LA FRANCE PITTORESQUE
29 décembre 1652 : mort
du magistrat Omer Talon
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Publié le jeudi 27 décembre 2012, par Redaction
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Omer Talon fut un des plus célèbres avocats-généraux du parlement de Paris, et son nom a sa place parmi les notabilités de la vieille magistrature française, parmi les Molé, les Lamoignon, les Bignon, les de Harlay, les Caumartin, les Séguier. Il n’avait pas vingt ans, lorsque, après d’heureuses études en droit, en littérature, en théologie et en histoire, il débuta avec éclat dans le barreau (1615).

Il y jeta bientôt les fondements de sa belle réputation, et ses coups d’essai furent si bien des coups de maître que son frère aîné, avocat-général au parlement de Paris, lui offrit de se démettre de cette charge en sa faveur. « Je la refusai d’abord, dit Omer, comme un emploi trop lourd et trop difficile. Après une longue résistance, laquelle de ma part n’était ni feinte ni affectée, la sollicitation de ma femme et de mes proches (il avait épousé en 1625 la fille de Doujat, avocat-général de Marie de Médicis et de Gaston d’Orléans) fut si pressante que je lâchai pied et promis de faire ce qu’on voulût. » Il entra en fonctions en 1631.

Omer Talon

Omer Talon

Omer Talon remplit ce ministère d’avocat-général, qu’il jugeait si lourd et si difficile, avec une probité et un talent exemplaires, et pendant vingt ans qu’il l’exerça, il développa une profonde érudition, un jugement sain et lumineux, une éloquence entraînante, un amour constant du bien public et le plus noble caractère. C’était cependant une époque d’épreuves extraordinaires pour la magistrature, et l’on peut dire que les hommes qui sortirent purs des désordres de la Fronde étaient d’une trempe peu commune. Au milieu de ces agitations, où la ligne du devoir ne semblait tracée nulle part, Orner Talon sut se garder également d’un entraînement d’opposition et d’esprit de corps, et d’une complaisance coupable pour les abus de pouvoir de la cour.

Seul peut-être, si l’on en excepte Mathieu Molé, il voulut, indépendamment de toute considération personnelle d’affection ou d’intérêt, ramener les partis à la paix par des concessions réciproques, par le rétablissement de chacun dans ses droits. « Si l’on remarque, dit le cardinal de Retz, quelques contradictions dans sa conduite, c’est qu’il était emporté comme tout le monde par les courants qui roulent dans ces sortes de temps avec une impétuosité qui agite les hommes en un même moment de différents cotés. »

Mais le témoignage de sa conscience et l’approbation du public ne lui rendaient pas moins douloureux le spectacle des calamités qui désolaient son pays. Le chagrin qu’il en ressentit abrégea ses jours. Mon fils ! Dieu te fasse homme de bien ! dit-il en expirant à Denis Talon, auquel il léguait sa charge et l’encouragement de ses vertus et de ses talents, et qui se montrait digne de recueillir ce noble héritage.

Omer Talon a laissé sur l’histoire contemporaine, des mémoires que Voltaire juge l’œuvre d’un bon magistrat et d’un bon citoyen, des discours sur les matières politiques, et des plaidoyers qui le placent au-dessus des orateurs de son temps, non seulement pour la solidité de la pensée, mais aussi pour la pureté et la vigueur du style. Il eut le bon esprit de purger son éloquence des fleurs de rhétorique alors à la mode ; cependant on peut lui reprocher de n’avoir pas encore assez absolument rompu avec le mauvais goût du jour : deux fragments que nous citerons justifieront l’éloge et le reproche.

« N’est-ce pas, dit-il, en s’élevant contre l’abus des lits de justice, une illusion dans la morale, une contradiction dans la politique, de croire que des édits qui, par les lois du royaume, ne sont pas susceptibles d’exécution jusqu’à ce qu’ils aient été rapportés et délibérés dans les cours souveraines, passent pour vérifiés, lorsque Votre Majesté en a fait lire et publier le titre en sa présence ? Un tel gouvernement despotique et souverain serait bon parmi les Scythes et les Barbares septentrionaux qui n’ont que le visage d’hommes. Mais en la France, Sire, le pays le plus policé du monde, les peuples ont toujours fait état d’être nés libres et de vivre comme vrais Français. »

On est étonné de rencontrer sous la même plume qui a écrit ces belles paroles tout actuelles, les phrases suivantes qu’on attribuerait volontiers à quelque astrologue du quatorzième siècle. « Le dessein de rompre les délibérations de la compagnie a sans doute pour fondement la pensée de ces grands astronomes qui se sont imaginés que l’influence des astres est plus grande et plus efficace lorsqu’ils agissent seuls que non pas lorsqu’ils sont en conjonction avec d’autres planètes, en telle sorte que si l’étoile de Jupiter était seule dominante sur notre horizon, nous serions immortels à cause de la puissance et de la dignité de sa lumière Vous êtes le soleil, Sire ; quand le soleil n’envoie que quelques rayons par la fenêtre, sa lumière est féconde et bienfaisante : c’est le symbole de la bonne fortune ; mais il est périlleux de songer que ce grand astre y entre tout entier, parce qu’il détruit par son activité tout ce qui entre dans ses voies. »

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