravagants, que l’on attribua tous au scrupule qu’il mettait dans l’observation de la loi mahométane. Le jour de l’audience arrivé, sa réception eut lieu dans la grande galerie. Ce lieu avait été choisi pour qu’il fît plus à son aise ses salutations au roi, qui se plaça sur un trône dans le fond, environné du dauphin, des princes du sang, et de toute la cour, dans sa plus grande magnificence.
« L’ambassadeur parut frappé de cet imposant spectacle, et commença son premier salut : le roi se leva et lui ôta son chapeau. Le Persan monta jusqu’à la plate-forme où était le fauteuil du monarque, auquel il remit ses lettres de créance, et la cérémonie finit comme elle avait commencé.

Louis XIV reçoit l'ambassadeur de Perse

Louis XIV reçoit l’ambassadeur de Perse

« On sut quelque temps après, que ce prétendu Persan s’était enfui de Constantinople, où il était prisonnier ; que l’ambassadeur de France l’avait fait sauver ; que les présents qu’il avait apportés de la part du roi de Perse, ne venaient que de Marseille ; que ces présents qu’on avait fait garder par un exempt, par quatre archers, et qui précédaient fastueusement l’ambassadeur, ne consistaient que dans cent six petites perles et cent quatre-vingt turquoises, de la valeur en tout de mille écus, et deux pots de gomme.

« Les Parisiens commencèrent à le traiter hautement d’imposteur, et ils ne se trompaient pas : car le régent découvrit, après la mort du roi, que ce fantôme d’ambassadeur n’était qu’un Jésuite portugais qui, ayant parcouru tous les pays du monde, et surtout la Perse, avait été arrêté par les Turcs, emprisonné à Constantinople, et que ses confrères, après l’avoir délivré, l’avaient instruit de leur mieux pour tâcher de désennuyer Louis XIV. »

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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