LA FRANCE PITTORESQUE
Il bat les buissons,
et les autres prennent les oisillons
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Publié le vendredi 4 août 2017, par Redaction
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Cela se dit d’un homme qui prend une peine dont un autre tire tout le profit
 

Le sens de ce proverbe est le même que celui renfermé dans ces vers de Virgile, qui eux-mêmes sont devenus proverbe :

Hos ego versiculos feci, tulit alter honores :
Sic vos non vobis.

Voici la circonstance qui donne lieu à cette pensée proverbiale. Dans certains pays on fait en hiver une petite chasse aux flambeaux et entre deux haies. Un homme porte un bouleau ou tout autre arbrisseau enduit de glu ; d’autres hommes, armés de flambeaux, battent de côté et d’autre les buissons, et en font sortir les oiseaux qui, éblouis par la lumière, vont se jeter dans le bouleau, où ils demeurent empêtrés et pris.

Les Grecs de l’île de Candie, anciennement l’île de Crète, font à peu près de cette manière une chasse très abondante aux grives. Ces oiseaux se retirent tous dans des bosquets d’orangers et de citronniers pour y passer la nuit. On va semer l’agitation au milieu de ces troupes endormies, avec des lumières trompeuses ; s’imaginant que c’est le jour, les grives quittent le feuillage charmant, asile qu’une ruse cruelle convertit en un lieu de mort. On les voit voler autour des flambeaux, et on les assomme à grands coups de palettes de bois. Les paysans en remplissent ainsi des sacs, et ils les portent dans les marchés des villes.

Les Anglais, au siège d’Orléans, se brouillèrent avec le duc de Bourgogne, qui, voyant qu’ils gardaient cette ville pour eux, leur cita ce proverbe, comme le rapportent tous les historiens du temps.

Lors du grand spectacle pantomime et allégorique que le duc de Bourgogne donna, à l’effet de liguer les principaux seigneurs pour s’opposer à l’ambition de Mahomet II, qui menaçait l’Europe et la chrétienté, il y avait, entre autres choses extraordinaires posées sur un immense théâtre, un homme qui, avec une perche, battait un buisson, où s’étaient réfugiés beaucoup de petits oiseaux. Près de là, dans un verger clos d’une treille de roses, était assis un chevalier avec sa maîtresse ; ils attrapaient les oiseaux que chassait l’autre, et les mangeaient, sorte d’allégorie satirique assez ingénieuse, et qui, probablement, a fait naître ou confirmé l’expression proverbiale battre les buissons pour un autre.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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