LA FRANCE PITTORESQUE
22 décembre 1729 : mort de
l’acteur et auteur Michel Baron
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Publié le vendredi 21 décembre 2012, par Redaction
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Le nom de Baron s’était déjà produit au théâtre avec un double éclat : mais le fils devait effacer et le père et la mère. Tous les avantages de la figure, de la taille, de la voix, du geste, Baron les possédait, et y joignait ceux de l’intelligence. Elève, et ami de Molière, il le suivit dans sa double carrière d’acteur et d’auteur, avec autant de supériorité dans la première que d’infériorité dans la seconde. Baron fut surnommé le Roscius de son siècle.

Estimant peu sa profession, mais beaucoup son art, s’élevant très haut lui-même, il disait : « Tous les cent ans, on peut voir un César ; mais il en faut dix mille pour produire un Baron. » D’après cette opinion, il est tout simple que Baron traitât les grands d’égal à égal ; ce qui lui attira quelques mésaventures. Outre la fatuité du talent, il avait celle des bonnes fortunes : plus d’une femme de qualité l’honora de ses faveurs, et lui, qui croyait les honorer des siennes, n’observa pas toujours dans ses intrigues galantes le mystère qui en était la condition. S’étant avisé d’aller en plein jour chez une dame, à laquelle il n’avait jusque là rendu que des visites nocturnes, celle-ci lui demanda froidement ce qu’il venait chercher. « Mon bonnet de nuit », répondit hardiment Baron.

En 1691, il quitta le théâtre, et y reparut en 1720, au bout de vingt-neuf ans : il en avait soixante-huit, et il obtint encore de grands succès. Cependant ses moyens venaient parfois à lui manquer, et le parterre le lui faisait sentir : « Ingrat parterre ! disait-il alors, si tu as du goût, c’est moi qui te l’ai donné, et tu le tournes contre moi. » Une fois on lui cria : « Plus haut. — Et vous, plus bas, » répliqua-t-il. Obligé de faire des excuses au public, il commença ainsi : « Je n’ai jamais senti avec plus d’amertume qu’en ce moment la bassesse de mon état » On voulut bien se contenter de cette humiliation orgueilleuse.

Selon l’expression de Voltaire, Baron fut unique dans la tragédie et dans la comédie. Les prédicateurs venaient l’entendre en loge grillée, et former leur débit à son exemple. Racine, distribuant les rôles d’une de ses pièces, et donnant des avis à chacun des acteurs : « Pour vous, dit-il à Baron, je vous livre à vous-même ; votre cœur vous en apprendra plus que mes leçons. » De toutes les pièces, qui ont paru sous son nom, l’Homme à bonnes fortunes s’est seule maintenue au théâtre : on attribuait au père de Larue l’Andrienne et l’Ecole des pères.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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