LA FRANCE PITTORESQUE
30 novembre 886 : paix honteuse
de Charles le Gros avec les Normands
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Publié le jeudi 29 novembre 2012, par Redaction
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Vers la fin de l’année 885, les Normands firent une descente en France par la Seine ; et après avoir pillé Rouen et Pontoise, ils vinrent mettre le siège devant Paris. Cette ville, qui ne consistait encore que dans la cité, était entourée de murailles flanquées de tours de distance en distance. On n’y entrait que par deux ponts, le Petit-Pont et le Pont-au-Change. Chacun de ces ponts était défendu par deux tours, à la place desquelles on bâtit dans la suite le grand et le petit Châtelet.

Les Normands mirent le feu à la tour du petit Châtelet, et la détruisirent entièrement : pour celle du grand Châtelet, ils ne purent s’en rendre maîtres. Abbon, auteur contemporain, rapporte qu’après avoir tâché de combler les fossés de cette tour avec des fascines, et même avec des bœufs et des vaches qu’ils tuèrent exprès, ils y jetèrent les corps d’une partie des prisonniers qu’ils avaient faits, et qu’ils égorgèrent pour leur servir de pont ; que Gozlin, évêque de Paris, saisi d’horreur et d’indignation à ce trait d’inhumanité, lança un javelot et tua un de ces barbares, que ses camarades jetèrent aussitôt avec les autres.

Le siège dura une année et demie. On en connaît peu qui aient été poussés avec plus de vigueur et d’acharnement. Les Parisiens le soutinrent arec un courage inébranlable : ils avaient à leur tête non seulement Eudes, que sa valeur éleva depuis sur le trône de France, mais encore leur évêque Gozlin, qui chaque jour, après avoir donna la bénédiction à son peuple, se mettait sur la brèche, le casque en tête, un carquois sur le dos et une hache à sa ceinture, et ayant planté une croix sur le rempart, combattait à sa vue.

Ce prélat mourut de ses fatigues au milieu du siège, laissant une mémoire respectable et chère, car s’il arma des mains que la religion réservait seulement au ministère de l’autel, il les arma pour cet autel même, et pour ses concitoyens, qu’il empêcha de devenir la proie des barbares.

Les Parisiens éprouvèrent toutes les horreurs qu’entraînent dans un long siège, la famine et la contagion, et ne furent point ébranlés. Au bout de ce temps l’empereur Charles le Gros, roi de France, parut enfin à leur secours sur le mont de Mars, qu’on appelle aujourd’hui Montmartre ; mais il n’osa pas attaquer les Normands : il ne vint que pour acheter une trêve honteuse. Ces barbares quittèrent Paris pour aller piller la Bourgogne, tandis que Charles retournait en Allemagne, où les grands, indignés par son attitude, le déposèrent solennellement à la diète de Tibur.

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Tous droits réservés. Reproduction interdite. N° ISSN 1768-3270.

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