LA FRANCE PITTORESQUE
Berlingoles de Châtellerault :
recette oubliée vieille de trois siècles ?
(D’après « Bulletin de la Société d’histoire de la pharmacie », paru en 1914)
Publié le mercredi 6 décembre 2023, par Redaction
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C’était en l’an 1727. La population châtelleraudaise se plaignait de ce que Paul Beaupoil et Guillon Pierre, les seuls apothicaires de la ville, vendaient fort cher « drogues et médicaments »...
 

Sur leur refus de recevoir dans leur communauté un troisième confrère, les chirurgiens demandèrent au Lieutenant du Roy de faire subir eux-mêmes les chefs-d’œuvre à un aspirant, attendu « que la ville avait besoin d’un aultre apothicaire, habile, soigneux, en qui l’on pût se fier pour la confection des médicaments ».

Cet aspirant à la maîtrise était François-Xavier Seuilly qui avait été apprenti chez Beaupoil, de là inscrit à l’Université de Montpellier, puis compagnon chez un apothicaire d’Agen et chez un autre dans l’île de Candie. Il passa ses connaissances et lectures les 18, 25 septembre et 2 octobre devant Joseph Calvin, Alexandre Bobin, et Charles Rasseteau, et son chef-d’œuvre pour être admis définitivement au corps et communauté des Maîtres Apothicaires le 9 octobre 1728.

L'apothicaire à l'oeuvre
L’apothicaire à l’œuvre. © Crédit illustration : Araghorn

Or, parmi les quatre chefs-d’œuvre qu’il avait à présenter pour montrer qu’il « savait cuire et confire » se trouvait « un ouvraige de cire, confiture et sucre ». Par une fatalité du sort le malheureux Seuilly laissa brûler une de ses préparations. Il tenta d’y remédier et se souvenant que pendant son passage à Candie il avait appris « à berlingoler sucres et confitures, il adjouta en poelons miel, sucres et espritz ». Il présenta ainsi ses tabellae aux juges dont la friandise adoucit l’âpreté officielle et qui « attendu que la ville a besoin de secours, donnèrent à lui Seuilly la main d’association et d’amitié pour par lui jouir des privilèges attribués aux aphothicaires ».

Fier de son succès, Seuilly dans son apothicairerie (la vente du sucre étant à cette époque un privilège des apothicaires) vendit pour beaux deniers les « Berlingoles » dont il gardait jalousement le secret. Après lui son fils François continua la confection des tabellae ou Pastilles Seuilly jusqu’au jour où Paul-Alexandre Gallais ouvrit une boutique de confiseur et rendit célèbres les « Berlingoles ».

Plus tard, un nommé Briault eut connaissance de la recette. Il fit des berlingoles à son tour et courut de foire en foire en Guyenne et Gascogne au travers de toute la France. Gallais fit un procès à Briault, qui fut condamné à changer le nom, la forme et le goût. Briault adjoignit au miel, à la mélasse, au sucre, des amandes et de l’huile volatile de menthe et au lieu de gouttelettes solidifiées fit une pâte qu’il coupa au ciseau. Briault mourut et ce fut la fin des Berlingoles de Châtellerault qu’il avait fait connaître dans toute la France.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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