LA FRANCE PITTORESQUE
Emporter le chat
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Publié le vendredi 15 avril 2022, par Redaction
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C’est s’en aller sans payer ou sans prendre congé
 

Voltaire dit à ce sujet, dans une lettre au chevalier Delisle : « Madame la maréchale de Luxembourg me paraît avoir raison : Emporter le chat signifie à peu près faire un trou à la lune. Les savants pourront y trouver quelque petite différence ; ils diront qu’emporter le chat signifie simplement partir sans dire adieu, et faire un trou à la lune veut dire s’enfuir de nuit pour une mauvaise affaire.

« Un ami qui part le matin de la maison de campagne de son ami a emporté le chat ; un banqueroutier qui s’est enfui a fait un trou à la lune. Voilà tout ce que je sais sur cette grande question. L’étymologie du trou à la lune est toute naturelle pour un homme qui s’est évadé de nuit ; à l’égard du chat, cela souffre de grandes difficultés. »

Le mot chat, dans cette locution, ne doit pas s’entendre de l’animal de ce nom, mais désigne une ancienne monnaie du même nom qui était autrefois en grande circulation, surtout dans le Poitou. Le glossaire de Ducange parle de cette monnaie au mot chatus, et rapporte cette phrase d’une charte de 1459 : Confessus est recepisse in chatis et alia moneta... « Il avoua avoir reçu en chats et en autre monnaie. » Ainsi, emporter le chat, c’est emporter l’argent, et par extension ne point payer et s’esquiver.

« On peut conjecturer aussi, dit le savant Théodore Lorin dans une des notes manuscrites qu’il a faites sur le Dictionnaire des proverbes de Quitard, que le mot chat a ici la même acception que l’espagnol gato, qui désigne une bourse faite de la peau du chat, témoin le sobriquet ata el gato (serre-bourse) donné à un avare ; témoin encore cet exemple pris de Cervantes : Un grandissimo gato de reales : une très-grande bourse de réaux. » Emporter le chat serait donc synonyme de emporter le magot, emporter la grenouille, et répondrait, selon l’exigence des cas, à toutes les significations qui lui sont assignées.

Remarquons, en terminant ce commentaire, que l’expression existait en langue romane, comme le prouvent ces deux vers du troubadour P. Cardinal, dans sa pièce Al nom del :

Mais cant lo riex er d’aisso castiatz
Venra’ N Artus sel qu’emportet lo calz.

Mais quand le riche sera de cela corrigé,
Viendra le seigneur Artus, celui qui emporta le chat.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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