L’hôtel des Invalides est un des plus beaux monuments du ministère de Louvois et du règne de Louis XIV. Il fut bâti sur les dessins du célèbre Mansart.
« Je fus hier aux Invalides, dit le Persan de Montesquieu ; j’aimerais autant avoir fait cet établissement si j’étais prince, que d’avoir gagné trois batailles. On y trouve partout la main d’un grand monarque. Je crois que c’est le lieu le plus respectable de la terre.
« Quel spectacle que de voir rassemblées dans un même lieu toutes ces victimes de la patrie, qui ne respirent que pour la défendre, et qui, se sentant le même cœur et non plus la même force, ne se plaignent que de l’impuissance où elles sont de se sacrifier pour elle !
« Quoi de plus admirable que de voir ces guerriers débiles, dans cette retraite, observer une discipline aussi exacte que s’ils y étaient contraints par la présence d’un ennemi, chercher leur dernière satisfaction dans cette image de la guerre, et partager leur cœur et leur esprit entre les devoirs de la religion et ceux de l’art militaire !
« Je voudrais que les noms de ceux qui meurent pour la patrie, pour leur roi, fussent écrits et conservés dans les temples, sur des registres qui fussent comme la source de la gloire et de la noblesse. »
Lorsque le roi entrait aux Invalides, sa garde ordinaire était sans fonctions. Cela avait été ainsi décidé dès les premiers temps que Louis XIV alla visiter cet hôtel. Les soldats qui voulaient, à l’envi les uns des autres, voir de près ce grand monarque, pour lequel ils avaient tant de fois exposé leur vie dans les combats, se jetèrent en foule devant lui ; la garde les repoussa un peu brusquement, ce qui leur fut très sensible ; le roi s’en étant aperçu, ordonna à ses gardes d’agir plus doucement à l’égard de ses anciens serviteurs, et il ajouta, avec cet air de bonté, dont il savait si bien relever l’éclat de son diadème : qu’il était en sûreté au milieu d’eux. Depuis ce temps-là, le roi se confia toujours, quand il entrait dans l’hôtel, à la garde de ces anciens militaires.
Une circonstance glorieuse pour les invalides, est la visite que leur rendit Pierre le Grand, tsar de Russie. Après avoir tout examiné avec cet œil observateur, auquel rien n’échappait de ce qui méritait d’être remarqué, il voulut voir dîner les soldats ; on leur fit donner double portion de vin, et il prit lui-même sur une table un demi-setier qu’il but militairement à la santé de ses camarades.
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