LA FRANCE PITTORESQUE
23 décembre 1722 : mort du
mathématicien Pierre Varignon
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Publié le samedi 22 décembre 2012, par Redaction
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Varignon, de l’Académie des Sciences , né à Caen en 1654 d’un père architecte, vit de bonne heure tracer des cadrans, et ne le vit pas indifféremment : un Euclide lui tomba entre les mains ; il l’emporta chez lui, et ce fut pour son âme géométrique une source de jouissances délicieuses.

Il connut, dans son cours de philosophie, l’abbé de Saint-Pierre, et ils s’aimèrent. « Ils avaient besoin l’un de l’autre, dit Fontenelle, pour approfondir, pour s’assurer que tout était vu dans un sujet. Leurs caractères différents faisaient un assortiment complet et heureux ; l’un, (Varignon) par une certaine vigueur d’idées, par une vivacité féconde, et par une fougue de raison ; l’autre, par une analyse subtile, par une précision scrupuleuse, par une sage et ingénieuse lenteur à discuter tout. »

Varignon n’avait rien. L’abbé de Saint-Pierre qui n’avait que dix-huit cents livres de rente, en détacha trois cents qu’il donna, par contrat, à son ami. C’est une chose vraiment intéressante que le tableau que trace Fontenelle, de la liaison qu’il avait formée dans sa jeunesse avec ces studieux amis, et dans laquelle un autre compatriote fut encore admis.

L’abbé de Saint-Pierre était allé s’établir avec Varignon dans une petite maison au faubourg Saint-Jacques. « J’étais leur compatriote (Fontenelle), et allais les voir assez souvent, et quelquefois passer deux ou trois jours avec eux ; il y avait encore de la place pour un survenant ; et même pour un second, sorti de la même province, aujourd’hui l’un des principaux membres de l’Académie des Belles-Lettres ; et fameux par les histoires qui ont paru de lui. Nous nous rassemblions avec un extrême plaisir : jeunes, pleins de la première ardeur de savoir, fort unis, et, ce que nous ne comptions pas alors pour un assez grand bien, peu connus. »

« Varignon passait les journées entières au travail ; nul divertissement, nulle récréation. Je lui ai ouï dire, que travaillant après souper, selon sa coutume, il était souvent averti par des cloches qui lui annonçaient deux heures après minuit, et qu’il était ravi de se pouvoir dire à lui-même, que ce n’était pas la peine de se coucher pour se relever à quatre heures. Il sortait de là, gai et vif ; et, à le voir, on eût cru qu’il fallait étudier la géométrie pour se bien divertir. »

En 1687, il se fit connaître par son projet d’une nouvelle mécanique, dédié à l’Académie des Sciences, et qui l’y fit recevoir en 1688. Le même ouvrage lui procura la chaire de professeur de mathématiques au collège Mazarin, où il fut le premier qui la remplit. Il fut aussi professeur de mathématiques au collège Royal. En 1690, il publia ses Nouvelles Conjectures sur la Pesanteur. Il fut un des plus grands zélateurs et des plus ardents défenseurs de la géométrie des infiniment petits.

En 1705, la contention et l’assiduité du travail lui causèrent une grande maladie. Dans ses accès de fièvre, il se croyait au milieu d’une forêt, où il voyait toutes les feuilles des arbres couvertes de calculs algébriques. Revenu de sa maladie, il ne profita point du passé, et recommença de se livrer avec excès au travail. Un jour, après avoir fait sa classe au collège Mazarin, il se sentit indisposé, et mourut subitement la nuit suivante.

Dans les dernières années de sa vie, les fréquentes visites des curieux, soit nationaux, soit étrangers ; les ouvrages qu’on soumettait a son examen ; un commerce de lettres avec tous les savants de l’univers, lui laissaient peu de temps pour ses travaux particuliers. « C’est ainsi, dit Fontenelle, qu’on devient célèbre pour avoir su profiter d’un grand loisir, et qu’on perd ce loisir précieux, parce qu’on est devenu célèbre. »

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