LA FRANCE PITTORESQUE
22 décembre 1767 : mort du
prédicateur Jacques Bridaine
()
Publié le vendredi 21 décembre 2012, par Redaction
Imprimer cet article

Fils d’un chirurgien de village, dans le diocèse d’Uzès, né le 21 mars 1701, Bridaine passa du collège des jésuites d’Avignon, où il fit ses première études, au séminaire de la congrégation des missions royales de la même ville. Son zèle ardent, son éloquence entraînante s’étaient de bonne heure manifestés. A peine revêtu des premiers ordres, il fut envoyé à Aigues-Mortes pour y prêcher le carême. Arrivant à pied, dans l’équipage le plus modeste, le jeune missionnaire inspira peu de confiance : le mercredi des cendres, ayant attendu vainement des auditeurs dans l’église, il en sortit couvert d’un surplis, et agitant une clochette de rue en rue, de carrefour en carrefour.

A ce spectacle, à ce bruit, la foule s’amasse, et suit le missionnaire jusque dans le temple. Bridaine alors monte en chaire, entonne un cantique sur la mort, et, sans se soucier des éclats de rire qu’il excite, paraphrase ce terrible sujet avec une énergie, qui remue profondément l’auditoire, le frappe d’admiration et d’effroi. Ce début est le programme de toute la carrière Je Bridaine ; souvent il eut recours à des moyens extraordinaires pour appeler le peuple à ses exercices.

Doué d’une imagination hardie, aventureuse, d’une voix tellement forte et sonore, qu’elle pouvait facilement être entendue de dix mille personnes à la fois, s’abandonnant aux inspirations du moment, ne reculant jamais devant l’étrangeté d’une image, ou l’incohérence d’une expression, Bridaine atteignait aux grands effets, sans éviter les contrastes bizarres et grotesques. L’abbé Maury et La Harpe ont cité l’exorde d’un sermon sur l’éternité, que Bridaine improvisa dans l’église de Saint-Sulpice, en présence du plus imposant auditoire. C’est dans ce sermon, dont le reste avait été composé d’avance, que se trouvait ce passage : « Eh ! savez-vous ce que c’est que l’éternité ? C’est une pendule, dont le balancier dit et redit sans cesse ces deux mots seulement dans le silence des tombeaux : toujours, jamais ! Jamais, toujours ! et toujours pendant ces effroyables révolutions, un réprouvé s’écrie : quelle heure est-il ? et la voix d’un autre misérable lui répond : l’éternité. »

Bridaine ne négligeait aucun des secours, qu’il pouvait tirer du jour, du lieu, de l’heure, du rang et de l’esprit de ses auditeurs : il s’était tracé des règles, dont il ne permettait pas à ses compagnons de s’écarter. De là vinrent l’éclat et le succès prodigieux des deux cent cinquante-six missions qu’il entreprit pendant sa vie. A l’exception de quelques provinces du nord, il n’était pas en France une ville, un village, où il n’eût porté son zèle apostolique : le pape Benoît XIV lui avait conféré le pouvoir de faire la mission dans toute l’étendue de la chrétienté. La mort le saisit au milieu de ses pieuses fonctions. Doux, simple et modeste, Bridaine joignait l’influence du caractère et des mœurs à celle du talent.

Copyright © LA FRANCE PITTORESQUE
Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

Imprimer cet article

LA FRANCE PITTORESQUE