LA FRANCE PITTORESQUE
Admission en trompe-l’oeil du public
à la Chambre des députés ?
(D’après « Ma revue hebdomadaire illustrée », paru en 1908)
Publié le mardi 5 février 2013, par Redaction
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En 1908, un chroniqueur de Ma revue hebdomadaire s’amuse du caractère soi-disant public des séances de la Chambre des députés censé illustrer le respect de la souveraineté du peuple : n’est admise en réalité qu’une une poignée de personnes, à seule fin de se mettre en conformité avec la loi...
 

Savez-vous de combien de personnes se compose le public qui assiste aux séances de la Chambre ? s’interroge notre chroniqueur. Combien dites-vous ? 1000 ? Vous n’y êtes pas. 500 ? Vous n’y êtes pas... Ne cherchez pas plus longtemps :le public, à la Chambre, même les jours de grand spectacle, c’est... 12 personnes. Vous avez bien lu : douze personnes !

Mais les autres ? Les autres sont munies de cartes, et sont par conséquent des invitées, et c’est pour laisser aux séances un caractère d’indéniable publicité, pour respecter la Constitution qui veut que le Parlement délibère sous les yeux du peuple souverain, toutes portes ouvertes, l’entrée libre à tous, que l’on réserve douze places aux personnes non munies de carte.

Chambre des députés

Chambre des députés

Voilà pourquoi, si vous passez devant le Palais-Bourbon, un jour de séance, vous verrez, dès midi et quelquefois dès les premières heures de la matinée, rangés deux par deux, près des grilles, sous l’oeil des agents de police, une douzaine de pauvres diables, à l’air minable, le pantalon effrangé, les souliers éculés et même pires, sans faux col, transis de froid ou accablés de chaleur, attendant qu’un huissier de la Chambre vienne les chercher et les conduire, toujours en rang, comme des condamnés, à la tribune qui leur est réservée. Ce sont ces douze malheureux qui représentent le « public », le peuple souverain...

Ne vous trompez pas cependant sur l’attrait qui les conduit là ; ils n’y viennent que dans l’espoir de vendre leur place à ceux qui n’ont pas de carte. Le prix varie suivant le programme du spectacle : d’après le débat annoncé, les orateurs inscrits, les incidents attendus, la place vaut six sous, vingt sous, quarante sous, rarement cent sous, plus rarement dix francs, prix maximum qu’elle ait atteint.

Mais très souvent, trop souvent, hélas ! personne ne se présente pour en offrir même deux sous. Ces jours-là, le pauvre diable, qui représente le peuple souverain, assiste à la séance : l’été, il y jouira de l’ombre ; l’hiver, il y goûtera la volupté de se sentir au chaud, et, suprême jouissance, s’il réussit à s’absorber dans la discussion du budget, il jonglera avec des millions.

Note : de nos jours, les personnes désireuses d’assister à une séance doivent se munir d’une carte d’invitation (ou "billet de séance") qui peut être obtenue auprès d’un député, dans la limite des places disponibles. En outre, l’accès à la séance est assuré pour les dix premières personnes se présentant au début de la séance, à l’entrée du public située 33 quai d’Orsay.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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