LA FRANCE PITTORESQUE
Qui tire au peigne de saint Yves
est tôt comme un roi riche
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Publié le mercredi 16 janvier 2013, par Redaction
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Signifie que la profession d’avocat enrichit promptement celui qui l’exerce
 

Cette signification est confirmée par un autre proverbe, qui dit que saint Yves arme mieux ses gens que saint François, parce que ce dernier n’offre à ses gens pour armes qu’une besace, signe de mendicité, tandis que le premier offre aux siens un peigne, signe de fortune.

Mais qu’est-ce que le peigne de saint Yves ? Pourquoi ce peigne a-t-il été considéré comme un instrument de lucre entre les mains des avocats ? Enfin, par quel lien analogique a-t-on rassemblé des choses qui semblent si disparates et si incompatibles ?

Saint Yves Hélori, en qui les plaideurs eurent jadis une extrême confiance, ainsi que l’attestent de nombreux sacs de procès appendus en ex-voto aux murs intérieurs des églises et des chapelles placées sous son invocation, avait étudié avec succès le droit civil et le droit canon, et il était réputé docte dans l’un et dans l’autre droit, doctus in utroque jure. Il fut un avocat aussi intègre que savant : Advocatus et non latro, res miranda ! (Avocat et point voleur, chose merveilleuse !) dit une vieille prose chantée en son honneur.

Mais il renonça à cet état pour la prêtrise, et il remplit l’emploi de curé en plusieurs petites villes de Bretagne, ce qui ne l’empêcha pas de continuer à prendre soin d’arranger les litiges de ses paroissiens et de plaider gratuitement les causes justes. Il obtint, durant sa vie, le surnom d’Avocat des pauvres, et, après sa mort, arrivée en 1303, il devint un grand saint, que l’université de Nantes et les hommes de loi choisirent pour patron.

Les Bretons, pleins de zèle pour son culte, recueillirent religieusement tous les objets qui lui avaient appartenu. Parmi ces reliques était un peigne dont il avait fait usage dans ses fonctions sacerdotales, car il faut savoir qu’en son temps les prêtres ne se contentaient pas de se laver les mains au moment de dire la messe, ils commençaient par se peigner la tête, et de là vient qu’on trouve des peignes dans les trésors des églises.

Ce peigne n’eut pas moins de célébrité que celui de saint Loup, conservé dans la cathédrale de Sens. Il passa pour avoir une vertu miraculeuse ; il fut regardé comme un attribut particulier du saint, et figura représenté, à ce qu’on prétend, sur les bannières de sa confrérie.

C’était, aux yeux du peuple, grand amateur des rapprochements singuliers, un symbole de l’habileté des gens de palais à démêler les affaires embrouillées, sans doute aussi de la rapacité de ces chicanoux, qui ne se piquèrent jamais, comme on sait, de se conformer au désintéressement de leur patron, et le peuple, partant de ces idées, formula le proverbe qu’il appliqua toujours avec une arrière-pensée de malice.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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